Australie et Indonésie. « Les choses importantes d’abord » : Amnesty International attend de l’Australie et de l’Indonésie une déclaration sur le respect des droits humains

Déclaration publique

ASA 12/003/2006

Lundi 26 juin, le Premier ministre australien John Howard et le président indonésien Yudhoyono doivent se rencontrer afin de tenter d’apaiser les tensions diplomatiques entre les deux pays. Le différend est né lorsque l’Australie a accordé l’asile, en mars, à 42 demandeurs arrivés en janvier de la province indonésienne de Papouasie et qui disaient fuir les persécutions politiques.

Le gouvernement indonésien cherche à présent à obtenir de l’Australie qu’elle déclare officiellement respecter l’intégrité territoriale de l’Indonésie et ne pas soutenir les appels en faveur de l’indépendance de la Papouasie.

Amnesty International craint que le différend diplomatique actuel n’ait fait perdre de vue aux deux gouvernements le fait que les atteintes aux droits humains et l’impunité accordée aux auteurs des violations sont toujours au cœur du problème.

Des responsables indonésiens ont déclaré que si des violations des droits humains s’étaient produites en Papouasie, elles étaient le fait d’éléments incontrôlés au sein des forces de sécurité. Toutefois, la Commission nationale indonésienne des droits de l’homme, la Komnas HAM, qui a enquêté sur trois affaires en Papouasie, a découvert un certain nombre d’éléments indiquant que des crimes contre l’humanité ont été commis par les forces de sécurité - dans l’affaire Abepura en 2000, dans l’affaire Wasior en 2001 et dans l’affaire Wamena en 2003. À ce jour, personne n’a eu à rendre compte de ces crimes. L’incapacité de l’État à enquêter et à traduire en justice les auteurs de ces actes le rend complice des crimes commis.

Des responsables australiens ont réagi à la crise actuelle en proposant des modifications de la Loi sur l’immigration ; selon Amnesty International, les changements envisagés ne respecteraient pas les obligations internationales de l’Australie au regard du droit et bafoueraient les droits fondamentaux des demandeurs d’asile arrivant en Australie par bateau ; ceux-ci seraient en effet transférés dans des centres de détention situés au large des côtes australiennes en attendant que leur demande d’asile soit examinée.

Amnesty International ne prend pas position sur l’indépendance de la Papouasie ni sur celle d’aucun autre territoire. Toutefois, l’organisation affirme sans équivoque la nécessité pour l’Australie et l’Indonésie de redire leur engagement en faveur du respect des droits humains fondamentaux. Les deux gouvernements devraient mettre à profit leur rencontre la semaine prochaine pour afficher leur unité et leur volonté de poursuivre les efforts en faveur de la protection et de la promotion des droits humains au niveau régional.

Le gouvernement indonésien devrait s’engager sur les points suivants :

  afin de combattre l’impunité et faire respecter les droits humains au sein de la police et de l’armée indonésienne, toutes les allégations de violations des droits humains par des membres des forces de sécurité feront l’objet d’une enquête effective, par un mécanisme crédible et impartial, indépendant de l’armée et de la police. Les personnes faisant l’objet d’une enquête seront suspendues de toute responsabilité à des fonctions de commandement. Lorsque suffisamment d’éléments de preuve existent, les personnes concernées seront jugées par des tribunaux civils, lors de procès répondant aux normes internationales d’équité des procès.
  Un programme effectif de protection des victimes et des témoins sera mis en place pour faciliter la tenue d’enquêtes approfondies et des poursuites judiciaires.
  En ce qui concerne les violations flagrantes des droits humains ayant déjà fait l’objet d’une enquête par la Komnas HAM, notamment celles de Wamena et Wasior, le procureur général devra réexaminer les rapports de la Komnas HAM et prononcer de toute urgence les inculpations nécessaires. En accordant la priorité à ces affaires, le gouvernement montrera, en particulier aux membres des forces de sécurité, qu’il prend les violations des droits humains au sérieux.
  Un examen urgent sera fait des raisons pour lesquelles, en dépit de l’abondance des preuves et de presque cinq années d’enquêtes et de procédure, pas un seul membre des forces de sécurité indonésiennes n’a été inculpé et condamné après la mort de trois étudiants papous et les actes de torture commis sur plus d’une centaine d’autres à Abepura, le 7 décembre 2000.
  Toutes les personnes arrêtées ou emprisonnées uniquement pour avoir exercé pacifiquement leur droit à la liberté d’opinion, de conviction, d’expression et d’association, seront immédiatement remises en liberté sans condition ; nul ne sera emprisonné à l’avenir pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’expression, y compris le droit de défendre, de façon pacifique, l’idée d’un référendum, l’indépendance ou toute autre solution politique concernant le statut de la Papouasie.

Le gouvernement australien devrait s’engager sur les points suivants :

  les centres de détention australiens situés au large des côtes australiennes seront fermés et aucun demandeur d’asile cherchant à obtenir l’asile en Australie ne sera transféré vers des centres offshore.
  Tous les réfugiés et demandeurs d’asile en Australie seront traités sans discrimination et dans le plein respect de leurs droits fondamentaux, quel que soit leur statut au regard de l’immigration ou leur mode d’arrivée. Toute distinction établie entre les personnes débarquant en Australie avec des papiers et celles dépourvues de papiers devra satisfaire aux critères de proportionnalité et de nécessité et figurer dans la loi.
  Aucun demandeur d’asile ou demandeur d’asile débouté ne restera en détention , sauf si cette détention répond à des critères stricts de nécessité et de proportionnalité. Les personnes détenues au delà de la période maximale de détention, d’une durée raisonnable précisée dans un texte de loi, seront automatiquement remises en liberté. Les enfants et leurs familles seront rendus en priorité à la société.
  Le régime de protection temporaire sera aboli et toutes les personnes qui auront été reconnues comme réfugiées, y compris les personnes détenues avant d’avoir obtenu le statut de réfugié, se verront accorder une protection permanente.

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