L’Arabie saoudite n’a honoré aucune de ses promesses pour faire face à la situation désastreuse des droits humains dans le pays, a déclaré Amnesty International.
Dans la communication qu’elle a remise à la veille de la réunion des Nations unies qui a lieu lundi 21 octobre à Genève pour examiner le bilan de l’Arabie saoudite en matière de droits humains, Amnesty International décrit la répression qui sévit depuis quatre ans dans le pays et prend la forme d’arrestations et de détentions arbitraires, de procès iniques et d’actes de torture et autres formes de mauvais traitements.
« Les promesses que les autorités saoudiennes ont faites jusqu’à maintenant aux Nations unies se sont révélées totalement creuses, a déclaré Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International. Les autorités ont profité de leur influence politique et économique pour empêcher la communauté internationale de critiquer leur très mauvais bilan en matière de droits humains. »
Les autorités saoudiennes n’ont mis en œuvre aucune des principales recommandations issues du dernier examen du Comité des droits de l’homme de l’ONU – l’Examen périodique universel (EPU) – qui a eu lieu en 2009.
« Il y a quatre ans, les diplomates saoudiens présents à Genève avaient accepté toute une série de recommandations pour améliorer la situation des droits humains dans le pays, a déclaré Philip Luther. Depuis, non seulement les autorités n’ont rien fait mais elles ont accentué la répression. »
« La communauté internationale se doit, au nom de tous les militants pacifiques qui ont été arbitrairement arrêtés, torturés et emprisonnés, de demander des comptes aux autorités saoudiennes. »
La vague de répression de la société civile qui sévit dans le pays depuis deux ans est décrite dans la communication d’Amnesty International à l’attention de l’ONU, qui fait partie des documents fournis pour l’EPU.
Intitulé Saudi Arabia : Unfulfilled Promises (voir document ci-dessous), ce document montre que les défenseurs des droits humains et ceux qui militent en faveur d’une réforme politique dans le pays sont soumis à des mesures répressives telles que des arrestations arbitraires, des détentions sans inculpation ni jugement, des procès iniques et des interdictions de sortie du territoire.
Les fondateurs de l’Association saoudienne des droits civils et politiques figurent parmi les personnes incarcérées pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’expression ou d’association. Fondée en 2009, cette association est devenue l’une des organisation de défense des droits humains les plus importantes du pays.
Le 9 mars, deux co-fondateurs de l’association – Abdullah bin Hamid, âgé de 66 ans, et Mohammad bin Fahad bin Muflih al Qahtani, âgé de 47 ans – ont été condamnés à 10 et 11 ans d’emprisonnement respectivement. En outre, après leur libération, ils feront l’objet d’une interdiction de sortie du territoire saoudien de dix années supplémentaires. D’autres cofondateurs de l’association ont été emprisonnés.
Le tribunal a également demandé le démantèlement de l’organisation, la confiscation de ses biens et la fermeture de ses comptes sur les forums sociaux.
« Ces hommes sont des prisonniers d’opinion et ils doivent, à ce titre, être libérés immédiatement et sans condition, a déclaré Philip Luther. Au lieu d’être sanctionnée, leur lutte pacifique contre les violations des droits humains doit être récompensée. Le seul coupable dans cette affaire est le gouvernement. »
La torture et les mauvais traitements sont monnaie courante en Arabie saoudite et demeurent impunis. Les méthodes les plus fréquentes sont les coups de poing et de bâton ; la suspension au plafond ou à la porte d’une cellule par les chevilles ou les poignets ; les décharges électriques sur le corps ; la privation prolongée de sommeil ; l’incarcération au froid.
Le fait que les tribunaux s’appuient fortement sur des « aveux » souvent obtenus sous la torture, la contrainte ou la tromperie a favorisé ces violations.
Un détenu arrêté en 2011 a expliqué à Amnesty International qu’il avait été torturé pendant 10 jours, jusqu’à ce qu’il accepte de signer des « aveux ». Il a raconté qu’il avait dû rester pendant de longues périodes debout avec les bras en l’air ; qu’on lui avait donné des coups avec un câble électrique ; qu’on l’avait frappé au visage, sur le dos et dans le ventre, et qu’on lui avait dit qu’il allait être violé par d’autres prisonniers.
Un grand nombre de ces violations – à l’encontre de défenseurs des droits humains, de manifestants, de chiites, d’hommes et de femmes – ont été perpétrées dans le cadre des mesures de lutte contre le terrorisme.
La communication d’Amnesty International recense d’autres violations des droits humains commises par les autorités saoudiennes :
– discrimination systématique des femmes en droit et en pratique ; les femmes doivent obtenir l’autorisation d’un homme avant de pouvoir se marier, entreprendre un voyage, subir certaines interventions chirurgicales, prendre un emploi rémunéré ou suivre un enseignement supérieur ; les femmes ne sont toujours pas autorisées à conduire.
– violations à l’égard des travailleurs migrants ; n’étant pas protégés par le code du travail et étant soumis à l’exploitation et aux violences aux mains de la fonction publique ou du secteur privé, les travailleurs migrants constituent la population la plus vulnérable du pays ;
– discrimination à l’égard des minorités ; les chiites de la province de l’Est ont été soumis à des arrestations et détentions arbitraires parce qu’ils étaient soupçonnés d’avoir pris part ou d’avoir apporté leur soutien à des manifestations ou parce qu’ils avaient exprimé des points de vue critiques à l’égard du gouvernement ;
– exécutions à l’issue de procès sommaires s’appuyant sur des « aveux » obtenus sous la torture ; l’Arabie saoudite demeure l’un des cinq pays pratiquant le plus grand nombre d’exécutions au monde ; de nombreuses infractions ne constituant pas des crimes de sang sont passibles de la peine de mort : adultère, vol à main armée, apostasie, trafic de stupéfiant, enlèvement, viol, « sorcellerie ».
– torture et autres formes de mauvais traitements : les châtiments corporels tels que la flagellation et l’amputation sont fréquemment utilisés en Arabie saoudite. Dans certains cas, le vol est sanctionné par l’amputation de la main droite, et le banditisme par l’« amputation croisée » (amputation de la main droite et du pied gauche). La condamnation à la flagellation est systématique pour plusieurs infractions et la sentence peut aller de dizaines à des milliers de coups de fouet.