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Amnesty International maintient ses affirmations sur le raid mené contre Chibok

Par Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International

Vendredi 9 mai dans la soirée, Labaran Maku, ministre nigérian de l’Information, s’est exprimé à la radio pour critiquer des informations obtenues par Amnesty International qui, avions-nous déclaré, montraient que les forces nigérianes de sécurité avaient été averties à l’avance de l’attaque que Boko Haram s’apprêtait à lancer sur Chibok, mais s’étaient abstenues d’agir. D’autres hauts responsables ont déclaré qu’ils doutaient de « la véracité » des révélations. Le ministère de la Défense les a qualifiées de « malencontreuses et fausses ».

Plus tard, cependant, le gouvernement a assoupli sa position. Musiliu Olatunde Obanikoro, ministre d’État en charge de la Défense, a dit à la chaîne télévisée américaine CNN : « nous devons enquêter et veiller à obtenir des réponses. »

Tant mieux, parce qu’Amnesty International maintient ses affirmations. Des témoignages recueillis par l’organisation, et confirmés et corroborés par plusieurs sources crédibles, indiquent que plusieurs responsables militaires ont été avertis plus de quatre heures à l’avance au sujet du raid armé contre Chibok, qui a été suivi de l’enlèvement d’élèves du lycée public pour filles le 14 avril. Amnesty International a appris que le quartier général de l’armée à Maiduguri a été informé de l’imminence de l’attaque peu après 19 heures ce jour-là. Entre 19 heures et 2 heures du matin, le commandement militaire à Damboa et Maiduguri, à 36 km et 130 km de Chibok respectivement, a été contacté à maintes reprises par des représentants locaux de l’État et des forces de sécurité essayant de l’alerter.

Alors que le convoi de combattants armés de Boko Haram se dirigeait vers Chibok à moto et à bord de camions, il a été vu par des habitants de la région, qui ont eux aussi donné l’alarme. Dans le village de Gagilam, des patrouilles civiles locales ont alerté de hauts responsables, dont le gouverneur de l’État de Borno et des responsables militaires basés à Maiduguri. Un habitant a déclaré à Amnesty International qu’il avait téléphoné aux forces de sécurité pour les avertir. « J’ai passé plusieurs autres appels, notamment à Maiduguri. Les forces de sécurité m’ont promis que des renforts étaient en route », a-t-il dit.

Deux hauts gradés ont confirmé à Amnesty International que l’armée nigériane était au courant de l’attaque prévue avant même les appels de responsables locaux.

Il est manifeste qu’une enquête indépendante et transparente est requise de toute urgence. Mais la priorité pour les forces nigérianes de sécurité est de parvenir à secourir les lycéennes.

Plus de trois semaines après l’enlèvement, on ignore toujours où se trouvent ces jeunes filles. Le calvaire qu’elles vivent actuellement et l’épreuve que traversent leurs familles sont difficilement imaginables. La population est de plus en plus exaspérée et furieuse que le gouvernement ne les ait pas encore retrouvées, et ces dernières révélations éroderont encore davantage la confiance des Nigérians dans la capacité des forces gouvernementales à les protéger et à faire respecter l’état de droit.

Les enlèvements de Chibok sont choquants non seulement en raison de la brutalité employée, mais également parce qu’ils étaient évitables. Le fait que ces jeunes filles aient été arrachées à leur école et continuent à être privées de liberté est un crime abject. Le fait que les autorités nigérianes aient été informées de l’attaque à l’avance et n’aient rien fait pour protéger la population de Chibok est un manquement inexcusable à son devoir. La responsabilité principale de tout gouvernement est de protéger la population, et le bien-être et la sécurité des enfants de toute nation sont d’une importance capitale.

Le défi consistera à réagir d’une manière qui respecte les droits humains et qui contribue à rétablir la confiance des Nigérians dans la capacité de l’État à protéger la population. Depuis que l’état d’urgence a été décrété dans trois États il y a plus d’un an, Amnesty International a exprimé de vives inquiétudes à plusieurs reprises, non seulement à propos des crimes contre l’humanité perpétrés par les insurgés de Boko Haram, mais également en raison des graves violations, dont des exécutions extrajudiciaires, commises par les forces gouvernementales de sécurité engagées dans des opérations anti-insurrectionnelles.

Samedi 10 mai, Michelle Obama, la première dame des États-Unis, a exceptionnellement pris la place de son époux pour prononcer le discours vidéo hebdomadaire du président, afin d’attirer l’attention sur la situation des lycéennes enlevées. « Ces adolescentes nous font penser, Barack et moi-même, à nos propres filles », a-t-elle déclaré à la nation à la veille de la Fête des mères aux États-Unis, ajoutant qu’elle et son époux étaient « scandalisés et bouleversés » par leur enlèvement. Il y a quelques années, alors qu’il se trouvait au Kenya, le président Obama avait résumé ce que beaucoup au Nigeria doivent ressentir actuellement : « Si les citoyens n’ont pas l’assurance que le gouvernement va faire le travail qui est sa raison d’être - les protéger et défendre le bien-être de tous - alors tout est perdu. »

Le bien-être et la sécurité des lycéennes de Chibok sont essentiels. Le président Goodluck Jonathan doit désormais faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir qu’elles puissent rentrer chez elles en toute sécurité. Mais cela n’est qu’un début. Ce dont le Nigeria a besoin, même lorsqu’il est confronté à la brutalité et à la violence de ceux qui piétinent la loi, est un gouvernement qui respecte les droits humains et l’état de droit pour tous.

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