La chambre de la Cour suprême du sud de la province de Gauteng, à Johannesburg, devra bientôt se prononcer sur la suite à donner à ce recours collectif unique en son genre, qui dénonce les effets négatifs sur les droits humains des activités minières d’une entreprise sud-africaine à l’étranger. Si des poursuites sont ouvertes, les enfants et les femmes de Kabwe auront la possibilité historique de s’exprimer devant la justice.
« Cette action collective est une histoire emblématique qui nous rappelle David et Goliath, et constitue une avancée considérable et attendue de longue date vers la justice pour les habitant·e·s de Kabwe, qui souffrent d’intoxication au plomb depuis des années en raison des activités minières de sociétés multinationales près de chez eux », a déclaré Deprose Muchena, directeur pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International.
En octobre 2020, les résident·e·s de Kabwe ont engagé une action en justice au civil contre la filiale sud-africaine d’Anglo American, au nom de quelque 100 000 femmes et enfants ayant signalé souffrir de maux liés à l’exposition au plomb résultant des activités d’extraction de ce métal près de chez eux depuis une centaine d’années. La décision du tribunal de confirmer l’ouverture de poursuites dans le cadre de cette action collective aura sans aucun doute des répercussions sur le droit des victimes à un recours effectif, ainsi que sur leur accès à la justice.
Le mémoire soumis par Amnesty International et le SALC, destiné à éclairer le tribunal, fournit une analyse des normes internationales relatives aux droits humains et des dispositions constitutionnelles sud-africaines, afin d’aider le tribunal à se prononcer sur cette affaire. Les deux groupes de défense des droits humains soulignent que l’Afrique du Sud est tenue de réglementer la conduite de ses entreprises en dehors de ses frontières territoriales, de protéger et respecter les droits humains, et de fournir un recours lorsque ceux-ci sont bafoués dans le contexte du fonctionnement des entreprises. Ils avancent par ailleurs que la Déclaration des droits impose des obligations aux entreprises sud-africaines telles que Anglo American.
« L’Afrique du Sud est tenue de réglementer la conduite de ses entreprises en dehors de ses frontières territoriales, de protéger et de respecter les droits humains »
« Ce recours collectif pourrait aider à combler des lacunes choquantes en termes d’obligation de rendre des comptes et à établir un précédent marquant en matière de responsabilité des entreprises. Cette affaire est une occasion pour l’Afrique du Sud d’adresser aux entreprises multinationales un signal fort, selon lequel leur obligation de ne pas violer les droits humains ne s’arrête pas à la frontière du pays », a déclaré Atilla Kisla, responsable de l’unité Justice internationale du SALC.
Amnesty International et le SALC sont représentés par le Centre for Applied Legal Studies [3](CALS) et l’avocate Karabo van Heerden dans cette affaire.
Complément d’information
La mine de plomb de Kabwe - jadis connue sous le nom de mine de Broken Hill - aurait été aux mains d’Anglo American entre 1925 et 1974, et aurait contribué à une pollution environnementale de grande ampleur dans les villes et agglomérations proches du site minier.
Aujourd’hui, les spécialistes de la question décrivent Kabwe comme l’une des zones les plus polluées par le plomb dans le monde. Des études médicales ont montré que les analyses sanguines effectuées sur des enfants de Kabwe révélaient des taux de plomb record. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables face à la toxicité du plomb, dont on sait qu’il cause des dégâts permanents dans les organes internes, notamment le cerveau.