Algérie : Les autorités doivent cesser de poursuivre en justice des manifestant·e·s pacifiques

Les autorités algériennes doivent cesser d’engager des poursuites judiciaires contre des manifestant·e·s pacifiques et respecter l’indépendance de la justice, a déclaré Amnesty International jeudi 28 mars 2019, en amont des nouvelles manifestations prévues dans tout le pays le 29 mars.

Depuis le début de la vague de manifestations qui a commencé le 22 février pour protester contre la tentative du président Abdelaziz Bouteflika de briguer un cinquième mandat, au moins 311 personnes ont été arrêtées selon la Direction générale de la sûreté nationale. Ces manifestants et manifestantes ont été inculpés de participation à des « rassemblements non armés », d’actes de violence et de vol.

« Les autorités algériennes doivent abandonner les poursuites pour “rassemblements non armés” engagées contre des personnes qui ont participé pacifiquement aux manifestations massives et doivent modifier toutes les lois qui érigent en infraction la liberté d’expression et de réunion pacifique », a déclaré Magdalena Mughrabi, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient.

Amnesty International a appelé à maintes reprises les autorités algériennes à modifier l’article 97 du Code pénal algérien sur les « rassemblements non armés », en vertu duquel des manifestant·e·s pacifiques risquent jusqu’à un an de prison.

L’organisation a également demandé que les autorités judiciaires du pays puissent mener à bien leur travail en toute indépendance, sans ingérence ni pression des autorités.

« Aucune mesure disciplinaire ne doit être prise contre des juges qui veulent respecter les droits à une procédure régulière et à un procès équitable de toutes les personnes comparaissant devant la justice en lien avec les manifestations. L’Algérie a l’obligation de garantir l’indépendance de la justice et de protéger les juges et les avocats de toute forme d’influence politique », a déclaré Magdalena Mughrabi.

Les manifestations de ces dernières semaines se sont majoritairement déroulées dans le calme, mais quelques manifestants ont jeté des pierres après que des agents des forces de l’ordre ont utilisé des gaz lacrymogènes et des lanceurs de balles de défense.

Des manifestations massives se tiennent à Alger et dans le reste du pays depuis le 22 février, bien que toutes les manifestations de ce type soient interdites dans la capitale depuis 2001, de même que toutes les manifestations non autorisées, notamment les rassemblements pacifiques dont les organisateurs n’ont pas demandé ou obtenu une autorisation.

Complément d’information

Amnesty International a assisté en tant qu’observatrice à trois manifestations les 15, 19 et 22 mars à Alger.

Le vendredi 15 mars, 75 personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles 20 au moins ont depuis été inculpées de participation à des « rassemblements non armés » et présentées à un juge du tribunal de Sidi M’hamed, à Alger. Les autres ont été inculpées d’actes de violence et de vol. Toutes ont été libérées le 17 mars mais sont citées à comparaître de nouveau devant le tribunal le 23 mai.

Le même jour, Amnesty International a eu connaissance de l’arrestation d’un manifestant qui quittait à pied la manifestation d’Alger, tout en téléphonant. Selon un journaliste local, il n’y avait pas de violences ni de troubles à cet endroit au moment de son arrestation.

Le 18 mars, le juge en charge des affaires liées à ces arrestations, Abdelkader Meslem, a été suspendu pour avoir refusé de suivre les instructions qu’il avait, selon lui, reçues du président du tribunal et qui lui demandaient de déclarer coupables tous les manifestant·e·s.

Des juges et des avocats se sont rassemblés le 21 mars devant le tribunal de Sidi M’hamed en solidarité avec leur collègue, réclamant que l’indépendance de la justice soit protégée. Quelques jours plus tôt, un juge de Tipaza et un avocat de Constantine avaient été convoqués pour avoir exprimé leur soutien aux manifestations.

Amnesty International a aussi eu connaissance du cas d’un jeune garçon de 14 ans qui a été blessé par une balle de défense tirée par la police dans le quartier du Telemly le 22 mars. Selon des observateurs, les policiers avaient commencé à utiliser des gaz lacrymogènes et des lanceurs de balles de défense à la fin de la manifestation. Des témoins ont aussi signalé que la police avait eu recours à des armes à impulsions électriques et à des canons à son pour disperser la foule durant les manifestations du 24 février et du 1er mars.

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