ALBANIE : Toujours pas d’explication au sujet des blessures mortelles qu’a reçues un mineur en détention

Index AI : EUR 11/006/2004

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Les autorités albanaises doivent établir les circonstances dans lesquelles
un jeune homme âgé de dix-sept ans a reçu des blessures mortelles alors
qu’il se trouvait en détention provisoire. Elles doivent traduire en justice
les responsables de sa mort. Amnesty International a fait part ce jeudi 16
décembre 2004 de sa vive inquiétude face au manque de détermination du
ministère public et des autorités judiciaires albanaises à faire la lumière
sur la mort d’Eriguert Ceka, décédé en juillet 2004 au poste de police de
Rrëshen, dans le district de Mirdita.

« Aux termes de la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations
unies, que l’Albanie est juridiquement tenue de respecter puisqu’elle l’a
ratifiée, Eriguert Ceka était un enfant. En tant que tel, l’État albanais se
devait de lui accorder une protection spéciale. Or, il ne s’est pas
seulement montré incapable de s’acquitter de cette obligation, il s’est
aussi dérobé à sa responsabilité consistant à identifier et sanctionner la
ou les personnes qui l’ont brutalisé. En outre, les parents d’Eriguert Ceka
ont le droit de savoir comment leur enfant est mort et le droit d’obtenir
réparation pour l’incapacité de l’État à le protéger », a déclaré Amnesty
International ce jour.

Au lendemain de la mort d’Eriguert Ceka survenue le 8 juillet 2004, deux
policiers du poste de Rrëshen, dans le district de Mirdita, ont été
interpellés et ont fait l’objet d’une enquête. En novembre, le premier a été
condamné à une peine de six mois d’emprisonnement pour avoir enfreint les
règles relatives à l’escorte des détenus. Le 10 décembre, le tribunal de
district de Tirana a condamné le second, Gjon Reci, à une peine
d’emprisonnement de huit mois. Le tribunal a conclu qu’il n’avait pas
respecté les règles relatives à la surveillance des détenus qu’édicte le
Code pénal militaire (article 41.1).

Dans son arrêt (n° 278), le tribunal indiquait à juste titre qu’il lui
revenait surtout de répondre à deux questions : dans quelles circonstances
était survenue la mort d’Eriguert Ceka et qui en était responsable.
Pourtant, concluant qu’il n’avait pu l’établir de manière irréfutable, il
dressait la liste des hypothèses qui « ne pouvaient être écartées » :
Eriguert Ceka se serait blessé lui-même pour des raisons inconnues ; il
aurait perdu connaissance après s’être battu avec un compagnon de cellule,
se blessant à la tête dans sa chute ; enfin, le policier Gjon Reci l’aurait
giflé et poussé contre un mur, provoquant sa chute et ses blessures. Amnesty
International fait observer que la requête du procureur demandant que cette
affaire soit jugée précise que Gjon Reci avait giflé, roué de coups de pied
et vigoureusement poussé le prisonnier. Toutefois, Gjon Reci a nié avoir
maltraité Eriguert Ceka.

L’organisation de défense des droits humains ne prétend pas savoir comment
Eriguert Ceka est mort, mais estime qu’une enquête approfondie et impartiale
menée dans les meilleurs délais aurait dû permettre d’identifier le ou les
responsables et de les déférer à la justice.

Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par le fait qu’Eriguert
Ceka était maintenu en détention provisoire sous l’inculpation de vol simple
depuis son arrestation survenue en mai 2004. Il s’avère que cette mesure
bafouait la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies,
selon laquelle la privation de liberté ne doit être « qu’une mesure de
dernier ressort, et être d’une durée aussi brève que possible ».

La surpopulation dans les postes de police où les prisonniers sont placés en
détention provisoire demeure un problème chronique en Albanie, comme l’a
rapporté le Comité Helsinki albanais dans sa toute dernière déclaration
portant sur les conditions de détention dans les postes de police de Fier et
Kruja. Le Comité ajoutait que les mineurs continuent d’être incarcérés dans
des cellules accueillant des adultes, ce qui est contraire à la loi.

« Tout en exacerbant la surpopulation, le maintien en détention provisoire
de mineurs comme Eriguert Ceka, qui ne sont pas inculpés d’infractions
violentes, ne peut que les exposer à des violences et autres atteintes aux
droits humains - commises tant par des codétenus que par les personnes
chargées de les surveiller et de les protéger », a conclu Amnesty
International

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