Depuis le 10 novembre 2022, l’Arabie saoudite a exécuté 20 personnes déclarées coupables d’infractions à la législation sur les stupéfiants, dont 60 % n’étaient pas de nationalité saoudienne. Des dizaines d’autres prisonniers seraient promis au même sort.
« La reprise des exécutions pour des infractions à la législation sur les stupéfiants en Arabie saoudite signifie que Hussein Abo al Kheir risque désormais d’être mis à mort à tout moment. Il a déjà vu d’autres personnes détenues dans la même prison que lui être emmenées afin d’être exécutées. Ces mises à mort cruelles doivent cesser dès maintenant. Nul ne devrait avoir à subir ce châtiment, qui est le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit », a déclaré Heba Morayef, directrice du programme régional Afrique du Nord et Moyen-Orient d’Amnesty International.
« Les autorités saoudiennes doivent immédiatement commuer sa peine et celles de toutes les autres personnes condamnées à mort. Elles doivent déclarer de toute urgence un moratoire sur l’ensemble des exécutions, dans une optique d’abolition de la peine capitale. »
Alors qu’il franchissait la frontière de l’Arabie saoudite avec la Jordanie, le 18 mai 2014, Hussein Abo al Kheir a été arrêté par des douaniers pour s’être semble-t-il livré à un trafic d’amphétamines. Il a été placé en détention au secret dans un lieu inconnu pendant 12 jours, et n’a pu contacter sa famille que deux semaines après son arrestation. Il affirme que les autorités lui ont arraché des « aveux » après l’avoir suspendu par les pieds et l’avoir frappé si sauvagement qu’il ne pouvait même pas tenir un stylo. Il a finalement dit qu’il ne pouvait « signer » le document qu’en y apposant son empreinte digitale. Il s’est plus tard rétracté devant le tribunal pénal de Tabuk, et a demandé un rapport médical, mais affirme que ses allégations de torture n’ont pas donné lieu à une enquête. Il n’a pas pu s’entretenir avec un avocat, ni bénéficier de l’assistance de son consulat durant sa détention provisoire, ni pendant le procès.
En juin 2021, Hussein Abo al Kheir a partagé des informations positives avec sa famille, après que les autorités lui ont dit que son exécution était suspendue et faisait l’objet d’une révision, à la faveur d’une directive émise par le roi Salman bin Abdulaziz Al Saud, selon laquelle certains détenus condamnés pour des infractions liées aux stupéfiants seraient graciés. Il n’a pas été possible de déterminer si cet ordre s’appliquerait aux personnes se trouvant dans le quartier des condamnés à mort, mais plusieurs détenus ont effectivement été libérés de cette prison.
Depuis lors, cependant, les autorités n’ont pas informé Hussein Abo al Kheir de l’évolution de son dossier, et à l’heure où l’Arabie saoudite intensifie le recours aux exécutions pour les infractions liées aux stupéfiants, sa famille vit dans la hantise qu’il soit mis à mort d’un moment à l’autre.
Sa sœur, Zainab Abo al Kheir, a déclaré à Amnesty International : « Hussein nous a appelés hier et nous a dit que les autorités carcérales sont venues chercher un Saoudien détenu dans le quartier des condamnés à mort, afin de procéder à son exécution, et qu’il y a deux semaines deux Jordaniens ont été emmenés et mis à mort. Nous avons eu l’impression qu’il nous préparait en vue de sa mort imminente, comme s’il nous disait "au revoir". Nous ne savons pas ce qui va arriver à Hussein, mais comment est-il possible qu’il risque d’être exécuté à tout moment sans que les autorités ne nous l’annoncent ? Il est impossible d’expliquer à quel point nous sommes en colère et désespérés. »
Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire [1] a estimé que Hussein Abo al Kheir était victime d’une détention arbitraire et que sa privation de liberté est dépourvue de fondement juridique, avant de recommander que l’Arabie saoudite annule sa condamnation à mort et le libère immédiatement et sans condition.
Le 1er décembre, des expert·e·s des Nations unies [2] ont dit craindre que Hussein Abo al Kheir ne soit exécuté sous peu, et ont demandé au gouvernement saoudien d’instaurer un moratoire officiel sur toutes les exécutions, dans l’objectif d’abolir la peine capitale.
Complément d’information
En janvier 2021, la Commission saoudienne des droits humains a déclaré que le pays avait introduit un moratoire sur les infractions liées aux stupéfiants, et que « le Royaume et son système de justice se concentreront davantage sur la réinsertion et la prévention ».
Entre février 2020 et octobre 2022, l’Arabie saoudite n’a procédé à aucune exécution pour les infractions liées aux stupéfiants, mais le moratoire relatif aux exécutions n’a jamais été inscrit dans le droit, qui prévoit que le trafic de drogue ou les infractions connexes sont passibles de la peine de mort au titre du tazir (la discrétion du juge). Entre 2016 et 2020, les autorités saoudiennes ont exécuté au moins 987 personnes, notamment 232 Saoudiens et étrangers déclarés coupables d’infractions à la législation sur les stupéfiants.
L’Arabie saoudite a déjà procédé à 148 exécutions cette année. En mars, les autorités ont mis 81 personnes à mort en un jour - la plus grande exécution de masse depuis plusieurs années -, notamment 41 personnes issues de la minorité chiite du pays. Les autorités ont également continué à prononcer des condamnations à la peine capitale contre des hommes issus de la minorité chiite ; certains étaient mineurs au moment des faits qu’on leur reproche.