« Depuis quelques années, les autorités angolaises se montrent déterminées à écraser la dissidence et à limiter indûment les droits de la population à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, a déclaré Vongai Chikwanda, directrice adjointe par intérim pour l’Afrique australe à Amnesty International.
« La répression du droit de manifester adresse un message inquiétant aux militant·e·s. Certains sont emprisonnés, d’autres tués, uniquement pour avoir exercé sans violence ce droit. »
Depuis trois ans, on constate un renforcement des mesures répressives à l’encontre de ceux qui souhaitent exercer leurs droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique dans le pays, notamment des homicides illégaux et des arrestations arbitraires de manifestant·e·s.
Tanaice Neutro est un artiste populaire qui s’exprime souvent à travers le kuduro, un genre de musique angolaise, pour parler des questions sociales dans le pays. Il a été arrêté le 13 janvier 2022 en lien avec la publication de vidéos dans lesquelles il aurait qualifié le président de « clown » et les autorités angolaises d’« ignorantes ». Il a été jugé en octobre 2022 et condamné à 15 mois de prison avec sursis pour outrage aux symboles de l’État. Toutefois, le juge a ordonné sa libération immédiate pour raisons de santé.
Sept mois se sont écoulés depuis ce jugement et Tanaice Neutro est toujours derrière les barreaux. Il souffre de graves douleurs physiques et psychologiques, notamment de violents maux de tête et de fièvre et doit être opéré d’urgence pour une maladie qui l’empêche de se nourrir correctement. Malgré la détérioration de son état, les autorités pénitentiaires lui refusent le traitement médical nécessaire.
Sa santé mentale suscite également de vives inquiétudes et le fait que les autorités lui refusent l’accès à des soins médicaux adéquats s’apparente à de la torture ou à des mauvais traitements.
Des manifestant·e·s pacifiques tués
Durant la pandémie de COVID-19, dans plusieurs provinces, les forces de sécurité angolaises ont fait usage d’une force disproportionnée pour réprimer les infractions aux mesures de santé publique et les manifestations pacifiques. Amnesty International et OMUNGA, organisation angolaise de défense des droits humains, ont relevé plusieurs manifestations pacifiques qui se sont heurtées à des violences policières.
Elles ont recensé plusieurs homicides commis par les forces de sécurité angolaises. En janvier 2021, les forces de police ont abattu de nombreux militant·e·s qui protestaient pacifiquement contre la vie chère dans la ville minière de Cafunfo, dans la province de Lunda-Nord. Elles ont également pourchassé des manifestant·e·s dans les quartiers et les forêts alentour. Le nombre exact de morts et de blessés demeure inconnu, mais des cadavres ont été retrouvés après avoir été jetés dans la rivière Kwango, située à proximité.
Le militant Secane Lemos s’est fait tirer dessus par la police lors d’une manifestation contre les violences policières en février 2021 à Luanda. Il a été touché à la hanche, où la balle reste logée à ce jour. Depuis, il a besoin de béquilles pour marcher.
Le 27 août 2022, 12 personnes ont été rassemblées, arrêtées et torturées par 50 agents de la Police nationale angolaise et des agents du Département des enquêtes judiciaires à Benguela. Elles avaient tenté de manifester contre des irrégularités présumées lors des élections générales du 24 août. Elles ont été détenues pendant trois jours, puis relâchées, alors que quatre d’entre elles n’avaient pas participé à la manifestation.
Entre mars et novembre 2020, Amnesty International et OMUNGA ont recensé 11 homicides commis par les forces de sécurité angolaises. Les victimes avaient entre 14 et 35 ans. La plus jeune, âgée de 14 ans, était Mário Palma Romeu, aussi appelé Marito. Justice n’a pas encore être rendue pour ces homicides. Le policier qui aurait tué Marito se trouve en détention depuis 2020 et a été condamné à verser 2 800 euros environ à la famille de la victime, mais cette somme n’a toujours pas été versée.
« Les autorités angolaises doivent cesser de criminaliser le droit de manifester pacifiquement. Le rassemblement pacifique n’est pas un crime. Elles devraient plutôt garantir le droit de manifester si elles souhaitent faire preuve d’ouverture », a déclaré Vongai Chikwanda.
Complément d’information
Le droit de manifester est de plus en plus menacé dans toutes les régions du globe. Amnesty International mène une campagne mondiale pour lutter contre les efforts croissants et intensifiés des États afin d’éroder ce droit fondamental. Les forces de l’ordre angolaises ont régulièrement recours à une force excessive pour disperser les manifestations pacifiques et réprimer la dissidence.