Amnesty International s’inquiète des violations éventuelles du droit des familles roms à assurer leur subsistance par les autorités locales de Tirana, qui les empêchent de ramasser les déchets recyclables.
Entre l’entrée en vigueur de l’interdiction au mois de juin et la fin du mois de juillet, la police municipale de Tirana a verbalisé au moins 92 personnes pour avoir ramassé des déchets et a également saisi et confisqué leurs outils, leurs véhicules et les déchets qu’elles avaient ramassés. On estime à 700 le nombre de familles roms de Tirana qui tirent leur seul revenu du ramassage et du recyclage des déchets.
Amnesty International estime que l’action de la police constitue une discrimination injustifiée à l’encontre des Roms, étant donné qu’ils sont de loin les premiers touchés par cette interdiction, aucun autre groupe ou personne ne tirant sa subsistance du ramassage des déchets. L’action de la police a également été dénoncée par le Groupe albanais de défense des droits humains, ainsi que par des associations roms.
Selon les autorités, l’interdiction du ramassage des déchets se fonde sur les doléances d’habitants se plaignant de la saleté et l’odeur ; la police municipale a justifié ses actions en déclarant qu’elles avaient pour but de protéger l’environnement. Amnesty International considère que les autorités devraient consulter l’ensemble des personnes concernées, en particulier les Roms, et travailler de concert avec elles de façon à trouver des solutions adaptées qui respectent les droits de chacun, notamment le droit des Roms à assurer leur subsistance. Pour l’organisation, l’interdiction à effet immédiat du ramassage des déchets n’est pas un moyen adapté de régler le problème puisqu’elle se traduit par une privation soudaine de moyens de subsistance.
Le 2 juillet, des membres de la communauté rom ont fait part de leurs inquiétudes au médiateur au sujet des saisies, des confiscations et des amendes. Ils ont déclaré qu’ils avaient l’interdiction de ramasser des matériaux recyclables depuis trois semaines. Ils ont également affirmé avoir été molestés et insultés par la police municipale lors de la saisie de leurs biens.
La police municipale n’a répondu à aucun des trois courriers envoyés par le médiateur, dans lesquels celui-ci réclamait des copies de l’ordre et des actes administratifs autorisant les actions de la police, et elle a refusé de rencontrer les représentants du bureau du médiateur. Dans un courrier daté du 24 juillet, le médiateur a demandé la suspension immédiate des actions de la police à l’encontre des membres de la communauté rom. Il a également recommandé aux autorités municipales de trouver d’autres moyens de résoudre le problème, notamment en donnant accès aux Roms à d’autres sources de revenus, en concertation avec eux, et en répondant à leurs préoccupations.
Amnesty International demande aux pouvoirs publics de Tirana, notamment le chef de la police municipale, de donner suite aux recommandations du médiateur ainsi qu’elles sont tenues de le faire au titre de la Loi sur le médiateur. Dans l’intervalle, l’organisation appelle également la police à mettre sans délai un terme à ses actions en cours à l’encontre des Roms en attendant qu’une solution puisse être trouvée, et en particulier à renoncer aux actes de violence, notamment contre les enfants, dont ont fait état un certain nombre de Roms et d’Égyptiens (voir ci-dessous).
Informations complémentaires
Le droit de gagner sa vie est inclus dans le droit au travail tel qu’il est défini dans l’article 6-1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC).
En 2006, dans les observations finales de son rapport sur la mise en œuvre du PIDESC par l’Albanie, le Comité des Nations Unies pour les droits économiques, sociaux et culturels a déclaré (traduction non officielle) :
« Le Comité s’inquiète de voir que les minorités ethniques d’Albanie, en particulier les communautés rom et égyptienne, sont victimes de discrimination et de lourds désavantages dans l’accès aux services, et que leurs droits économiques, sociaux et culturels ne bénéficient pas d’une protection suffisante. Le Comité est également très préoccupé par les informations faisant état de mauvais traitements et d’un usage excessif de la force par les agents de la force publique à l’égard de ces personnes, malgré l’explication avancée par l’État partie selon laquelle il s’agit d’incidents isolés (paragraphe 20).
« Le Comité fait part de son inquiétude au sujet du niveau élevé de chômage qui persiste dans l’État partie, en particulier dans les zones rurales et au sein des minorités ethniques, notamment les communautés rom et égyptienne (paragraphe 23). »
L’absence de perspectives professionnelles pour les Roms a été mise en exergue par le Comité des Nations Unies pour l’élimination de la discrimination en août 2011 lorsqu’il a demandé à l’Albanie de lui communiquer des informations relatives à la discrimination dont faisait l’objet les Roms et les Égyptiens, notamment dans le domaine de l’emploi, en préparation de l’examen, plus tard dans l’année, du rapport sur la mise en œuvre par l’Albanie du Pacte international sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Les Égyptiens se définissent comme un groupe distinct des Roms ; leur identité ethnique n’est pas reconnue par le gouvernement albanais.