AUTORITÉ PALESTINIENNE : Abolir la peine de mort et mettre fin à la justice "privée"

Amnesty International s’inquiète des mesures prises récemment par Mahmoud Abbas, président nouvellement élu de l’Autorité palestinienne, en vue de renouer avec les exécutions.

Selon les informations dont l’organisation dispose, pas moins de 30 Palestiniens attendent actuellement dans le quartier des condamnés à mort. La plupart ont été condamnés à la peine capitale entre 1996 et 2004 pour meurtre ou viol, tandis que certains ont été reconnus coupables d’avoir collaboré avec les forces israéliennes dans l’assassinat de Palestiniens.

Peu après son élection en janvier 2005, le président Abbas a soumis les dossiers de certains condamnés à mort au grand mufti, sollicitant ses conseils quant à l’éventuelle ratification des condamnations - la ratification par le président constituant l’ultime étape avant l’exécution. Le grand mufti aurait recommandé au président Abbas de procéder à l’exécution de cinq prisonniers déclarés coupables de meurtre et de viol.

Depuis l’exécution en juin 2002 de deux hommes reconnus coupables de ces mêmes crimes, l’Autorité palestinienne avait adopté un moratoire de facto sur les exécutions. Amnesty International se félicitait de cette évolution encourageante, reflet de la tendance mondiale en faveur de l’abolition de la peine capitale. L’organisation est désormais préoccupée par les mesures visant à renouer avec les exécutions.

Il semble que l’Autorité palestinienne agisse ainsi afin de faire preuve de sa détermination à rétablir l’ordre public en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. En effet, ces dernières années, les institutions palestiniennes chargées d’y assurer le respect des lois et la sécurité ont été pour une large part dissoutes ou entravées dans leurs actions par les forces israéliennes.

Alors que l’Autorité palestinienne s’efforce de reprendre la situation en main dans certaines parties des Territoires occupés, ces initiatives visant à procéder à de nouvelles exécutions s’inscrivent dans le cadre d’une reprise du dialogue et des négociations avec Israël et de la trêve récente entre forces israéliennes et groupes armés palestiniens.

Amnesty International exhorte le président Abbas à ne pas ratifier les condamnations à mort et à maintenir le moratoire de facto sur les exécutions. L’organisation de défense des droits humains s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances. Elle la considère comme le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit, et comme une violation du droit à la vie tel que le consacre la Déclaration universelle des droits de l’homme.

En outre, il n’a jamais été démontré que la peine capitale avait un effet plus dissuasif que les autres peines.

Par ailleurs, Amnesty International s’inquiète de ce que certains condamnés à mort ont été déclarés coupables par la Cour de sûreté de l’État ou le tribunal militaire, au terme de procès contraires aux règles d’équité les plus élémentaires qui bafouaient les droits internationalement garantis aux accusés. Présidés par des juges militaires recourant souvent à une procédure sommaire, ces procès se sont parfois déroulés à huis clos. Nombre d’accusés se sont vus priver du droit de choisir leur défenseur et du droit d’interjeter appel devant une instance supérieure et indépendante.

Compte tenu du caractère irréversible de la peine de mort, les procès de personnes passibles de ce châtiment doivent respecter scrupuleusement toutes les normes internationales protégeant le droit à un procès équitable, notamment le droit de l’accusé à un défenseur de son choix et le droit d’interjeter appel devant une instance supérieure.
L’Autorité palestinienne a le droit mais aussi le devoir de traduire en justice les criminels. Toutefois, elle doit le faire tout en se conformant aux normes internationalement reconnues et en veillant à ce que tous les accusés bénéficient d’un procès équitable devant un tribunal indépendant.

Tandis qu’elle tente de rétablir son autorité dans certaines parties des Territoires occupés, l’Autorité palestinienne doit s’attacher en priorité à réformer la justice et les systèmes judiciaires et faire en sorte qu’ils protègent et respectent le droit à un procès équitable pour tous. La reprise des exécutions ne contribuera pas à la réalisation de ces objectifs.

D’autre part, Amnesty International invite l’Autorité palestinienne à mettre fin à l’impunité dont jouissent les responsables de certains crimes - notamment les meurtres de « collaborateurs » palestiniens et de civils israéliens, ainsi que les crimes « d’honneur ».


Complément d’information

L’Autorité palestinienne n’enquête pas sur les homicides délibérés de civils tant palestiniens qu’israéliens commis par les groupes armés palestiniens, pas plus que sur les meurtres pour des questions d’honneur.

Les auteurs de ces crimes continuent de jouir d’une impunité totale et ne sont pas déférés à la justice. Pourtant, leur identité est souvent connue, puisqu’ils ont perpétré les homicides en public ou revendiqué publiquement la responsabilité de leurs actes. Au cours des dernières années, les Brigades des martyrs d’Al Aqsa ont revendiqué la plupart des assassinats de Palestiniens qu’ils accusaient d’avoir collaboré avec les forces israéliennes. Par ailleurs, les meurtres de femmes perpétrés par des parents pour des questions d’« honneur », tout comme d’autres violences faites aux femmes au sein de la famille, donnent rarement lieu à des poursuites.

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