Amnesty International condamne l’incarcération de deux journalistes rwandaises

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

4 février 2011

Amnesty International condamne l’incarcération de deux journalistes rwandaises qui avaient critiqué le président Paul Kagame à la veille de l’élection présidentielle qui s’est déroulée en 2010.

Agnes Nkusi Uwimana, directrice de publication du tabloïde indépendant Umurabyo, en langue kinyarwanda, et sa rédactrice en chef adjointe Saidati Mukakibibi ont été condamnées vendredi 4 février à 17 et sept ans d’emprisonnement respectivement, pour les articles d’opinion qu’elles ont écrits avant l’élection présidentielle d’août 2010.


« Le jugement rendu vendredi 4 février porte un nouveau coup à la liberté d’expression et d’opinion au Rwanda
, a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.

« La répression qui s’est abattue sur les détracteurs au Rwanda au lendemain de l’élection de 2010 ne se relâche pas.”

Agnes Nkusi Uwimana a été déclarée coupable de menace à la sûreté de l’État, d’« idéologie du génocide », de divisionnisme et de diffamation, tandis que Saidati Mukakibibi a été reconnue coupable de menace à la sûreté de l’État.

Toutes deux ont été poursuivies en lien avec plusieurs articles dans lesquelles elles critiquaient la politique mise en œuvre par le gouvernement et accusaient de corruption de hauts responsables du pays, dont le président Paul Kagame. Dans leurs articles, elles faisaient également allusion au sentiment d’insécurité qui régnait durant la période préélectorale en 2010 et à la division croissante au sein des forces de sécurité.

« Le gouvernement n’a pas démontré de manière satisfaisante comment ces articles pouvaient être interprétés comme une menace à la sécurité nationale ni qu’ils avaient pour objectif ou étaient susceptibles d’inciter à la violence, a poursuivi Erwin van der Borght.

« Ces journalistes ne doivent pas faire l’objet de sanctions pénales. »

Agnes Nkusi Uwimana a déclaré qu’elle reconnaissait que certains de ses articles péchaient sans doute par manque de professionnalisme.


« Les journalistes doivent être libres de critiquer la politique et les responsables du gouvernement sans craindre d’encourir des sanctions pénales pour diffamation
, a estimé Erwin van der Borght. Les responsables rwandais devraient répondre à la critique, au lieu de s’efforcer de l’étouffer. »

Les lois vagues relatives à l’« idéologie du génocide » et au « sectarisme » ont été adoptées au Rwanda afin de faire barrage aux discours incitant à la haine au cours de la décennie qui a suivi le génocide de 1994.

Les médias rwandais ont incité à la haine raciale avant et pendant le génocide, au cours duquel quelque 800 000 Rwandais ont péri, pour la plupart des Tutsis, mais aussi des Hutus opposés à ce massacre organisé.

Le gouvernement rwandais a annoncé la révision de la loi sur l’« idéologie du génocide » en avril 2010. Il semble que ce projet de loi figure à l’ordre du jour du conseil des ministres de février.

La loi sur l’« idéologie du génocide » interdit les discours de haine, mais érige également en infraction toute critique légitime du gouvernement.

« Les autorités rwandaises doivent tenir leur promesse de réviser ces lois en vue de respecter la liberté d’expression, a conclu Erwin van der Borght. Des lois formulées en termes vagues ne doivent pas être détournées pour engager des poursuites contre des détracteurs. »

Complément d’information

Le gouvernement rwandais a pris des mesures répressives contre ses détracteurs avant l’élection présidentielle d’août 2010. Il a invoqué les sanctions réglementaires, les lois restrictives et la diffamation pénale pour fermer les organes de presse dénonçant la politique du gouvernement. Certains rédacteurs et journalistes de premier plan ont fui le Rwanda après avoir été en butte à des menaces répétées.

Avant de faire l’objet de poursuites, Agnes Nkusi Uwimana a été convoquée devant le Haut Conseil des médias rwandais – une instance de régulation alignée sur le gouvernement – pour répondre d’accusations selon lesquelles ses articles étaient diffamatoires.

Elle a purgé une peine d’un an d’emprisonnement après avoir été reconnue coupable en 2007 de divisionnisme et de diffamation. Les poursuites se fondaient sur un article établissant une comparaison entre le gouvernement rwandais en place et le gouvernement de l’ancien président Juvénal Habyarimana.

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