Communiqué de presse

Arabie saoudite. Un défenseur des droits humains fait l’objet d’une détention arbitraire en vertu d’une décision de justice

La décision arbitraire d’un tribunal de condamner un professeur d’université à quatre mois de prison parce qu’il a cofondé une organisation de défense des droits humains est le coup le plus récemment porté à la liberté d’expression et de réunion dans le royaume du Golfe, a déclaré Amnesty International jeudi 25 avril.

Ce jour-là, un tribunal pénal de Buraydah – à 350 km au nord de Riyadh, la capitale – a ordonné l’incarcération d’Abdulkareem Yousef al Khoder. Cet homme de 48 ans est un membre fondateur de l’Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), ainsi qu’un professeur de jurisprudence comparée à la faculté de jurisprudence islamique de l’université de Qasim.

Aucune raison n’a été fournie pour expliquer le placement en détention prononcé contre Abdulkareem Yousef al Khoder après qu’un juge ait arbitrairement empêché 10 femmes de se rendre au tribunal pour observer le procès. À la suite de cette décision, le juge a refusé de rencontrer l’accusé ou son avocat ; le professeur est incarcéré à la prison de Buraydah depuis lors.

Son procès s’est ouvert en janvier 2013 ; il a été jugé pour désobéissance au souverain, incitation au désordre en appelant à des manifestations, diffusion de fausses informations à des groupes étrangers, et participation à la création d’une organisation interdite.

« Ce procès n’aurait jamais dû avoir lieu, et les charges retenues contre Abdulkareem Yousef al Khoder semblent être uniquement liées à son travail légitime en faveur des droits humains avec l’ACPRA », a indiqué Philip Luther, directeur du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Abdulkareem Yousef al Khoder est un prisonnier d’opinion. Il doit être libéré immédiatement et sans condition, et les autorités doivent abandonner les poursuites engagées contre lui. »

On ignore pourquoi le juge a empêché des femmes d’assister à l’audience. Aucune loi n’interdit aux femmes d’être présentes lors de procès en Arabie saoudite, et le ministère de la Justice a fait en octobre 2012 une déclaration selon laquelle des avocates seront autorisées à plaider au tribunal. La première avocate du pays est actuellement en cours de formation.

Bien que le procès d’Abdulkareem Yousef al Khoder ait été ouvert au public, de nombreux membres des forces de sécurité lourdement armés étaient présents sur place.

Le 10 avril, Abdulkareem Yousef al Khoder a déposé une requête en faveur du retrait du juge chargé de l’affaire, mais celle-ci est restée lettre morte. Abdulkareem Yousef al Khoder a affirmé que le juge avait publiquement exprimé des opinions négatives à son propos avant le procès, et qu’il n’était donc pas impartial.

Avant l’ouverture de son procès, en janvier 2013, Abdulkareem Yousef al Khoder avait fait circuler une pétition demandant la création d’une commission d’établissement des faits qui serait chargée d’enquêter sur les détentions arbitraires et sur la répression menée par le ministère saoudien de l’Intérieur contre les militants pacifiques. Il avait également écrit un article fournissant 20 idées pour des manifestations pacifiques réussies, et qualifié l’Arabie saoudite d’État policier.

Les fondateurs de l’ACPRA victimes de harcèlement

Le 9 mars, les autorités saoudiennes ont ordonné la dissolution complète de l’ACPRA et la confiscation de ses biens. Fondée en 2009, l’ACPRA était devenue l’une des plus éminentes organisations indépendantes de défense des droits humains en Arabie saoudite, qui sont en très petit nombre.
Cette organisation a recensé diverses violations des droits humains et aidé de nombreuses familles de personnes détenues sans inculpation à porter plainte contre le ministère de l’Intérieur. Les comptes de l’ACPRA sur les réseaux sociaux ont été fermés le même jour.

Toujours le 9 mars, deux autres éminents défenseurs des droits humains et co-fondateurs de l’ACPRA, Abdullah bin Hamid bin Ali al Hamid, 66 ans, et Mohammad bin Fahad bin Muflih al Qahtani, 47 ans, ont été condamnés respectivement à 10 et à 11 ans d’emprisonnement, assortis d’une interdiction de voyager subséquente pour les mêmes durées.
Ils ont été inculpés d’une série d’infractions similaires aux charges retenues contre Abdulkareem Yousef al Khoder.

Amnesty International considère ces deux hommes comme des prisonniers d’opinion, détenus uniquement pour avoir exercé de façon pacifique leurs droits à la liberté d’expression et d’association dans le cadre de leur travail pour les droits humains.

En avril 2012, Mohammed Saleh al Bajady, un autre co-fondateur de cette organisation, a été condamné par un tribunal spécial antiterroriste à quatre ans d’emprisonnement, suivis d’une interdiction de voyager de cinq ans. Cet homme aurait été déclaré coupable d’avoir participé à la création d’une organisation non autorisée, entaché l’image de l’État à travers les médias, encouragé les familles de prisonniers politiques à manifester et à organiser des sit-in, contesté l’indépendance du pouvoir judiciaire et possédé des livres interdits.

Il a entamé une grève de la faim en prison en septembre 2012 ; on est sans nouvelle de lui depuis lors.

Le 24 mars 2013, Fawzan al Harbi, son avocat, a soumis une requête écrite au directeur de la prison d’al Hair, où Mohammed Saleh al Bajady est semble-t-il emprisonné, et essayé de le rencontrer. Il n’a toujours pas été autorisé à rendre visite à son client ni reçu de réponse à sa demande écrite en ce sens.

Plus tôt cette année, le 6 janvier, Fawzan al Harbi a rencontré le procureur général du royaume et lui a demandé l’autorisation de rendre visite à Mohammed Saleh al Bajady. Il a également essayé de remettre au procureur général une demande écrite sollicitant une visite, et une plainte au sujet des conditions de détention de son client. Le procureur général a cependant refusé d’enregistrer la plainte, et a déclaré à l’avocat qu’il effectuerait un suivi du dossier – mais il n’y a eu aucune avancée dans l’affaire par la suite.

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