Communiqué de presse

Amnesty International termine sa visite aux Maldives

Une délégation d’Amnesty International s’est rendue du 16 au 24 avril aux Maldives. Polly Truscott et Abbas Faiz, respectivement directrice et chercheur pour l’Asie du Sud, ont rencontré les autorités et des représentants de la société civile aux Maldives pour y étudier la situation des droits humains, et notamment les aspects relatifs à la liberté d’expression, à la justice pénale et à l’obligation de rendre des comptes en matière de violations des droits humains.

Lors de cette visite, Amnesty International a constaté que, bien que le pays ait fait des progrès considérables depuis plusieurs années dans la promotion et la protection des droits humains, d’importants problèmes subsistent et doivent être traités en urgence.

Amnesty International est profondément préoccupée par le fait que le gouvernement des Maldives n’est pas parvenu jusqu’à présent à faire en sorte que les attaques contre les journalistes et défenseurs des droits humains fassent l’objet d’enquêtes et que les auteurs de ces actes soient traduits en justice.

Parmi ces attaques, on peut citer celle d’Ismail "Hilath" Rasheed, qui a survécu à une attaque au couteau, le 5 juin 2012 et avait déjà été agressé en décembre 2011 pour avoir défendu la liberté religieuse ; on peut citer également le cas du député Afrasheem Ali, qui a été poignardé à mort le 2 octobre 2012. Cet intellectuel musulman très respecté défendait le droit d’avoir des opinions religieuses différentes au sein de l’islam. D’autres personnes ont été attaquées plus récemment, comme le journaliste Asward Ibrahim Waheed, frappé à coups de barre en métal le 22 février 2013.

Alors que les rassemblements politiques se poursuivent dans les rues de Malé et commencent à s’intensifier à l’approche de l’élection présidentielle du 7 septembre 2013, Amnesty International demande instamment au gouvernement des Maldives de mettre fin à l’impunité pour l’usage arbitraire et abusif de la force contre les manifestants, comme ce fut le cas à Malé et à Addu du 7 au 9 février 2012 à la suite de la démission controversée de l’ancien président.

La Commission d’enquête nationale de l’actuel président a relevé l’existence d’« allégations de brutalités policières et d’actes d’intimidation » et demandé que des enquêtes sur ces allégations progressent, que leurs conclusions soient rendues publiques et que les responsables soient amenés à rendre compte de leurs actes. Cette recommandation n’a pas encore été suivie d’effets. Par ailleurs, Amnesty International a reçu des informations selon lesquelles au moins un officier de police impliqué dans ces brutalités contre les manifestants avait de fait été promu [1].

Amnesty International se félicite des efforts actuellement déployés par les autorités des Maldives, en particulier par son président, pour renforcer les mesures destinées à assurer que tout mineur victime d’abus sexuels reçoive une protection, et non une sanction. Toutes les affaires relatives à des mineurs ayant fait l’objet d’enquête pour « fornication » (rapports sexuels en dehors du mariage) ont notamment été passées en revue.

En vertu du droit international relatif aux droits humains, les personnes (notamment les mineurs) qui ont des relations sexuelles librement consenties ou qui sont victimes d’agression sexuelle ne doivent pas être poursuivies en justice ni sanctionnées, quel que soit leur âge. Toutes les victimes de violence sexuelle doivent bénéficier de mesures de protection, de soutien et de réparation, notamment dans le cas des mineurs (personnes âgées de moins de 18 ans), en tenant compte de leur âge et d’autres circonstances. En outre, le recours à la flagellation comme punition viole l’interdiction absolue de la torture et des autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Cette pratique doit être abolie.

La récente condamnation pour « fornication », par un tribunal pour mineurs, à l’assignation à résidence et à la flagellation d’une jeune fille de 15 ans victime de viol a suscité une émotion générale, aux échelons national et international [2]. Les autorités concernées par cette affaire ont, pendant plusieurs années, manqué à leur devoir de fournir une protection et un soutien appropriés. Amnesty International se réjouit donc que la condamnation de la jeune fille soit bientôt portée en appel devant la Haute Cour et espère l’annulation de cette condamnation.

Le cas décrit ci-dessus met en évidence un besoin urgent de réforme de la justice pénale (Code pénal, Code de procédure pénale et Loi sur les preuves, entre autres). Comme l’a noté la rapporteuse spéciale de l’ONU sur l’indépendance des juges et des avocats, Gabriela Knaul, lors de sa récente visite dans le pays [3] : « Un problème majeur pour une justice équitable, impartiale et cohérente est le manque de certains éléments de base de la législation [...] Ce manque crée une ambiguïté et une véritable difficulté pour la primauté du droit et le respect du principe de légalité. »

Amnesty International salue donc les efforts déployés par le gouvernement et les parlementaires des Maldives en vue de la finalisation et de l’adoption d’une législation appropriée. L’organisation demande instamment au gouvernement et aux parlementaires des Maldives de veiller à ce que cette nouvelle législation soit compatible avec les obligations du pays au regard du droit international.

Amnesty International continue de recevoir des informations crédibles faisant état de parti-pris politiques dans l’administration de la justice et, à cet égard, elle est préoccupée par un projet de texte offrant une plus grande latitude aux juges pour appliquer les dispositions de la charia. Un tel pouvoir discrétionnaire pourrait être utilisé d’une manière qui porterait atteinte à une justice équitable, impartiale et cohérente.

En outre, les dispositions proposées permettant des châtiments cruels et dégradants tels que la flagellation ou l’amputation, doivent être abandonnées, conformément aux obligations des Maldives au regard du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de la Convention contre la torture. De même les dispositions du Code pénal qui faciliteraient la reprise des exécutions après environ six décennies seraient une régression majeure pour le pays et incompatibles avec ses obligations en matière de droits humains internationaux. Ces dispositions doivent également être révisées. L’article 6-6 du PIDCP dispose qu’« aucune disposition du présent article ne peut être invoquée pour retarder ou empêcher l’abolition de la peine capitale par un État partie au présent Pacte ». Aucun élément convaincant ne prouve que la peine de mort ait un effet dissuasif sur la criminalité. Par ailleurs, l’Assemblée générale des Nations unies a appelé à plusieurs reprises tous les États à établir un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort, le plus récemment en décembre 2012.

En conclusion, Amnesty International remercie le gouvernement des Maldives pour son accueil, mais exhorte également les autorités à poursuivre les progrès réalisés en matière d’application des lois et normes touchant aux droits humains, notamment par le renforcement des mesures visant à assurer une meilleure obligation de rendre des comptes pour les violations de ces droits.

Complément d’information

Pendant la visite, les délégués d’Amnesty International ont rencontré le président, Mohamed Waheed, et le ministre du Genre, de la Famille et des droits humains, Aishath Azmina Shakoor. La délégation a également rencontré les représentants du ministère de l’Intérieur, du ministère des Affaires étrangères, ainsi que le président de la Cour suprême, le procureur général, le président du Parlement, des membres de l’Assemblée nationale, ainsi que des membres de la Commission nationale des droits humains, des représentants de divers partis politiques, des avocats et des journalistes.

Amnesty International a également visité les centres de détention de Dhoonidhoo et de Maafushi. La délégation regrette qu’il n’ait pas été possible de rencontrer le commissaire de police, le ministre de l’Intérieur, le procureur général et les membres de la Commission de l’intégrité de la police. Elle souhaite avoir la possibilité de le faire prochainement. La dernière visite d’Amnesty International dans le pays remonte à février-mars 2012.

Les documents publics d’Amnesty International sur les Maldives sont disponibles sur : http://www.amnesty.org/fr/region/maldives

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