Amnesty International a parlé avec l’une des victimes qui a expliqué que le 3 août, dans le village de Shurnukh, dans la région de Syunik, dans le sud de l’Arménie, plus de 30 personnes, des villageois pour la plupart, ont attaqué neuf militants LGBTI. La victime a dit que certains agresseurs avaient utilisé des pierres pour « tenter de lyncher » les militants.
L’organisation LGBTI locale PINK Armenia a indiqué à Amnesty International que sept militants LGBTI ont été blessés et ont subi des contusions et des éraflures sur le corps. Deux de ces personnes ont dû être hospitalisées.
Les militants étaient allés rendre visite à un de leurs amis à Shurnukh, et avaient prévu d’y passer quelques jours pour s’y reposer. L’une des victimes avec qui Amnesty International s’est entretenue a expliqué que deux hommes de la ville de Goris, non loin de là, qui étaient au courant de leur orientation sexuelle sont arrivés à Shurnukh et ont encouragé les villageois à attaquer les militants.
Les agresseurs ont crié des insultes homophobes tout en pourchassant les victimes pendant une demi-heure. Finalement, la police, appelée depuis la ville de Goris, est intervenue et a aidé les militants à sortir du village.
Selon les informations dont dispose Amnesty International, la police a ouvert une enquête, interrogé les victimes et arrêté le 3 août plusieurs suspects, qui ont été relâchés le lendemain. À notre connaissance, personne n’a été inculpé.
Amnesty International demande aux autorités arméniennes de mener une enquête exhaustive et efficace sur cette attaque, et de déférer à la justice les agresseurs présumés. Les autorités arméniennes doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour dévoiler les motivations discriminatoires, basées sur l’orientation sexuelle, de cette attaque.
L’article 63 du Code pénal arménien prévoit des circonstances aggravantes quand une infraction est motivée par « la haine ethnique, raciale ou religieuse », mais pas pour d’autres motifs tels que l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Amnesty International demande à l’Arménie d’adopter des lois prévoyant explicitement la répression pénale des crimes motivés par l’orientation sexuelle et l’identité de genre dans le cadre de la répression des crimes motivés par la haine.
Complément d’information
Même si les relations sexuelles librement consenties entre hommes ont été dépénalisées en 2003, les personnes LGBTI subissent une discrimination dans de nombreuses circonstances de la vie quotidienne, et les défenseurs et militants des droits des personnes LGBTI se heurtent à de grandes difficultés dans un contexte d’homophobie sociale et politique.
L’homophobie et la transphobie sont profondément ancrées dans la société arménienne, et les représentants politiques et les médias ont souvent un discours de haine homophobe ou transphobe qui constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité et à la violence.
Les autorités arméniennes s’abstiennent généralement de réagir face aux actes de discrimination et de violence commis sur la base de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre des victimes, et dans certains cas elles ont même cautionné de telles attaques. Rares sont les victimes de crimes de haine motivés par leur orientation sexuelle ou leur identité de genre qui dénoncent ces crimes à la police, et ce, pour plusieurs raisons, notamment : le risque de voir leur orientation sexuelle ou identité de genre connue de tous, en particulier de leur famille ; le manque de confiance en la police, et la crainte de subir d’autres violences aux mains des policiers. Quand des personnes LGBTI portent plainte pour des crimes motivés par la haine, les autorités ne mènent pas d’enquête digne de ce nom. L’organisation LGBTI PINK Armenia a enregistré 198 cas de crimes de haine motivés par l’orientation sexuelle ou l’identité de genre des victimes entre 2010 et 2015, 50 % de ces cas ayant été enregistrés en 2015. Un grand nombre de ces cas n’ont pas été signalés à la police, principalement en raison d’une méfiance à l’égard de la police et parce que les intéressés ne savaient pas comment procéder avec les autorités chargées de l’application des lois.