Amnesty International exhorte les membres des Congrès américain et mexicain à s’entretenir avec attention du programme d’aide anti-drogue, qui doit inclure des protections en matière de droits humains

Déclaration publique

AMR 41/058/2007

Selon des articles parus dans la presse, le gouvernement des États-Unis doit bientôt annoncer un programme d’aide de grande ampleur à destination du Mexique afin de poursuivre la guerre contre la drogue. D’après les premières informations, les fonds proposés seraient surtout alloués aux organes mexicains chargés du maintien de l’ordre public, notamment pour des avions, des formations et des technologies de pointe en matière de communication, d’écoutes et d’autres formes de surveillance. Aucune précision sur cette aide ou les garanties en matière de droits humains n’ayant été rendue publique, les membres du Congrès et les contribuables américains devraient s’inquiéter de ce que le gouvernement cherche à inclure ce programme dans un nouveau projet de loi de finances pour l’exercice 2008.

Ce programme américain doit aider le Mexique à remédier aux graves lacunes du système de justice pénale et de sécurité publique qui ont permis à la criminalité violente de croître et aux atteintes aux droits humains de demeurer impunies des années durant. Tant que ces problèmes cruciaux ne seront pas pris en compte, la violence liée à la drogue perdurera et les violations des droits fondamentaux imputables aux policiers, aux militaires et aux représentants de l’appareil judiciaire risquent de s’aggraver.

Cette disposition importante pour les relations entre le Mexique et les États-Unis doit être mûrement réfléchie et suivre la procédure habituelle d’attribution des crédits. Les membres des Congrès mexicain et américain pourraient faire un geste prometteur en se rencontrant avant que les décisions finales ne soient prises, en vue de s’entretenir avec attention d’une approche équilibrée des problèmes communs de drogue et de sécurité et de veiller à ce que les garanties en matière de droits humains soient dûment prises en considération.

Le président Calderón a fait de la sécurité publique et de la lutte contre le crime organisé des priorités et s’est employé à renforcer la capacité de son gouvernement à faire face à la violence, notamment en élargissant le rôle de l’armée aux opérations de maintien de l’ordre. Depuis que l’armée assume cette nouvelle fonction, plusieurs cas de graves atteintes aux droits humains impliquant des militaires ont été signalés.

Ils illustrent à quel point il est dangereux de déployer des troupes militaires dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre pour lesquelles elles ne sont pas formées, équipées ni tenues de rendre des comptes. En outre, l’impunité dont jouissent depuis plusieurs décennies les auteurs présumés d’atteintes aux droits humains fait craindre que ces agissements ne fassent pas l’objet d’une enquête digne de ce nom et ne soient pas sanctionnés.

Par ailleurs, la police d’État, municipale et fédérale a été impliquée dans de graves atteintes aux droits humains pendant les troubles civils qui ont secoué San Salvador Atenco, dans l’État de Mexico, et Oaxaca au cours de l’année 2006. Elle a notamment fait un usage excessif de la force et recouru aux détentions arbitraires, à la torture, aux mauvais traitements et aux procès inéquitables. Ces agissements sont restés pour ainsi dire impunis. En octobre 2006, le journaliste américain Bradley Roland Will a été tué par balles alors qu’il couvrait les événements. Au terme d’une enquête entachée d’irrégularités, les tueurs sont toujours en liberté.

Les autorités fédérales se sont jusqu’ici abstenues d’enquêter comme il convient sur leurs agents impliqués dans certaines violations des droits humains ou de veiller à ce que les autorités d’État obligent leurs représentants à rendre compte de leurs actes. L’impunité qui a prévalu lors des événements de San Salvador Atenco et d’Oaxaca montre que l’État mexicain n’a pas su mettre sur pied des mécanismes fiables de responsabilisation afin de poursuivre les policiers et les magistrats responsables de graves atteintes aux droits humains – et met ainsi en évidence les lacunes que les réformes doivent combler.

Le président Calderón a aussi engagé son gouvernement à réformer la police et la justice. Toutefois, les erreurs du passé risquent de se répéter, au regard de certaines dispositions des propositions de loi présentées devant le Congrès mexicain qui restreignent le contrôle judiciaire des policiers et des magistrats du parquet enquêtant sur les crimes graves et n’instituent pas de mécanisme indépendant, efficace et transparent chargé d’enquêter sur d’éventuels actes de corruption ou violations des droits fondamentaux. Les propositions de réforme doivent explicitement inclure les normes internationales en matière de droits humains.

Aider le Mexique à redresser la situation très préoccupante en matière de sécurité publique suppose d’allouer des ressources suffisantes à la réforme du système judiciaire, de renforcer les mécanismes de responsabilisation pour les enquêtes sur les atteintes aux droits humains et de réglementer le recours à la force par les agents des forces de l’ordre et de les former. Les Congrès américain et mexicain ont un rôle énergique à jouer : ils doivent veiller à ce que le programme d’aide comporte de véritables protections en matière de droits humains et doivent évaluer périodiquement son impact sur le respect et la protection de ces droits.

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