Amnesty International appelle la Libye à autoriser le retour du HCR

Index AI-9 juin 2010
MDE 19/010/2010

Amnesty International déplore vivement le fait que les autorités libyennes aient décidé de chasser du pays le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), privant ainsi de protection des milliers de réfugiés et de demandeurs d’asile. L’organisation appelle le chef de l’État libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, à annuler cette décision, à autoriser le HCR à mener des activités en Libye et à signer un protocole d’accord avec cette agence des Nations unies.

Le HCR a fait savoir, le 8 juin, que le gouvernement libyen lui avait ordonné de quitter le pays. Le traitement réservé aux réfugiés, aux demandeurs d’asile et aux migrants en Libye suscitait déjà des préoccupations et cette décision confirme qu’il est urgent d’intervenir pour que les droits fondamentaux de ces personnes soient respectés. Elle intervient à un moment on ne peut plus sensible, des négociations se déroulant actuellement à Tripoli entre la Libye et l’Union européenne au sujet d’une coopération bilatérale en matière de contrôle de l’immigration clandestine, entre autres domaines.

Le HCR était présent en Libye depuis 1991, mais il y menait des activités sans qu’aucun protocole d’accord ait été signé, ce qui a d’ailleurs entravé sa capacité à remplir sa mission de protection. L’annonce récente de la fermeture de ses bureaux met en évidence la précarité des conditions dans lesquelles il agissait et la nécessité non seulement d’obtenir l’annulation de cette décision, mais également l’officialisation de sa présence en Libye. Au lieu de remettre en cause le HCR, les autorités libyennes devraient renforcer sa présence car l’agence les aide à gérer les flux de réfugiés, de demandeurs d’asile et de migrants.

En l’absence de dispositif d’accueil et de prise en charge des demandeurs d’asile en Libye, le HCR jouait un rôle essentiel en procédant à des entretiens de détermination du statut des réfugiés, notamment en interrogeant des personnes refoulées d’Italie dans le cadre d’accords bilatéraux conclus entre ce pays et la Libye. Son départ laisse des milliers de réfugiés et de personnes en quête d’asile dans une situation incertaine, les privant de la possibilité de déposer une demande de statut.
Lorsque le HCR était présent en Libye, la situation des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants (notamment ceux venant de l’Afrique subsaharienne) était déjà extrêmement préoccupante. Ces personnes vivent constamment dans la peur, redoutant les arrestations, les placements dans des centres de détention pour une durée indéterminée, les coups et autres formes de mauvais traitements et les expulsions vers un avenir incertain. Avec le départ du HCR, Amnesty International craint que les réfugiés et demandeurs d’asile ne soient exposés à des risques encore plus élevés.

Malgré les contraintes auxquelles le HCR était soumis en Libye, il a joué un rôle positif en permettant à des milliers de personnes de bénéficier d’une meilleure protection. Les chiffres du HCR pour janvier 2010 font état de 8 951 réfugiés et 3 689 demandeurs d’asile dans ce pays. L’agence travaillait également à la réinstallation de personnes refugiées en Libye dans des pays tiers et a transmis un nombre croissant de dossiers de réinstallation ces dernières années.

Le départ du HCR aura par ailleurs des répercussions négatives sur les conditions de vie de certains réfugiés et demandeurs d’asile les plus démunis des zones urbaines, qui recevaient l’aide de l’agence (allocations leur permettant de vivre, logement, assistance médicale et autres formes de soutien). En son absence, ils ne pourront plus compter que sur eux-mêmes, alors que les autorités libyennes ne leur accordent ni titre de séjour, ni allocation et ne les autorisent pas à travailler.

L’ordre d’expulsion du HCR est intervenu alors que la Libye et l’UE menaient depuis le 6 juin, à Tripoli, une septième série de négociations sur un accord-cadre de coopération bilatérale concernant notamment le contrôle de l’immigration clandestine et d’éventuels accords de réadmission pour les ressortissants de pays tiers ayant transité par la Libye pour aller en Europe. Les États membres de l’UE, et plus particulièrement l’Italie, cherchent à obtenir l’aide de la Libye pour réduire le flux de demandeurs d’asile et de migrants arrivant sur les côtes européennes. L’expulsion du HCR jette également un doute sur l’engagement de la Libye à respecter les obligations qui lui incombent en vertu de la Convention de l’Organisation de l’unité africaine régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique. Elle montre à quel point il est primordial d’inclure des garanties efficaces en matière de droits humains et des normes de protection adaptées dans tout accord bilatéral conclu avec la Libye au sujet du contrôle de l’immigration.

Amnesty International appelle les États membres de l’UE à ne pas fermer les yeux sur les signalements de cas de réfugiés, demandeurs d’asile et migrants torturés ou soumis à d’autres formes de mauvais traitements en Libye. Compte tenu de l’impunité qui règne dans ce pays, où il semble qu’aucun fonctionnaire n’ait fait l’objet de poursuites pour torture ou autres mauvais traitements envers des étrangers, les membres de l’UE ne doivent pas rester passifs face aux propos du gouvernement libyen, qui répète constamment qu’il n’y a pas de réfugiés ou de demandeurs d’asiles sur son territoire, ni à son refus de ratifier la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et son Protocole de 1967.

Afin d’améliorer notablement la situation en Libye, les partenaires internationaux du pays doivent user de leur influence non seulement pour que le HCR soit autorisé à y reprendre ses activités, mais aussi pour que sa présence y soit garantie par la signature d’un protocole d’accord officiel et que des mesures concrètes soient adoptées pour mettre fin aux violations des droits humains des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants.
Complément d’information

Les autorités libyennes nient la présence de réfugiés et de demandeurs d’asile dans le pays et affirment que tous les étrangers présents sur le territoire sont là pour des raisons économiques.
Elles continuent d’arrêter et de maintenir en détention pour une durée indéterminée des personnes qu’elles soupçonnent d’être des migrants en situation irrégulière, notamment des ressortissants érythréens et somaliens. Alors que des informations faisaient état de la surpopulation des centres de détention libyens destinés à accueillir les migrants clandestins présumés, des conditions sanitaires déplorables qui y régnaient ainsi que des violences perpétrées à l’égard de ces personnes par des responsables libyens de l’application des lois, le HCR, au fil du temps, a accédé à 15 centres de ce genre à travers la Libye. L’agence les a visités avec ses partenaires libyens et a procédé à des entretiens de détermination de statut des réfugiés. Elle a également contribué à la libération de centaines de ressortissants somaliens et érythréens emprisonnés dans des centres de détention libyens.

Après que la porte-parole du HCR eut souligné que le gouvernement libyen n’avait donné aucune explication pour justifier la fermeture du bureau de l’agence en Libye, le Comité populaire général de Liaison extérieure et de Coopération internationale (équivalent du ministère des Affaires étrangères) a diffusé un communiqué, le 8 juin, dans lequel il affirmait que le HCR agissait de manière illégale en Libye. Cette déclaration souligne que le gouvernement libyen n’a pas reconnu la présence du HCR sur son sol, étant donné que le pays n’est pas partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Elle rappelle également qu’en 2001, les autorités avaient permis à un représentant du HCR de travailler dans le cadre de programmes de développement afin de régler une « question spécifique ». Elle insiste sur l’illégalité du travail réalisé par la suite par le HCR et exprime la surprise du Comité devant le fait que de telles actions soient menées par « un représentant d’une organisation internationale qui est tenue de se soumettre au droit international et de respecter la souveraineté d’un État ainsi que ses choix. »

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