La déclaration de culpabilité et la peine de six ans d’emprisonnement prononcées à l’encontre du défenseur des droits humains José Marcos Mavungo sont le reflet d’une parodie de justice et constituent une violation manifeste des droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion en Angola, ont déclaré six organisations de défense des droits humains mardi 15 septembre.
Le South African Litigation Centre (SALC), Lawyers for Human Rights, Front Line Defenders, la Commission internationale de juristes (CIJ) et Amnesty International appellent à libérer cet homme immédiatement et sans condition. Amnesty International le considère comme un prisonnier d’opinion.
« La déclaration de culpabilité de José Marcos Mavungo, sous-tendue par des considérations politiques, est le dernier exemple en date de répression de la liberté d’expression et illustre un mépris flagrant pour les droits humains dans le pays », a déclaré Muluka Miti-Drummond, directrice régionale chargée des activités de plaidoyer au Southern Africa Litigation Centre.
« Elle intervient quelques jours après la résolution du Parlement européen sur l’Angola, qui appelle les autorités à libérer immédiatement et sans condition tous les défenseurs des droits humains, y compris José Marcos Mavungo, et à abandonner l’ensemble des charges retenues contre eux. »
La déclaration de culpabilité de José Marcos Mavungo, prononcée lundi 14 septembre, semble être fondée sur la participation de cet homme à l’organisation d’une manifestation pacifique et sur son association présumée avec un groupe d’inconnus qui se seraient trouvés en possession d’explosifs et de tracts la veille du rassemblement. Aucun élément attestant la relation entre José Marcos Mavungo et ces hommes ni l’implication de celui-ci dans la production desdits tracts n’a été présenté au procès.
Selon Francisco Luemba, l’avocat de José Marcos Mavungo, le juge a déclaré son client coupable au motif que les tracts « sont apparus à Cabinda au moment où José Marcos Mavungo se préparait à réunir les foules pour se rebeller contre les autorités ».
« Il est difficile d’imaginer comment le tribunal a pu trouver un quelconque fondement juridique à la déclaration de culpabilité étant donné qu’aucun des éléments présentés ne liait [José Marcos Mavungo] à la publication des tracts », a déclaré Mary Lawlor, directrice exécutive de Front Line Defenders.
« En outre, aucune preuve ne le liait aux explosifs ni aux hommes en possession de ces explosifs, avec qui il est accusé d’être associé. »
José Marcos Mavungo a été arrêté le 14 mars 2015 et jugé sommairement pour sédition le 19. Le tribunal a estimé que cette charge était infondée et a ordonné un complément d’enquête. Le 27 mai 2015, José Marcos Mavungo a été inculpé de « rébellion » mais n’en a été informé officiellement que le 22 juin. Son procès s’est ouvert le 25 août et sa déclaration de culpabilité a été prononcée le 14 septembre. José Marcos Mavungo a été placé en détention provisoire dès son arrestation.
« La déclaration de culpabilité de José Marcos Mavungo est particulièrement préoccupante car 16 autres personnes sont détenues dans le pays pour les mêmes charges », a déclaré Jacob van Garderen, directeur de Lawyers for Human Rights pour l’Afrique du Sud.
« Elle renforce notre crainte que ces personnes ne soient pas jugées équitablement. »
Le 20 juin, la police de Luanda a interpellé 13 personnes qui s’étaient réunies pour échanger des opinions sur la situation politique. Deux autres ont été arrêtées par la suite. Toutes ces personnes ont été accusées de tentative de coup d’État et leur demande de libération sous caution a été refusée. Elles sont maintenues en détention provisoire mais n’ont pas encore été inculpées. Zenóbio Zumba, un agent du renseignement militaire, aurait été arrêté le 30 juin pour le même motif que les 15 autres personnes. Il est également en détention provisoire.
« Le gouvernement angolais est tenu, en vertu des traités auxquels il est partie, de respecter les droits aux libertés d’opinion, d’expression et de réunion, qui concernent en particulier la liberté de se réunir pour échanger librement des points de vue et de manifester pacifiquement afin de réclamer des changements dans des domaines suscitant un mécontentement », a déclaré Arnold Tsunga, directeur de la CIJ pour l’Afrique.
« Ces droits sont également protégés par la Constitution angolaise, qui oblige les autorités à faire en sorte que les citoyens et la société civile puissent participer de manière démocratique à la résolution des problèmes nationaux. »
« Bien que l’Angola se soit engagé à prendre des mesures visant à respecter, protéger et promouvoir les droits aux libertés d’expression, d’opinion, d’association et de réunion pacifique pendant l’Examen périodique universel qui a eu lieu l’an dernier, il continue de réprimer ces droits de façon manifeste », a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique australe.
« S’il entend montrer que ces engagements avaient un sens, l’Angola doit commencer par libérer sans condition José Marcos Mavungo, ainsi que les autres défenseurs des droits humains et opposants politiques arrêtés arbitrairement. »
Complément d’information
Depuis le début de l’année 2015, les autorités ont de plus en plus recours aux lois relatives à la sûreté de l’État pour réprimer, semble-t-il, les droits aux libertés d’expression, d’association et de réunion en Angola.
Le jour de l’arrestation de José Marcos Mavungo, en mars, les forces de sécurité ont aussi interpellé Arão Bula Tempo, avocat spécialisé dans les droits humains et président du Conseil provincial du barreau angolais au Cabinda, et l’un de ses clients, Manuel Biongo. Ces derniers ont été accusés d’avoir collaboré avec des étrangers en vue de contraindre l’État angolais, au motif qu’ils auraient invité des journalistes de la République du Congo à couvrir la manifestation organisée par José Marcos Mavungo. Ils ont réfuté tous les deux ces accusations. Libérés le 13 mai 2015 dans l’attente de leur procès, ils ne peuvent quitter le Cabinda sans autorisation.