ALGÉRIE : Le nouveau mécanisme sur les « disparitions » doit déboucher sur des enquêtes approfondies

Index AI : MDE 28/010/2003

La création, à la fin de la semaine dernière, d’un mécanisme destiné à se pencher sur le problème des « disparitions » en Algérie constitue une évolution positive, a déclaré Amnesty International ce lundi 22 septembre ; cependant, des mesures immédiates doivent être prises pour que ce mécanisme débouche sur des enquêtes indépendantes, impartiales et approfondies.
Ce mécanisme a été créé le 20 septembre 2003 par le président Abdelaziz Bouteflika ; il est censé servir de lien entre les autorités algériennes et les milliers de familles de personnes « disparues » après avoir été arrêtées par les forces de sécurité algériennes ou les milices armées par l’État depuis 1993.
Le décret définissant le mandat du nouveau mécanisme n’est pas encore publié, mais Amnesty International s’inquiète de ses pouvoirs apparemment limités.
« Le destin inconnu des milliers de " disparus " constitue l’une des violations des droits humains les plus graves et les plus récurrentes en Algérie. Les familles de ces " disparus ", qui vivent dans l’angoisse quotidienne depuis parfois une décennie, ne doivent pas connaître à nouveau les souffrances causées par la défaillance des autorités, qui n’ont pas enquêté sur le destin des " disparus ", ni sur l’endroit où ils se trouvent. »
« Le nouveau mécanisme doit être indépendant, doté de pouvoirs réels, efficace, et réellement désireux de traduire en justice les responsables de ces violations, a souligné Amnesty International. C’est uniquement à ces conditions que les familles pourront enfin espérer que la vérité sera révélée, et que justice sera faite. »
En particulier, le mécanisme devrait disposer des ressources et des pouvoirs suivants :

 procéder à la fouille, sans annonce préalable ni escorte, des locaux et des archives de la police, de la gendarmerie, de la sécurité militaire et des autres services militaires et de renseignement ;

 interroger les responsables de l’État et les membres de tous les services de sécurité et des milices armées par l’État en Algérie, y compris les personnes ayant ordonné, exécuté ou laissé faire des « disparitions » ;

 faire en sorte que les plaignants, les témoins, les avocats et autres personnes contribuant au fonctionnement du mécanisme soient protégées contre les intimidations et les représailles.
Les familles des « disparus », Amnesty International et d’autres groupes de défense des droits humains demandent aux autorités d’enquêter sur les milliers de « disparitions » survenues en Algérie au cours de la dernière décennie. Cependant, aucune mesure concrète n’a été prise pour l’instant, malgré les promesses faites par le gouvernement, qui remontent à l’année 1998.
Amnesty International demande aux autorités algériennes de faire en sorte que cette initiative traduise dans les faits la promesse non tenue de réagir au problème des « disparitions ». Les autorités pourraient donner un gage de leur détermination à répondre à la détresse des familles de « disparus » en invitant en Algérie le Groupe de travail des Nations unies sur les disparitions forcées ou involontaires. Cet organe d’experts de la Commission des droits de l’homme des Nations unies avait demandé à se rendre en Algérie en 2000, et n’a toujours par reçu cette permission.

Contexte
L’organe officiel des droits humains en Algérie, la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits humains, dirigée par Farouk Ksentini, a proposé quelques mois plus tôt de créer une commission d’enquête sur les « disparitions ». Dans son dernier rapport, Algérie. Mesures prometteuses ou simples faux-fuyants ? (index AI : MDE 28/005/2003) , publié le 16 septembre 2003, Amnesty International a salué cette initiative et demandé aux autorités de faire en sorte que toute commission ainsi créée soit indépendante, efficace, dotée de pouvoirs réels, et qu’elle représente les intérêts des victimes.
Depuis 1993, en particulier entre 1993 et 1998, des milliers de femmes et d’hommes ont « disparu » en Algérie après avoir été arrêtés par des membres des forces de sécurité ou des milices armées par l’État. Amnesty International a établi environ 4 000 dossiers de « disparitions », mais reconnaît que leur nombre réel pourrait être bien plus élevé.
Les autorités n’ont pour l’instant pris aucune mesure efficace pour découvrir ce qu’il était advenu des « disparus » ou pour traduire les responsables en justice. Les autorités ont même refusé de reconnaître la responsabilité de l’État pour cette vague de « disparitions ».

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