« La détention de ces Égyptiens nubiens sans inculpation depuis près de 16 mois par les autorités saoudiennes et leur procès pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression en tentant d’organiser un événement associatif constituent une parodie de justice, a déclaré Lynn Maalouf, directrice régionale adjointe pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Ces hommes résident depuis longtemps en Arabie saoudite et organisent des événements commémoratifs chaque année sans que cela ait des conséquences. Ils n’auraient jamais dû être arrêtés et doivent être libérés immédiatement.
« L’arrestation et la détention de ces hommes entache encore davantage le bilan de l’Arabie saoudite sur le plan des droits humains »
« Ils sont non seulement détenus illégalement, mais ont également été privés de contacts réguliers avec leurs familles et n’ont eu accès qu’à des avocats commis d’office, alors qu’au moins deux d’entre eux sont âgés et en mauvaise santé. Les autorités saoudiennes doivent veiller à ce qu’ils puissent accéder pleinement à des soins de santé adéquats, contacter librement les avocats de leur choix et communiquer régulièrement avec leurs proches.
« L’arrestation et la détention de ces hommes entache encore davantage le bilan de l’Arabie saoudite sur le plan des droits humains, qui était déjà déplorable par ailleurs. Amnesty International demande aux autorités saoudiennes de relâcher immédiatement et sans condition l’ensemble des prisonniers et prisonnières d’opinion détenus uniquement pour avoir réclamé pacifiquement des réformes et exercé leur droit à la liberté de réunion. »
Complément d’information
Le 10 novembre, 10 Égyptiens nubiens doivent comparaître lors de leur première audience devant le Tribunal pénal spécial, après presque 16 mois de détention sans inculpation. Le service des renseignements généraux (al Mabahith) les a arrêtés le 14 juillet 2020, en lien avec un événement culturel qu’ils avaient prévu d’organiser le 25 octobre 2019 pour commémorer la guerre israélo-arabe de 1973.
Ils ont été arrêtés une première fois le matin de l’événement en octobre 2019. Des membres des forces de sécurité saoudiennes leur ont reproché de ne pas avoir mis la photo du président égyptien, Abdel Fattah al Sissi, sur l’affiche annonçant l’événement. Le 25 décembre 2019, après deux mois en détention sans inculpation, ils ont été libérés avec interdiction de quitter le territoire dans l’attente des suites de la procédure.
Le 14 juillet 2020, ils ont été de nouveau arrêtés et placés en détention à la prison d’al Hair, près de Riyadh. En avril 2021, ils ont été transférés à la prison de l’Asir, à Abha, où ils ont été privés d’accès aux avocats de leur choix et continuent d’être détenus sans inculpation.
« Amnesty International demande aux autorités saoudiennes de relâcher immédiatement et sans condition l’ensemble des prisonniers et prisonnières d’opinion »
Les 10 Égyptiens nubiens détenus sont : Adel Ibrahim Faqir, Farjallah Ahmed Youssef, Jamal Abdullah Masri, Mohamed Fathallah Gomaa, Sayyed Hashem Shater, Ali Gomaa Ali Bahr, Saleh Gomaa Ahmed, Abdulsalam Gomaa Ali Bahr, Abdullah Gomaa Ali et Wael Ahmed Hassan Ishaq. Tous sont membres d’associations nubiennes en Arabie saoudite.
Les Nubiens sont un groupe ethnique minoritaire en Égypte et au Soudan. Ils sont depuis longtemps marginalisés et victimes de discrimination en raison de leur identité culturelle, ethnique et linguistique. Pendant plusieurs décennies, les associations nubiennes ont fonctionné normalement en Arabie saoudite, en se consacrant exclusivement à des activités culturelles et sociales sans faire de politique.
Depuis le début des années 2000, cependant, les revendications de militants nubiens en faveur d’un retour sur leurs terres ancestrales et d’une indemnisation se sont intensifiées. L’article 236 de la Constitution égyptienne de 2014 a prévu pour la première fois la mise en œuvre d’un plan de développement global pour les régions marginalisées, dont la Nubie, avec la participation des habitants locaux, en vue de préserver leur héritage. Une coalition de 40 associations nubiennes a été formée à Riyadh au début de l’année 2020 pour appeler le président égyptien Abdel Fattah al Sissi à appliquer l’article 236 et à permettre le retour des Nubiens sur leurs terres. Les autorités saoudiennes ont arrêté les 10 hommes nubiens détenus le matin d’un événement annuel organisé en hommage aux soldats nubiens ayant combattu lors de la guerre israélo-arabe de 1973 (qui s’est déroulée du 6 au 24 octobre 1973). Cet événement s’était déroulé les années précédentes en Arabie saoudite sans représailles contre la communauté nubienne.