Communiqué de presse

Arabie saoudite. 2013, une année noire pour la liberté d’expression et d’association ?

Au cours du premier trimestre de l’année 2013, les autorités saoudiennes ont renforcé leur répression de la liberté d’expression et d’association. Amnesty International appelle les autorités saoudiennes à mettre fin à ces pratiques répressives et à permettre à toutes les personnes vivant en Arabie saoudite d’exercer pacifiquement leurs droits.

Après avoir emprisonné des dizaines d’éminents défenseurs des droits humains en 2012, les autorités saoudiennes ont élargi la répression visant des militants pacifiques en imposant de nouvelles interdictions de déplacement pour des raisons et des durées non définies ; en démantelant au moins une organisation de la société civile, et en supprimant ses comptes sur les réseaux sociaux. Les autorités ont également pris des mesures visant à interdire certaines applications des réseaux sociaux si celles-ci ne pouvaient être totalement surveillées et contrôlées.

Par l’imposition de ces nouvelles restrictions à la liberté d’expression et d’association, les autorités saoudiennes continuent d’ignorer leurs obligations internationales en matière de droits humains et, parfois, la législation nationale. Les violations qui ont eu lieu jusqu’à présent en 2013 ne prendront pas fin tant que les autorités saoudiennes ne respecteront pas leurs obligations internationales, ainsi que les droits fondamentaux de toute personne vivant dans le pays.

Les interdictions de voyager

La dernière interdiction de ce genre visait Sadek al Ramadan, l’un des fondateurs et actuel secrétaire général du centre Adala pour les droits humains. Sadek al Ramadan a appris qu’il était interdit de voyage alors qu’il s’apprêtait à partir en vacances avec sa famille, le 29 mars 2013. Un agent des douanes de l’aéroport lui a simplement indiqué, pour toute explication, que le système informatique signalait une interdiction de déplacement le concernant. Malgré ses demandes répétées aux autorités, Sadek al Ramadan ne sait toujours pas pourquoi il est frappé d’une telle interdiction, ni en vertu de quelle autorité, ni pour combien de temps. Quelques semaines plus tôt, en janvier 2013, les autorités ont empêché Waleed Abu al Khair, directeur du SAHRM (Saudi Arabian Human Rights Monitor), de se rendre en Suède pour y recevoir le prix Olof Palme pour les droits de l’homme.

Les autorités saoudiennes ont également continué à imposer des interdictions de voyage judiciaires contre des militants pacifiques et des personnes critiques à l’égard du régime, à la suite de peines d’emprisonnement liées à des activités pourtant légitimes. Le 9 mars, deux éminents défenseurs des droits humains et co-fondateurs de l’ACPRA (Association saoudienne des droits civils et politiques), Abdullah bin Hamid bin Ali al Hamid, 66 ans, et Mohammad bin Fahad bin Muflih al Qahtani, 47 ans, ont été condamnés respectivement à 10 et à 11 ans d’emprisonnement, assortis d’une interdiction de voyager subséquente pour les mêmes durées.

Ils étaient accusés d’une liste d’infractions, notamment d’avoir désobéi au souverain, remis en cause l’intégrité des fonctionnaires, appelé à des manifestations, diffusé de fausses informations à des groupes étrangers, et créé une organisation non autorisée. Amnesty International considère ces deux hommes comme des prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir exercé de façon pacifique leurs droits à la liberté d’expression et d’association dans le cadre de leur travail pour les droits humains.

De telles interdictions de voyager bafouent le droit de toute personne à partir de son pays et à y revenir.

Les emprisonnements de militants

En avril 2012, Mohammed Saleh al Bajady, autre co-fondateur de l’ACPRA, a été condamné par un tribunal spécial antiterroriste à quatre ans d’emprisonnement, suivis d’une interdiction de voyager de cinq ans. Cet homme a, semble-t-il, été déclaré coupable d’avoir participé à la création d’une organisation non autorisée, entaché l’image de l’État à travers les médias, encouragé les familles de prisonniers politiques à manifester et à organiser des sit-in, contesté l’indépendance du pouvoir judiciaire et possédé des livres interdits. En novembre 2012, Suliaman (ou Sulieman) al Rashudi, un ancien juge déjà âgé et éminent militant a été de nouveau arrêté, détenu au secret et à l’isolement jusqu’en février 2013. Il purge actuellement une peine de 15 années d’emprisonnement. Son collègue Saud al Hashimi purge une peine de prison de 30 ans. On lui a toujours refusé de rendre visite à sa mère malade.

Ces hommes, une fois libérés, seront également interdits de voyage pour une durée égale à celle de leur emprisonnement. Avec quatre autres personnes toujours emprisonnées elles aussi, ils appartiennent à un groupe initial de 16 militants condamnés en même temps à la fin de 2011 en raison de leur travail sur les droits humains. Ces six personnes avaient refusé de signer un document les engageant à ne pas répéter les « infractions », ni à militer publiquement, en contrepartie d’une « grâce » conditionnelle.

Les restrictions à la liberté d’association

Les autorités saoudiennes ne tolèrent pas les organisations indépendantes de défense des droits humains tels que le centre Adala, le SAHRM et l’ACPRA. Ces dernières ne sont pas autorisées à fonctionner sans licence, mais les licences leur sont rarement accordées et elles risquent une fermeture forcée par les autorités.

Le 9 mars, les autorités ont ordonné la dissolution complète de l’ACPRA et la confiscation de ses biens. Fondée en 2009, l’ACPRA était devenue l’une des plus éminentes et très rares organisations indépendantes de défense des droits humains en Arabie saoudite. Cette organisation a recensé diverses violations des droits humains et aidé de nombreuses familles de personnes détenues sans inculpation à porter plainte contre le ministère de l’Intérieur.

Les restrictions à la liberté d’expression en ligne

En 2012, les mesures de répression ont été étendues à l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux. Les autorités ont arrêté et accusé d ’« apostasie » deux cybermilitants, Raif Badawi et Hamza Kashgari. Ces deux personnes sont actuellement emprisonnées et en cours de procès.

Outre les rétorsions visant individuellement des personnes, les autorités saoudiennes ont récemment eu recours à divers procédés tels que la suppression des comptes et de la simple présence en ligne des militants et des organisations. Les comptes de l’ACPRA sur les réseaux sociaux ont ainsi été fermés le jour même de la dissolution de l’organisation. Des dizaines de manifestants (hommes et femmes) arrêtés au cours des dernières semaines ont également dû résilier leurs comptes sur les réseaux sociaux et ont été menacés de longues peines d’emprisonnement s’ils débattaient publiquement de leur situation ou utilisaient Internet pour militer.

En 2013, les autorités saoudiennes ont commencé à recourir à des mesures plus proactives de prévention du cybermilitantisme, en essayant de contrôler tous les médias sociaux ou d’interdire purement et simplement les applications cryptées de type Skype, WhatsApp, Viber et Line.

Au début du mois de mars, la Commission saoudienne des communications et des technologies de l’information (CITC) a demandé aux fournisseurs d’accès à Internet de « prendre toutes les mesures nécessaires pour parvenir à un contrôle de sécurité sur les communications ». Plus tard, dans un message « confidentiel et urgent », la CITC a demandé que tous les fournisseurs d’accès informent les autorités de leurs progrès en matière de surveillance des réseaux sociaux, et exigé, faute de progrès, que les fournisseurs renseignent la CITC sur leur capacité technique à bloquer totalement ces réseaux.

Les normes internationales relatives aux droits humains

En vertu de la Déclaration universelle des droits de l’homme, toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et d’y revenir. Toute personne jouit également des droits à la liberté d’association et à la liberté d’expression. Les restrictions apportées à ces droits ne sont pas autorisées sauf lorsque la législation les prévoit ; elles doivent se rapporter à des objectifs considérés comme légitimes dans le droit international, c’est-à-dire : la protection de la sécurité et de l’ordre publics, de la santé ou de la morale, ou encore des droits et libertés d’autrui. Et il doit être possible de prouver qu’elles sont nécessaires et proportionnées à la réalisation du but ainsi visé. Le droit de tout personne à la liberté d’association inclut la possibilité de créer une organisation et de participer à ses activités.

En outre, la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l’homme souligne que chacun a le droit, individuellement ou en association avec d’autres, de promouvoir et d’œuvrer pour la protection et la réalisation des droits de l’homme, et que chaque État a la responsabilité de s’assurer que les personnes sous sa juridiction, individuellement ou en association avec d’autres, sont en mesure de bénéficier de tous ces droits en pratique.

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