Communiqué de presse

Arrestations liées à l’opération de la poche de Medak : de hauts responsables doivent encore faire l’objet d’investigations

L’arrestation de cinq personnes soupçonnées de crimes de guerre contre des civils et des prisonniers de guerre lors de la reprise de la poche de Medak, dans l’est de la Croatie, en 1993, représente un pas dans la bonne direction en vue d’enquêter sur tous les crimes de guerre, a déclaré Amnesty International.


« Si ces arrestations constituent une mesure importante en vue de rendre justice aux victimes de la guerre de 1991-1995, force est de constater que parmi les personnes arrêtées le 1er mars ne figurait aucun haut gradé militaire
, a déclaré Nicola Duckworth, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

« Il existe suffisamment d’informations mises à la disposition du public pour ouvrir une enquête dès à présent. »

Durant l’opération militaire de septembre 1993 dans la poche de Medak, dans la Krajina, l’armée croate et les forces de police ont attaqué plusieurs villages serbes. Selon les estimations de l’ONU, plus de 100 Serbes de Croatie ont été victimes d’exécutions illégales, tandis que de nombreux autres ont été torturés et violés. D’après certaines informations, 11 villages ont été entièrement rasés.

Jusqu’à présent, les autorités croates n’ont pas enquêté sur les allégations selon lesquelles les responsables militaires à la tête de l’opération de la poche de Medak en 1993, notamment Janko Bobetko, chef d’état-major de l’armée croate à l’époque des faits (qui est mort en avril 2003), et le général Davor Domazet-Lošo, ont engagé leur responsabilité hiérarchique dans ces crimes.

En 2008, le tribunal régional de Zagreb a examiné les affaires impliquant les généraux Rahim Ademi et Mirko Norac en lien avec des crimes relevant du droit international commis durant l’opération de la poche de Medak ; les deux généraux étaient accusés sur le fondement de leur responsabilité de supérieurs hiérarchiques.

Dans le cadre du procès devant le tribunal régional de Zagreb, il a été établi que durant l’opération de la poche de Medak, il existait une chaîne de commandement parallèle. Dans son jugement, le tribunal a conclu que le général Janko Bobetko avait exercé le commandement supérieur de l’opération et désigné Davor Domazet-Lošo comme émissaire sur le terrain.

En conséquence, la responsabilité hiérarchique de Rahim Ademi, commandant officiel de l’opération sur le terrain, a été grandement atténuée à la lumière du rôle joué par Davor Domazet-Lošo. Le tribunal a conclu que ce dernier était en charge de l’opération. Se fondant sur cette analyse, le collège des juges a acquitté Rahim Ademi et attribué la responsabilité hiérarchique de l’opération sur le terrain aux généraux Davor Domazet-Lošo et Janko Bobetko, en tant que supérieurs hiérarchiques.

Pourtant, le procureur général n’a pas encore ouvert d’enquête en vue de déterminer si Davor Domazet-Lošo a une responsabilité de commandement dans les crimes.

« Personne ne saurait être au-dessus des lois. Les autorités croates sont tenues au titre du droit national et international de mener des enquêtes et, si les éléments de preuve sont suffisants, d’engager des poursuites dans les affaires de crimes de guerre qui auraient été commis par de hauts gradés militaires et des responsables politiques en Croatie, a conclu Nicola Duckworth.

« Le général Davor Domazet-Lošo ne doit pas faire figure d’exception. Les autorités ont pris certaines mesures en 2011 afin de lutter plus efficacement contre l’impunité pour les crimes de guerre. Il est aujourd’hui temps de passer à l’étape suivante et de les mettre pleinement en œuvre, sans délai et avec professionnalisme. »


Complément d’information

Depuis 16 ans, seul un nombre limité de responsables présumés ont été traduits devant les tribunaux croates pour des crimes relevant du droit international commis durant la guerre de 1991-1995 en Croatie. Pour la plupart, ces procédures n’ont pas respecté les normes internationales de droit pénal et d’équité des procès. Quelque 490 affaires de crimes de guerre sont toujours en instance.

Les autorités n’ont pas mis en œuvre de mesures adaptées de protection des témoins ; par conséquent, les témoins de crimes de guerre font fréquemment l’objet d’intimidations, ce qui les décourage d’aller témoigner devant les tribunaux. Des mesures inappropriées, notamment les coûts élevés des tribunaux, empêchent les victimes d’exercer leur droit à indemnisation et à d’autres formes de réparation pour les crimes subis.

La Croatie n’a pas levé les obstacles à l’extradition des criminels de guerre présumés qui sont Croates, mais a toutefois renforcé le niveau de coopération avec la Serbie pour les questions relatives aux crimes de guerre.

Même si l’on note des progrès ces dernières années dans les poursuites engagées pour crimes de guerre, les autorités croates ne permettent pas encore aux victimes de ces crimes et à leurs familles d’avoir accès à la vérité, à la justice et à des réparations.

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