Australie : Le retrait des services de santé met en danger les réfugiés

Les autorités australiennes tentent de se soustraire à la crise des droits humains dont elles sont responsables pour les réfugiés et les demandeurs d’asile en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en retirant des services de santé essentiels malgré la détresse des personnes enfermées dans leurs centres de détention à l’étranger.

Ces six derniers mois, elles ont mis fin aux services de prise en charge des traumatismes psychiques prodigués aux réfugiés et aux demandeurs d’asile dans ce pays, et elles ont transféré ces personnes dans de nouveaux centres de détention, ou l’accès aux soins de santé est restreint.

« Près de cinq années après que l’Australie a commencé à délocaliser la détention des réfugiés et des demandeurs d’asile hors de ses frontières dans le cadre d’une politique dangereuse et illégale, la situation des personnes piégées en Papouasie-Nouvelle-Guinée est critique. La décision de retirer maintenant les services de santé aggrave davantage encore leur situation, a déclaré Kate Schuetze, chercheuse spécialiste de la question des réfugiés à Amnesty International.

« L’enfermement de personnes vulnérables dans des centres de détention isolés se paye au prix fort, comme l’illustre le suicide de deux réfugiés sur l’île de Manus l’année dernière. Au lendemain de ces tragédies, sans qu’aucune raison n’ait été donnée, l’Australie a supprimé les services de prise en charge des traumatismes psychiques, énième mesure qui ne fera que rendre plus difficile l’accès aux soins de santé des réfugiés et des demandeurs d’asile en Papouasie-Nouvelle-Guinée. »

Des réfugiés abandonnés à leurs souffrances

En Papouasie-Nouvelle-Guinée, les réfugiés et les demandeurs d’asile sont en butte à de graves difficultés d’accès aux soins de santé depuis des années, comme en témoigne Amnesty International dans une nouvelle synthèse rendue publique jeudi 17 mai. En novembre 2017, des chercheurs de l’organisation se sont rendus à Port Moresby pour s’entretenir avec des réfugiés et des demandeurs d’asile de l’île de Manus envoyés dans la capitale de Papouasie-Nouvelle-Guinée pour s’y faire soigner.

Plusieurs d’entre eux ont confié avoir attendu pendant des mois alors qu’ils souffraient de graves problèmes de santé (masse suspecte susceptible d’être une tumeur, calculs rénaux, problèmes gastriques, fièvre typhoïde, dengue, troubles de la vue, mobilité physique réduite et troubles psychiques).

Des professionnels de la santé ont indiqué à certains qu’ils ne pouvaient pas se faire soigner en Papouasie-Nouvelle-Guinée, faute de matériel ou de spécialistes, mais ils n’ont pas été autorisés à se rendre en Australie ou leur transfert a eu lieu le plus tard possible.

Un réfugié souffrant de troubles rénaux et gastriques a raconté qu’il avait subi une opération avec pose d’un stent de l’estomac et que les médecins lui avaient indiqué qu’ils l’enlèveraient dans six semaines. Huit mois plus tard, le stent n’avait toujours pas été retiré et exerçait une pression sur la vessie, ce qui a provoqué des saignements. Les médecins lui ont expliqué qu’il n’y avait pas en ce moment en Papouasie-Nouvelle-Guinée de spécialistes capables de le soigner.

« L’Australie a déployé des efforts considérables et a investi des sommes énormes pour appliquer sa politique de détention extraterritoriale, qui restreint fortement l’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile aux soins de santé. En Papouasie-Nouvelle-Guinée, ces personnes vivent dans des conditions de type carcéral et ne peuvent pas se déplacer librement ; elles sont donc tributaires des autorités australiennes pour se loger, être en sécurité, se nourrir et se soigner », a déclaré Kate Schuetze.

« Tant qu’elle continuera à délocaliser à l’étranger le traitement des demandes d’asile, l’Australie sera tenue de veiller à ce que les réfugiés aient rapidement accès aux soins de santé dont ils ont besoin, y compris en étant transférés sur son territoire. »

Un accès réduit aux services

Avant octobre 2017, les réfugiés et les demandeurs d’asile en Papouasie-Nouvelle-Guinée se faisaient soigner par un prestataire privé de services de santé, International Health and Medical Services (IHMS), ou dans une clinique privée à Port Moresby, Pacific International Hospital (PIH), ou bien ils étaient transférés en Australie. Des services de traduction et d’accompagnement psychologique leur étaient proposés parallèlement à d’autres services de santé.

De profonds changements de la prise en charge médicale sont intervenus en octobre 2017, quand les autorités australiennes ont transféré de force les réfugiés et les demandeurs d’asile de l’île de Manus dans trois nouveaux centres, dont un seul dispose d’un centre de santé. Le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a qualifié le nouveau dispositif de « largement insuffisant ».

Samuel (le prénom a été changé), victime d’un infarctus en février 2017, n’a toujours pas été pris en charge. Deux médecins qui l’ont soigné à Port Moresby ont recommandé son transfert en Australie, soumis à l’approbation du gouvernement australien, pour des examens et des soins complémentaires. Samuel s’est de nouveau effondré brutalement en novembre 2017 mais, quelques jours plus tôt, les services médicaux avaient été complètement retirés du centre de détention où il se trouvait, en prévision de la fermeture prochaine du centre. D’autres réfugiés ont alors passé plus de quatre heures à tenter d’obtenir l’aide des services de sécurité pour qu’ils conduisent Samuel à l’hôpital le plus proche. Celui-ci a indiqué être sorti quelques heures plus tard, car l’hôpital ne disposait pas du bon matériel pour effectuer des examens plus approfondis.

Alors que des suicides ont été signalés [1] et que la population réfugiée de l’île de Manus affiche l’un des taux les plus élevés au monde de troubles mentaux chez les réfugiés, le gouvernement australien a également mis fin en octobre 2017 aux contrats qu’il avait signés avec des services d’aide psychosociale, ce qui signifie que les réfugiés ne bénéficient plus d’une prise en charge psychologique. Amnesty International demande à ce que ces services soient de nouveau proposés de manière prioritaire.

Parmi les autres modifications introduites par le gouvernement australien figurent la réduction des heures d’ouverture des services de santé, la suppression des traducteurs qui aidaient les réfugiés à bien comprendre les soins qui leur étaient proposés et à donner leur consentement à ces soins, et le recours de plus en plus fréquent aux hôpitaux publics de Papouasie-Nouvelle-Guinée pour les soins d’urgence et les soins en dehors des horaires d’ouverture des services de santé.

Amnesty International continue de demander à l’Australie de transférer sans délai sur son territoire ou vers un pays tiers sûr tous les réfugiés et demandeurs d’asile, et de leur offrir la protection dont ils ont besoin et qu’ils méritent de recevoir. En attendant, l’État australien est tenu de veiller à ce que ces personnes aient accès à des soins de santé satisfaisants en Papouasie-Nouvelle-Guinée.

« Ce n’est qu’en cessant de délocaliser le traitement des réfugiés et des demandeurs d’asile à l’étranger que l’Australie pourra mettre fin à la détresse physique et psychologique de ces personnes en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a déclaré Kate Schuetze.

« En attendant que le pays remédie à la situation, le moins qu’il puisse faire est de tenter de limiter le préjudice causé en garantissant aux réfugiés l’accès aux soins de santé dont ils ont besoin. »

Complément d’information

En 2016, les États-Unis et l’Australie ont conclu un accord au titre duquel les États-Unis ont accepté d’accueillir 1 250 réfugiés enfermés dans des centres extraterritoriaux de l’Australie, mais cet accord ne peut pas offrir une protection à tous. Plusieurs centaines de réfugiés et de demandeurs d’asile seront abandonnés à leur sort sur l’île de Manus si l’Australie ne met pas fin à sa politique de délocalisation du traitement des réfugiés à l’étranger ou si elle ne trouve pas un pays sûr pour les réinstaller. C’est dans ce contexte que le gouvernement australien retire les services de santé essentiels qu’il fournit aux réfugiés dont il a la charge.

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