Asie-Pacifique. Les condamnations à mort pour les infractions liées à la législation sur les stupéfiants sont en augmentation

Déclaration publique

ASA 01/003/2007

À l’occasion de la Journée internationale des Nations unies contre l’abus et le trafic illicite des drogues, le 26 juin, le Réseau asiatique contre la peine de mort (ADPAN)1, dont Amnesty International est membre, a exprimé sa préoccupation quant au fait que, dans un certain nombre de pays de la région Asie-Pacifique, les infractions liées à la législation sur les stupéfiants entraînaient plus de condamnations à mort que toutes les autres infractions. Ce phénomène a été constaté alors qu’il existe une tendance mondiale visant à restreindre et à abolir la peine capitale.

Selon l’ADPAN, seize pays de la région Asie-Pacifique continuer d’appliquer ce châtiment pour le trafic et la possession de stupéfiants.

L’ADPAN admet que les gouvernements peuvent légitimement prendre des mesures contre le trafic de stupéfiants et la criminalité qui s’y rattache, et que les États peuvent également être parties à des traités internationaux visant le contrôle des drogues et imposant la mise en place de telles mesures. Néanmoins, il n’a jamais été démontré de manière convaincante que la peine capitale ait un effet plus dissuasif que les autres sanctions sur les trafiquants de drogues.

Dans les 16 pays qui imposent la peine de mort pour les infractions liées aux stupéfiants, rien ne montre non plus que ces sentences aient entraîné une baisse de l’usage ou du trafic des stupéfiants. En Chine, par exemple, les données de la police montrent que la population des utilisateurs de drogues a cru de 35 p. cent dans les cinq années qui ont suivi l’an 2000. Au Viêt-Nam, selon les propos d’un responsable rapportés par la BBC en 2005, les quantités de stupéfiants saisies par les douanes ont augmenté de 400 p. cent sur un an, malgré le recours à la peine de mort.

D’année en année, les organes des Nations unies chargés du suivi de la situation des droits humains ont analysé la portée de la peine capitale dans plusieurs pays. En matière d’application de ce châtiment pour les infractions liées à la drogue, les définitions légales de la possession et du trafic varient considérablement d’un pays à l’autre. Plus récemment, après une analyse pratique, Philip Alston, le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, concluait en janvier 2007 que la peine capitale devait être considérée comme une mesure exceptionnelle, qui ne pouvait être imposée que lorsque l’existence d’une intention de tuer ayant entraîné la mort avait été démontrée. Lors d’une affaire touchant à la Constitution indonésienne, Philip Alston, en qualité de témoin, a déclaré à la Cour constitutionnelle que la mort ne constituait pas une réponse adéquate au trafic des stupéfiants.

Dans de nombreux pays d’Asie, la peine de mort est entourée du plus grand secret. De ce fait, il est impossible de savoir exactement combien de sentences capitales sont imposées pour les infractions liées à la drogue. Diverses sources indiquent cependant que, dans les pays de l’Asie du Sud-Est, notamment l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la Thaïlande et le Viêt-Nam, la majorité des condamnations à mort concernent cette catégorie d’infractions.

Par ailleurs, au Brunéi, en Corée du Nord, en Inde, au Laos, en Malaisie, en Thaïlande et à Singapour, certaines de ces infractions sont assorties de sentences capitales obligatoires. Les juges n’ont alors pas la possibilité de prendre en compte d’éventuelles circonstances atténuantes.

Toutes les procédures légales, et plus particulièrement celles qui concernent des crimes passibles de la peine de mort, doivent être conformes aux garanties contenues dans l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, notamment le droit à une audience équitable et publique devant un tribunal indépendant et impartial, la présomption d’innocence, le droit à une assistance juridique et le droit à la révision du procès par une instance supérieure.

Dans certains pays d’Asie comme la Chine, la Malaisie et Singapour, la présomption d’innocence n’est pas respectée pour les infractions liées à la législation sur les stupéfiants. L’accusé est au contraire présumé coupable. La présomption d’innocence est une norme internationale reconnue, qui a des implications très importantes sur le droit des accusés à un procès équitable. Elle implique que l’accusation doit prouver la culpabilité des personnes mises en cause. En cas de doute, l’accusé doit être déclaré non coupable. Lorsque la charge de la preuve est renversée, la personne mise en cause perd le bénéfice du doute, ce qui accroît les risques d’exécution de personnes innocentes.

Dans les infractions liées à la législation sur les stupéfiants, le non-respect de la présomption d’innocence et les peines de mort obligatoires constituent une violation patente des normes légales internationales. Ce type de violation est souvent associé à une absence d’assistance juridique adéquate à toutes les étapes de la procédure, en particulier lorsque les accusés sont trop pauvres pour assumer les frais de leur défense, ce qui accentue alors le caractère inéquitable des procès.

Ces dernières années, en Chine, les autorités ont profité de la Journée internationale des Nations unies contre l’abus et le trafic illicite des drogues pour procéder à des exécutions massives. Entre le 13 et le 26 juin 2006, Amnesty International a recensé 55 exécutions visant des infractions liées à la législation sur les stupéfiants.

Des études ont montré que la peine de mort frappe de manière disproportionnée les catégories les plus pauvres et les plus vulnérables de la société. Dans de nombreux cas, des personnes se retrouvent impliquées dans le trafic de stupéfiants par désespoir ou par ignorance. Exécuter ces gens n’a pas d’effet dissuasif. Par ailleurs, une telle politique laisse de côté les raisons qui les poussent à enfreindre la loi, notamment la pauvreté et le manque d’éducation, et exclut évidemment toute possibilité pour ces personnes de s’engager sur une nouvelle voie.

L’ADPAN demande aux États de la région Asie-Pacifique de suivre l’exemple de pays comme le Népal et les Philippines, et de s’associer au mouvement en faveur de l’abolition totale de la peine de mort. Dans un premier temps, les États concernés doivent mettre un terme à l’usage de ce châtiment pour les infractions liées à la législation sur les stupéfiants, puis étudier et mettre en œuvre des solutions alternatives permettant de rompre le cycle de la toxicomanie et des crimes qui en résultent.

Les seize pays de la région Asie-Pacifique qui prévoient encore la peine de mort pour les infractions à la législation sur les stupéfiants sont les suivants : Bangladesh, Brunéi, Chine, Corée du Nord, Corée du Sud, Inde, Indonésie, Laos, Malaisie, Myanmar, Pakistan, Singapour, Sri Lanka, Taiwan, Thaïlande et Viêt-Nam.

Pour plus d’informations sur l’ADPAN, consultez le site suivant : http://asiapacific.amnesty.org/apro/APROweb.nsf/pages/adpan

1. L’ADPAN est un réseau indépendant informel comptant plus de 34 membres, qui sont des personnes et des organisations provenant de 18 pays essentiellement situés dans la région Asie-Pacifique.

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