Communiqué de presse

Arabie saoudite. Les manifestantes maintenues en détention doivent être libérées

Les trois femmes toujours détenues à la suite de manifestations qui ont eu lieu en Arabie saoudite le samedi 9 février doivent être libérées immédiatement et sans condition, a déclaré Amnesty International mardi 12 février.

Les manifestations ont eu lieu à Riyadh et à Buraydah, une ville située au nord de la capitale, pour demander la libération de proches détenus sans inculpation ni jugement, ou maintenus en détention au-delà de l’expiration de leur peine.

Une dizaine de femmes accompagnées de cinq enfants ont manifesté à Riyadh devant les bureaux de la Société nationale pour les droits humains, un organisme mis en place par les autorités saoudiennes en 2004, après s’être entendu dire que les responsables qu’elles souhaitaient rencontrer dans le bureau n’étaient pas disponibles.

Les manifestantes ont déclaré à Amnesty International qu’elles avaient été encerclées par des véhicules de la police après avoir brandi leurs pancartes de protestation. Des cars ont été introduits dans la zone, verrouillée par 25 voitures de police. Certaines femmes auraient été battues et leurs pancartes saisies de force. À la suite de l’attaque, une femme est tombée dans un trou dans le sol. Un garçon de 12 ans, dont le père est détenu sans inculpation ni
jugement depuis 10 ans, a également été frappé et ses pancartes lui ont été arrachées.

Fatima al Misnid, dont la mère, Bahia al Rashudi, est toujours détenue à la prison d’Al Malaz à Riyadh, a déclaré à Amnesty International qu’une dizaine de gardes de sexe féminin l’avaient encerclée et battue jusqu’à ce qu’elle tombe à terre et qu’elle avait ensuite été traînée dans un car.

Treize personnes ont été arrêtées et emmenées à la Direction générale des enquêtes aux alentours de 15 heures. Elles ont été interrogées trois fois sans la présence d’un avocat. On leur a demandé qui elles étaient, qui était à la tête de leur groupe, comment elles coordonnaient leurs activités et si elles avaient des comptes Twitter. Un fonctionnaire aurait demandé à une femme si elle savait que les manifestations sont interdites par la charia (loi
islamique). Elle aurait répondu que les opinions divergeaient sur ce point.

Les femmes et les enfants ont apparemment été privés de nourriture jusqu’à minuit et n’ont pu en obtenir qu’après que les femmes ont imploré les agents de donner à manger aux enfants. Plus tard dans la nuit, vers 1 h 30, certaines de ces femmes et tous les enfants ont été libérés.

Trois femmes sont encore détenues dans la prison d’Al Malaz et ne peuvent apparemment pas contacter leurs familles. Elles devraient comparaître devant un tribunal. Outre Bahia al Rashudi, la fille de l’éminent réformateur Suliaman al Rashudi (76 ans), les personnes détenues sont Hanan al Amereeni et Hameeda al Ghamidi. Amnesty International les
considère comme des prisonnières d’opinion, détenues uniquement pour avoir exercé leur droit à la liberté d’expression et de réunion, et réclame leur libération immédiate et sans condition.

Suliaman al Rashudi a été arrêté le 12 décembre, deux jours après avoir donné une conférence à un rassemblement social informel sur la question des manifestations et de leur légalité dans la Charia. Il est l’un des 16 hommes déclarés coupables, en novembre 2011, d’un ensemble d’infractions graves dont ils étaient accusés en raison de leur militantisme
pacifique en faveur des droits humains. Ils ont tous été condamnés à des peines de prison. En janvier 2013, ces hommes ont reçu une proposition : une « grâce » royale pouvait leur être accordée s’ils s’engageaient formellement à ne pas répéter leurs infractions, à ne plus militer en public et à remercier le roi. Suliaman al Rashudi et six autres hommes ont refusé
de signer un tel engagement et sont par conséquent maintenus en détention. Amnesty International les considère tous comme des prisonniers d’opinion et demande leur libération immédiate et sans condition.

La manifestation organisée le 9 février à Buraydah a eu lieu devant le Tribunal des plaintes, une juridiction administrative habilitée à examiner les plaintes contre l’État et ses services publics. Au moins 15 femmes et 10 enfants auraient été arrêtés par la police. La plupart ont été emmenés au poste de police principal de Buraydah, mais certaines personnes de moins
de 30 ans ont été transférées au foyer social pour jeunes filles. En fin de journée, toutes ces personnes ont été placées dans la prison centrale de Buraydah. Les enfants et toutes les femmes ont été libérés sans inculpation vers 23 h 30 le 11 février.

Complément d’information
Bien que ce soit interdit en Arabie saoudite, depuis 2011, des manifestations sont organisées de plus en plus fréquemment dans différentes villes du pays par des proches de personnes détenues sans inculpation ni jugement. Dans la province de l’Est, où ont eu lieu la majorité des manifestations, certaines sont également organisées pour protester contre les discriminations perçues contre la minorité chiite du pays, très représentée dans cette région.

Le 5 janvier 2013, les forces de sécurité ont arrêté quelque 18 femmes et 10 enfants, qui s’étaient rassemblés devant le Tribunal des plaintes de Buraydah afin de protester contre le maintien en détention de leurs proches, incarcérés dans le cadre de la lutte des autorités saoudiennes contre le terrorisme. Sept femmes et tous les enfants ont été libérés, mais trois femmes ont été transférées à la prison centrale de Buraydah et huit autres (âgées de moins de 30 ans) ont été placées au foyer social de Riyadh, à environ 350 km. Les trois femmes détenues à Buraydah ont comparu devant un tribunal le 9 janvier et elles ont été interrogées sans assistance juridique sur les raisons de leur manifestation, entre autres. Elles ont refusé de signer une promesse de ne plus manifester et ont été condamnées à cinq jours
d’emprisonnement pour avoir participé à la manifestation. Elles ont été libérées par la suite. Les huit autres femmes ont été remises en liberté quelques jours plus tard.

Critiquer l’État n’est généralement pas toléré en Arabie saoudite. Ceux qui dénigrent le gouvernement, ses politiques ou ses pratiques sont souvent détenus au secret sans inculpation, parfois à l’isolement, et ne peuvent pas bénéficier de l’assistance d’un avocat ou des tribunaux pour contester la légalité de leur détention. La torture ou d’autres mauvais traitements sont fréquemment utilisés pour extorquer des « aveux » aux détenus, pour les
punir d’avoir refusé de se « repentir » ou pour les forcer à s’engager à ne plus critiquer le gouvernement. Dans ce pays, la détention au secret est souvent prolongée jusqu’à l’obtention d’« aveux », si bien qu’elle peut durer plusieurs mois, voire plusieurs années.

Lorsque des personnes sont inculpées, les chefs d’accusation sont parfois liés à la sécurité et formulés de manière vague (« désobéissance au souverain », par exemple). Les poursuites judiciaires ne respectent pas les normes internationales en matière d’équité des procès. Les accusés se voient généralement refuser l’assistance d’un avocat et, dans de nombreux cas, ni eux, ni leur famille ne sont informés de l’évolution des procédures judiciaires qui les visent. De plus, les audiences se déroulent souvent à huis clos.

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