Amnesty International lance la plus grande campagne mondiale en faveur des droits humains

Amnesty International lance ce jeudi la plus grande campagne mondiale d’écriture de lettres en faveur d’individus en danger afin de récolter le maximum de messages de soutien en faveur de personnes dont les droits sont bafoués parce qu’elles se sont dressées contre des violations des droits humains.

En Belgique, cette action s’intitule le Marathon des lettres et s’organisera aux alentours du 10 décembre, Journée internationale des droits humains et date du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

À Bruxelles et en Wallonie, le Marathon des lettres aura lieu dans plus de 40 villes et communes et dans des universités, dont Bruxelles, Charleroi, Liège, Mons, Mouscron, Namur, Nivelles, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Arlon, Bastogne, Verviers, l’Université libre de Bruxelles, l’Université de Namur et l’Université Saint-Louis.

Voir aussi : Marathon des lettres

«  Cette année encore, nous invitons le public à venir en nombre dans nos stands pour poser un acte concret en faveur des droits humains, qui permet de réels changements  », explique Philippe Hensmans, directeur de la section belge francophone d’Amnesty International. « Cette année, nous avons voulu mettre en avant les cas de femmes qui défendent les droits humains. Pour cela, et parce que ce sont des femmes, elles subissent harcèlement, intimidation, torture, emprisonnement, etc. »

Malgré des niveaux sans précédent de violations, de discrimination, d’intimidation et de violence, les femmes défenseures des droits humains sont, partout dans le monde, en première ligne de la bataille pour les droits humains en 2018.

« À chaque endroit de la planète, les femmes organisent la résistance. Nous souhaitons rendre hommage au rôle de ces femmes qui défient le pouvoir, se battent pour ce qui est juste et sont le fer de lance du changement, indique Kumi Naidoo, secrétaire général d’Amnesty International.

« Leur position en tant que leaders au sein de leurs communautés contraste avec les immenses défis qu’elles ont dû surmonter pour y parvenir. C’est de leaders comme elles dont nous avons besoin dans un monde qui se tourne de plus en plus vers l’extrémisme. En nous joignant à elles, nous pouvons contribuer à faire pencher la balance vers l’égalité, la liberté et la justice.  »

À l’occasion du Marathon des lettres, le public pourra témoigner de sa solidarité avec des femmes qui défendent les droits humains en Afrique du Sud, au Brésil, en Égypte, en Inde, en Iran, au Kenya, au Kirghizistan, au Maroc, en Ukraine et au Venezuela.

L’organisation demande notamment que justice soit rendue à Marielle Franco, militante brésilienne des droits humains et conseillère municipale qui a été abattue dans sa voiture il y a huit mois ; à Atena Daemi, militante iranienne qui purge une peine de sept ans de prison pour avoir exprimé son opposition à la peine de mort ; et à Nonhle Mbuthuma, Sud-Africaine menacée de mort parce qu’elle dénonce une compagnie minière qui veut extraire du titane sur ses terres ancestrales.

« Nous voulons aider ces femmes et leurs familles à surmonter les risques et les difficultés qu’elles rencontrent parce qu’elles défendent les droits fondamentaux. Nous voulons un monde dans lequel toutes les femmes pourront faire entendre leur voix et se mobiliser contre l’injustice sans avoir peur et dans lequel elles ne seront plus prises pour cible en raison de qui elles sont, explique Kumi Naidoo. Il est temps de se rassembler, de réclamer justice et de témoigner de notre soutien. Ensemble, nous pouvons faire bouger les choses. »

« Nous voulons un monde dans lequel toutes les femmes pourront faire entendre leur voix et se mobiliser contre l’injustice sans avoir peur et dans lequel elles ne seront plus prises pour cible en raison de qui elles sont. »

La première campagne d’écriture de lettres d’Amnesty International a été organisée il y a 16 ans et, chaque année, ce sont des millions de lettres qui sont adressées à des personnes dont les droits les plus fondamentaux sont bafoués. En plus des messages de solidarité, le public peut écrire des lettres aux dirigeants et leur demander de protéger les défenseures des droits humains.

En janvier dernier, à Bruxelles, Amnesty International a remis à neuf ambassades quelque 380 000 lettres et signatures de pétitions récoltées en Belgique dans le cadre du Marathon des lettres 2017. Parmi les dix personnes pour lesquelles le public a agi, figure Taner Kılıç, le président d’Amnesty Turquie, qui était alors poursuivi et emprisonné pour de fausses accusations liées au terrorisme en raison de son travail de défense des droits humains. Il a depuis lors été libéré, tout comme Tadjadine Mahamat Babouri, un cybermilitant tchadien et autre cas du Marathon des lettres 2017, qui a subi des actes de torture et l’emprisonnement pour avoir publié des vidéos critiquant son gouvernement sur Facebook.

Recevoir une lettre peut par ailleurs donner espoir à des personnes traversant les heures les plus sombres de leur vie. L’an dernier, les messages adressés à Shackelia Jackson, en Jamaïque, ont fait une grande différence. Cette femme continue de réclamer justice pour son frère Nakiea, tué par la police sans aucune raison. Cette tragédie l’a amenée à devenir une figure de proue du combat contre les homicides illégaux imputables à la police dans son pays.

« Écrire une lettre à quelqu’un peut sembler un acte de gentillesse simple et minime. Mais ses effets peuvent être énormes, précise Shackelia.

« Les lettres m’ont rappelé l’importance de mon travail et ont montré à ma famille et à notre entourage que nous n’étions pas seuls. Elles ont fait de notre combat personnel en faveur de la justice un combat mondial. Et la quantité énorme de lettres reçues montre aussi à notre gouvernement que des gens du monde entier le regardent et attendent que justice soit rendue. »

Marielle Franco – Brésil

Marielle Franco s’est courageusement battue pour plus de justice à Rio de Janeiro. Elle a défendu les femmes noires, les personnes LGBTI et les jeunes et elle a dénoncé les homicides illégaux commis par la police. Mais elle a été réduite au silence, abattue dans sa voiture. Ce type d’affaire n’est pas rare au Brésil, où au moins 70 défenseur·e·s des droits humains ont été tué·e·s en 2017.

Amal Fathy – Égypte

Amal a publié une vidéo en ligne, dans laquelle elle parlait du harcèlement sexuel qu’elle a subi et critiquait les autorités égyptiennes pour leur négligence envers les droits des femmes. Aujourd’hui, elle est condamnée à deux ans de prison pour « diffusion de fausses informations » et doit encore répondre d’autres chefs d’accusation.

Pavitri Manjhi – Inde

Pavitri Manjhi fait partie d’une communauté indigène adivasi contrainte de vendre ses terres pour laisser la place à deux centrales électriques. En tant que cheffe du village, elle a aidé les habitants à déposer près de 100 plaintes officielles contre les sociétés impliquées. À présent, elle est la cible de menaces de la part d’« hommes forts » locaux, qui tentent de la forcer à retirer les plaintes.

Peuple autochtone sengwer – Kenya

Les Sengwers, au Kenya, ont depuis des siècles un lien profond avec la forêt d’Embobut. Cette communauté autochtone d’apiculteurs et de gardiens de troupeaux fait pourtant l’objet d’une expulsion violente à l’initiative du gouvernement kenyan. Des gardes forestiers ont mis le feu à des habitations et contraint des milliers de personnes à quitter leurs terres ancestrales, mais les Sengwers sont déterminés à résister.

Atena Daemi – Iran

Atena Daemi rêve d’un Iran sans peine de mort. Elle a écrit des publications sur Facebook, Twitter et Instagram, distribué des tracts et participé à des manifestations pacifiques. Ces actions ont été retenues à titre de « preuves » pour la condamner à sept ans de prison. Son procès n’a duré que 15 minutes et elle a été victime de violences et de traitements dégradants en prison.

Goulzar Douichenova – Kirghizistan

En 2002, Goulzar Douichenova a perdu l’usage de ses jambes après un accident de voiture. Elle a consacré sa vie à lutter pour que les personnes souffrant de handicaps puissent vivre dans la dignité et se déplacer librement. Elle est quotidiennement victime de discriminations dans une société où les femmes ne sont pas censées donner leur avis et où les personnes souffrant de handicaps sont considérées comme des « invalides ».

Nawal Benaissa – Maroc

Nawal demande une amélioration de la situation des habitants de sa région, dont beaucoup se sentent oubliés par leur gouvernement. Cette femme participe à des manifestations pacifiques et milite sur les réseaux sociaux en faveur de la justice sociale et de l’amélioration des infrastructures sanitaires. De ce fait, elle est harcelée par les autorités marocaines, qui l’ont condamnée à 10 mois de prison avec sursis pour « incitation à commettre une infraction ».

Nonhle Mbuthuma – Afrique du Sud

Nonhle Mbuthuma mène la lutte au nom de sa communauté contre une compagnie minière qui cherche à exploiter du titane sur leurs terres ancestrales. Elle fait l’objet de harcèlement et de menaces, et a même survécu à une tentative d’assassinat. Quelqu’un essaie de la faire taire mais elle ne cèdera pas : « Quand vous prenez mes terres, vous prenez mon identité. »

Vitalina Koval – Ukraine

Vitalina Koval ne ménage pas ses efforts pour soutenir les personnes LGBTI dans sa ville, Oujgorod. Elle a néanmoins été agressée après avoir organisé une manifestation pacifique à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2018. Cet acte s’inscrit dans le cadre d’une augmentation globale des manœuvres d’intimidation imputables à des groupes opposés au combat en faveur des droits fondamentaux en Ukraine. Vitalina et les autres défenseur·e·s des droits humains ne cèderont pas à la peur, alors mobilisons-nous à leurs côtés.

Geraldine Chacón – Venezuela

Geraldine Chacón a toujours rêvé de défendre les autres. C’est la raison pour laquelle elle aide des jeunes de sa ville natale afin de leur donner les moyens de défendre leurs droits. Cependant, elle est persécutée par les autorités, uniquement parce qu’elle essaie d’améliorer la vie dans son pays. Elle a été emprisonnée pendant quatre mois et n’a pas le droit de quitter le Venezuela, uniquement parce qu’elle défend les droits fondamentaux. L’affaire étant toujours en cours, elle pourrait à nouveau être arrêtée à tout moment, sans préavis.

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