Communiqué de presse

Algérie. Amnesty International réprouve une condamnation pour « offense au prophète » et l’ordre de fermer les églises à Bejaia

Amnesty International déplore la peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée contre Abdelkarim Siaghi pour « offense au prophète Mahomet » à l’issue d’un procès inique. L’organisation craint que cet homme n’ait fait l’objet de poursuites judiciaires en raison de sa conversion au christianisme et appelle les autorités à annuler sa condamnation et à respecter son droit à la liberté de conscience et de religion.

Elle les engage en outre à annuler la décision prise par le préfet de Bejaia, le 8 mai 2011, d’ordonner la fermeture de toutes les églises de la wilaya (division administrative) de Bejaia.

Le 14 avril 2011, Abdelkarim Siaghi, un homme de 29 ans vivant à Oran (la deuxième ville d’Algérie, dans l’ouest du pays), a été arrêté par la police judiciaire et placé en garde à vue pendant 48 heures. Il a été interrogé au sujet de sa religion et sur le fait qu’il ait ou non offensé le prophète Mahomet, ce qu’il a nié. Il a été conduit à son domicile, où son ordinateur et des livres religieux chrétiens ont été saisis. Le 17 avril, il a comparu devant le procureur général et a été inculpé d’« offense au prophète Mahomet » au titre de l’article 144 bis 2 du Code pénal. Le 25 mai 2011, le tribunal de première instance de la cité Djamel, à Oran, l’a condamné à une peine de cinq ans d’emprisonnement assortie d’une amende de 20 000 dinars algériens (environ 1 400 euros). Il est en liberté dans l’attente de sa procédure en appel.

Il semble qu’Abdelkarim Siaghi a été arrêté sur la base d’une plainte d’un habitant d’Oran ayant affirmé qu’il avait insulté le prophète Mahomet. Son avocat a indiqué à Amnesty International que le tribunal l’avait condamné à cinq ans de prison sans présenter aucun élément de preuve et sans que la défense ait pu procéder à un contre-interrogatoire des témoins de l’accusation.

Amnesty International exhorte les autorités algériennes à abandonner les poursuites engagées contre Abdelkarim Siaghi en raison de sa conversion au christianisme et à garantir sa liberté de conscience, de religion et de conviction. Elles ne doivent pas prononcer de sanctions pénales contre quelque personne que ce soit dans le but de forcer cette personne à adhérer à une conviction religieuse.

Selon les informations fournies à Amnesty International par Mustapha Krim, président de l’Église protestante d’Algérie, une autre mesure visant à restreindre la liberté de religion en Algérie a été prise par le préfet de Bejaia, qui a adopté une directive ordonnant la fermeture de toutes les églises de la wilaya. Cette décision semble avoir pour objectif de faire cesser la procédure judiciaire que l’Église protestante d’Algérie a engagée à Bejaia en 2002 afin de reprendre possession d’un bâtiment religieux lui appartenant. La wilaya aurait attribué ce bâtiment à un syndicat. La directive du préfet s’appuie sur l’ordonnance 06-03 relative à l’exercice de religions autres que l’islam.

La Constitution algérienne dispose que « [l]a liberté de conscience et la liberté d’opinion sont inviolables ». D’autres lois algériennes protègent également le droit à la liberté de religion. Par exemple, l’État est tenu, en vertu de l’ordonnance 06-03 de 2006 relative à l’exercice de religions autres que l’islam, de veiller à ce que les autres religions soient tolérées et respectées.

Ce texte érige toutefois en infractions les activités religieuses non réglementées par l’État et exige que les religions autres que l’islam ne soient pratiquées que dans des lieux approuvés par celui-ci. Il institue également une commission nationale sur les religions, qui est habilitée à réglementer l’enregistrement des associations religieuses.

En sa qualité d’État partie au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), l’Algérie a l’obligation de respecter le droit à la liberté de conscience et de religion. L’article 18 du PIDCP, en particulier, dispose que « [n]ul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix ».

Par ailleurs, Amnesty International est préoccupée par le fait que des dispositions du Code pénal définies en termes vagues sont utilisées en violation du principe de légalité, qui requiert qu’une infraction soit définie de manière claire et précise. Elle demande aux autorités d’abroger toutes les dispositions de ce type utilisées pour poursuivre les personnes qui ne se conforment pas aux normes religieuses et sociales en Algérie.

L’organisation considère en outre que de nombreuses dispositions de l’ordonnance 06-03 sont définies en termes vagues et pourraient porter atteinte au droit de toute personne à la liberté de religion, et plus particulièrement au droit qu’ont les membres de groupes religieux autres que l’islam de pratiquer leur culte en public. Elle est inquiète à l’idée que les restrictions prévues par la loi soient utilisées surtout pour réprimer les églises protestantes en Algérie, que certains médias nationaux ont accusées de prosélytisme ces dernières années.

D’après les informations dont dispose Amnesty International, depuis la promulgation de l’ordonnance 06-03, les autorités algériennes refusent systématiquement d’enregistrer les églises protestantes, ce qui oblige les protestants d’Algérie souhaitant exercer leur droit légitime de manifester leur religion ou leur foi à les pratiquer dans des lieux non approuvés par l’État, s’exposant ainsi à des poursuites en vertu de la loi.

La directive du préfet ordonnant la fermeture de toutes les églises à Bejaia et la condamnation d’Abdelkarim Siaghi à Oran vont à l’encontre des promesses de changement et de réformes faites par le président algérien.

Complément d’information

Dans un discours prononcé à la mi-avril 2011, le président Abdelaziz Bouteflika a promis un changement politique et social. Il s’est par exemple engagé à approfondir le processus démocratique, à renforcer l’état de droit, à réduire les inégalités et à accélérer le développement socioéconomique. Après la levée de l’état d’urgence fin février 2011, il a assuré qu’il mènerait un programme de réformes politiques. Il a également demandé au Parlement de réviser les lois relatives à la participation politique des Algériens.

Dans son discours, le président a souligné le rôle des assemblées locales et annoncé un programme d’accroissement de la décentralisation.

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