Communiqué de presse

Si les autorités décident de maintenir en détention une femme enceinte dans l’attente de son procès, elles doivent lui prodiguer les soins appropriés

La section indienne d’Amnesty International demande aux autorités de l’État du Maharashtra de veiller à ce que la comédienne militante Sheetal Sathe, si elle est maintenue en détention dans l’attente de son procès, bénéficie des soins pré- et postnataux dont elle a besoin.

Sheetal Sathe est membre du Kabir Kala Manch (KKM), un groupe qui se sert de la musique et du théâtre contestataires pour militer en faveur de certaines questions de droits humains, tels que les droits des dalits, ainsi que la violence et la discrimination liées aux castes. Sheetal Sathe et son époux Sachin Mali ont été notamment inculpés le 17 avril 2011, en même temps que 13 autres personnes, d’appartenance et de soutien au Parti communiste indien (maoïste), et de recrutement pour le compte de ce groupe armé interdit.

La police n’a retrouvé la trace de Sheetal Sathe et Sachin Mali que le 2 avril 2013, lorsque le couple est apparu devant l’Assemblée législative du Maharashtra pour contester les charges retenues contre lui. Tous deux ont alors été arrêtés et Sheetal Sathe se trouve en détention provisoire dans la prison de Byculla, à Mumbai. Des tribunaux de première instance à Mumbai ont rejeté ses demandes de libération sous caution.

Sheetal Sathe est enceinte de huit mois et la section indienne d’Amnesty International est inquiète quant à ses besoins en matière de santé, en particulier concernant une alimentation suffisante et des soins pré- et postnataux. Un défenseur des droits humains qui l’a rencontrée après son interpellation a déclaré à Amnesty International Inde qu’elle ne reçoit pas d’aliments nutritifs suffisants ni de soins médicaux appropriés.

Amnesty International rappelle aux autorités que le droit indien et le droit international préconisent la remise en liberté dans l’attente de leur procès de toutes les personnes accusées d’infractions pénales. Comme le précise l’article 9(3) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), auquel l’Inde est partie, la détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle. Le droit à la liberté de la personne implique que la privation de liberté doit toujours être l’exception et ne doit être appliquée que si elle s’avère justifiée, nécessaire, raisonnable et proportionnée au vu des circonstances de l’affaire. Toutes les mesures non privatives de liberté, telles que la liberté sous caution ou l’engagement à comparaître, doivent être envisagées par l’autorité judiciaire avant de prendre une décision de placement en détention provisoire, détention qui doit être régulièrement réexaminée.

La Cour suprême indienne a déclaré dans plusieurs affaires, notamment dans l’affaire Sanjay Chandra versus CBI jugée en 2011, que la liberté sous caution doit être la règle et l’incarcération l’exception, et que le fait de s’y opposer peut constituer une restriction du droit à la liberté personnelle garanti par l’article 21 de la Constitution indienne.

S’agissant des femmes enceintes en particulier, l’Assemblée générale de l’ONU, en adoptant les Règles concernant le traitement des détenues et l’imposition de mesures non privatives de liberté aux délinquantes (Règles de Bangkok), a souligné qu’au moment de déterminer la peine à imposer à une femme enceinte dans l’attente de son procès, il faut privilégier les mesures non privatives de liberté.
Les États sont tenus au titre du droit international de respecter et garantir le droit à la santé des prisonniers. Plus particulièrement, au sujet des femmes enceintes placées en détention, les normes internationales exigent que les autorités prodiguent des examens de santé réguliers, une nourriture suffisante et des soins pré- et postnataux adéquats, ainsi que des conseils sur la santé et le régime alimentaire dans le cadre d’un programme établi et suivi par un professionnel de santé qualifié. Les femmes enceintes ne doivent pas être placées en détention si ces conditions ne sont pas réunies.

Dans la mesure du possible, il faut prévoir la naissance de l’enfant dans un hôpital à l’extérieur du lieu de détention. Ensuite, il convient de prendre des dispositions spéciales pour les femmes avec nouveau-nés, en prenant pleinement en compte l’intérêt supérieur de l’enfant.

Ces mesures ont également été émises au titre de directives par la Cour suprême indienne dans l’affaire RD Upadhyay versus State of Andhra Pradesh et sont inscrites dans le Manuel des prisons modèles pour la supervision et la gestion des prisons en Inde.

La section indienne d’Amnesty International exhorte les autorités de l’État du Maharashtra à faire en sorte que Sheetal Sathe reçoive les soins pré- et postnataux nécessaires, notamment une nourriture adaptée, conformément au droit indien et aux normes internationales. Si les autorités ne peuvent garantir qu’elle bénéficie des soins requis, elles doivent alors envisager d’autres mesures que la détention, notamment la liberté sous caution ou le cautionnement personnel.

Complément d’information
En avril 2011, la brigade anti-terrorisme de la police du Maharashtra a appréhendé Angela Sontakke, qu’ils considèrent comme étant une dirigeante du Parti communiste indien (CPI-maoïste). Par la suite, ils ont arrêté six autres personnes. Le 20 juillet 2011, la police a porté plainte contre les sept personnes arrêtées, et contre huit autres qui n’avaient pas été localisées, dont Sheetal Sathe et Sachin Mali, en vertu de la Loi relative à la prévention des activités illégales, principale loi de lutte contre le terrorisme.

En octobre 2012, la Haute cour de Bombay a accepté de libérer sous caution deux militants sur les sept qui avaient déjà été arrêtés. Elle a également accordé la libération sous caution à quatre autres militants appréhendés en janvier 2013, notant que « l’appartenance à un groupe ou une organisation terroriste telle que définie [par la Loi relative à la prévention des activités illégales] doit être considérée comme une appartenance active, se traduisant par la participation à des actes menés par le groupe ou l’organisation terroriste pour atteindre ses objectifs, en utilisant la violence ou d’autres moyens illégaux ». Elle a également fait observer que « parler de la corruption, des inégalités sociales, de l’exploitation des pauvres, etc., et souhaiter une société meilleure n’est pas interdit dans notre pays [...] ; même l’expression d’opinions selon lesquelles un changement de l’ordre social ne peut avoir lieu qu’au travers d’une révolution n’est pas une infraction ».

La Loi relative à la prévention des activités illégales, en vertu de laquelle Sheetal Sathe et Sachin Mali ont été inculpés, définit en termes vagues les « actes de terrorisme » et l’« appartenance » à des organisations « illégales », et n’est pas conforme aux obligations juridiques internationales de l’Inde.

Cette loi a été modifiée en 2008 ; dans sa nouvelle version, elle allonge la durée minimum de détention des suspects de 15 à 30 jours, et la durée maximum de 90 à 180 jours, ne prévoit aucune garantie adéquate lors de la détention provisoire contre la torture et tous les peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants infligés aux détenus, et renverse la charge de la preuve pour certains crimes graves et requiert, dans certaines circonstances, que l’accusé prouve son innocence.

En Inde, plusieurs groupes de défense des droits humains ont signalé à plusieurs reprises des cas où cette loi a été utilisée de manière abusive. Notamment, des militants défendant les droits des adivasis et des dalits, et exerçant pacifiquement leur droit à la liberté d’expression et d’association ont été placés en détention sur la base d’éléments de preuve fabriqués de toutes pièces et de fausses accusations.

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