Angola, des habitants en proie à une malnutrition dévastatrice

Des dizaines de milliers d’éleveurs pastoraux chassés de leurs terres pour laisser la place à des ranchs d’élevage commercial sont exposés à un risque accru de malnutrition et de famine, tandis que le sud de l’Angola est en proie à la sécheresse.

Dans son rapport publié le 15 octobre 2019 et intitulé The end of cattle’s paradise : How diversion of land for ranches eroded food security in the Gambos, Amnesty International demande au gouvernement angolais de fournir immédiatement une aide alimentaire d’urgence aux populations touchées par la malnutrition, d’instaurer un moratoire sur les concessions de terres et de nommer une commission d’enquête chargée de déterminer comment 46 fermes commerciales ont pu en venir à exploiter les deux-tiers des meilleurs pâturages à Tunda dos Gambos et à Vale de Chimbolela depuis la fin de la guerre civile en 2002.

« La sécheresse qui sévit en Angola met en lumière l’impact dévastateur de l’élevage commercial de bétail sur les habitants de Gambos. Les éleveurs traditionnels ont perdu leurs meilleurs pâturages et se retrouvent aujourd’hui impuissants, alors que leurs enfants et leurs familles vont se coucher le ventre vide, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

« Le gouvernement manque à son devoir de protéger les droits de ces populations, en particulier leur droit à l’alimentation. Ces éleveurs se retrouvent à devoir exploiter des terres infertiles et peu productives pour survivre – et avec la sécheresse qui s’installe, ils n’ont plus rien à manger. »

Le rapport montre que les peuples Vanyaneke et Ovaherero qui vivent dans la municipalité de Gambos souffrent fréquemment de malnutrition et de famine. Cette région est communément appelée la « région laitière » d’Angola, parce que l’élevage de bétail et la production laitière sont au cœur de l’économie et du mode vie des habitants.

Contraints de manger des feuilles pour survivre

Si la région semi-aride de Gambos est sujette aux sècheresses cycliques, Amnesty International a constaté que les éleveurs traditionnels et leurs familles luttent pour produire de la nourriture vivrière depuis que le gouvernement a alloué à des ranchs commerciaux les pâturages communs, qui atténuaient jadis les effets de la sècheresse.

De ce fait, les éleveurs pastoraux n’ont plus assez de terres productives pour cultiver de quoi se nourrir et faire paître leur bétail. Le lait, le fromage, le yaourt et la production de viande sont leurs principales sources de subsistance.

Des familles ont expliqué aux chercheurs d’Amnesty International que la situation est devenue si difficile qu’ils en viennent à manger des feuilles de plantes sauvages. Beaucoup souffrent de maladies et de diarrhées et ont développé des affections cutanées comme la gale en raison de la pénurie d’eau et des conditions d’hygiène déplorables.

Un éleveur pastoral a déclaré : « Il n’y a plus assez de lait. Alors nous, les adultes, nous n’en buvons plus pour que les enfants en aient encore un peu. Comme vous le voyez, nous n’avons pas l’air en bonne santé, ni aussi forts que nous l’étions auparavant. Nous sommes amaigris et affaiblis. »

Un autre a ajouté : « Ces temps-ci, de nombreuses personnes tombent gravement malades en raison de la sous-alimentation. Parfois, nous allons à Chiange vendre du bois pour pouvoir nous acheter à manger. Je connais quelqu’un ici qui est mort de faim. »

Des communautés privées de leurs terres agricoles et de leurs pâturages

Selon le gouvernement, 46 fermes commerciales d’élevage occupent désormais 2 629 km2 des terres les plus fertiles, ce qui ne laisse que 1 299 km2 de pâturages aux éleveurs traditionnels : 67 % des terres sont donc occupées par des agriculteurs commerciaux et 33 % seulement par les éleveurs pastoraux.

Amnesty International a constaté que les terres, utilisées depuis des siècles en commun par les éleveurs pour faire paître le bétail dans les provinces de Cunene, Huíla et Namibe, dans le sud de l’Angola, ont été retirées à ces communautés en l’absence de procédure régulière.

En effet, le gouvernement a autorisé les fermiers commerciaux à occuper les terres à Tunda dos Gambos et Vale de Chimbolela sans verser aucune indemnisation aux populations locales, en violation flagrante des lois angolaises.

La Constitution angolaise exige pourtant de mener de véritables consultations avec les populations concernées avant qu’une décision ne soit prise au sujet de leurs terres. Cependant, le gouvernement a autorisé les fermiers commerciaux à prendre possession des pâturages des éleveurs traditionnels sans aucune consultation.

« En s’abstenant de protéger ces pâturages communs contre les intérêts commerciaux, le gouvernement angolais manque à son devoir de protection envers les personnes qu’il se dit légitime à gouverner », a déclaré Deprose Muchena.

L’Angola a ratifié des lois régionales et internationales qui garantissent et protègent le droit à l’alimentation de tous ses citoyens et s’est ainsi engagé à assurer la fourniture « d’une nourriture suffisante et d’une eau potable ». Cela suppose qu’il prenne toutes les mesures raisonnables pour permettre à la population d’avoir accès à la nutrition.

Amnesty International demande au gouvernement angolais d’accorder des réparations aux populations touchées et de prendre des mesures immédiates afin de lutter contre l’insécurité alimentaire dans la région de Gambos.

Complément d’information

Le rapport d’Amnesty International met en lumière le détournement à grande échelle des terres au profit d’exploitations agricoles commerciales dans la municipalité de Gambos, dans la province de Huíla, dans le sud de l’Angola, et ses répercussions sur le droit à l’alimentation des populations d’éleveurs pastoraux.

Amnesty International a mené deux missions de recherche à Gambos en février 2018 et mars 2019 et a interviewé des dizaines d’hommes et de femmes directement touchés par le détournement des terres au profit de l’élevage commercial de bétail. Elle s’est également entretenue avec des organisations locales de la société civile.

Enfin, elle a analysé des images satellite afin de montrer l’augmentation progressive de l’utilisation des terres à des fins d’élevage commercial et le rétrécissement des pâturages laissés au bétail des éleveurs pastoraux à Tunda dos Gambos, entre 1990 et 2018.

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