AUTRICHE - Le tribunal rend son jugement dans l’affaire Cheibani Wague

Index AI : EUR 13/002/2005

DÉCLARATION PUBLIQUE

Le 9 novembre 2005, la plus haute juridiction pénale à Vienne a fait connaître sa décision dans la procédure pénale engagée contre six policiers, trois auxiliaires médicaux et un médecin inculpés d’homicide involontaire en relation avec la mort, le 16 juillet 2003, du ressortissant mauritanien Cheibani Wague. Le médecin et un des policiers ont été condamnés à une peine de sept mois d’emprisonnement avec sursis ; les autres accusés ont été acquittés. Amnesty International avait à maintes reprises fait part de sa vive préoccupation au sujet des circonstances entourant la mort de Cheibani Wague, survenue alors qu’il était immobilisé par des policiers et des auxiliaires médicaux, ainsi qu’au sujet du retard pris dans la tenue d’une enquête indépendante et impartiale en vue de déférer à la justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ce décès.

Les policiers et les secouristes avaient été appelés à la suite d’une dispute ayant éclaté entre Cheibani Wague et un autre homme, dans un parc à Vienne. Cheibani Wague avait ensuite été arrêté et immobilisé de force. Des images vidéo, filmées par un habitant présent sur place, montraient six policiers et trois auxiliaires médicaux entourant Cheibani Wague menotté, face contre terre et apparemment inconscient. Le film montrait les trois auxiliaires médicaux se tenant d’un pied ou de tout leur poids sur les jambes de Cheibani Wague tandis que six policiers faisaient de même sur le haut de son corps, y compris les épaules et le dos. La vidéo montrait également un médecin assistant à la scène sans réagir.

Cheibani Wague a été maintenu de force dans cette position pendant environ quatre minutes et demi avant que quelqu’un semble se rendre compte qu’il ne respirait plus. Cependant, le film vidéo montre que personne n’est intervenu pour le ranimer à ce moment-là. Cheibani Wague est mort sur les lieux de son arrestation dans la nuit du 15 au 16 juillet 2003. La rapport d’autopsie indique que la mort a été provoquée par un manque d’oxygénation du cerveau et une insuffisance circulatoire irréversible. Une enquête sur la mort de Cheibani Wague a été ouverte immédiatement mais aucun des policiers impliqués n’a été suspendu de ses fonctions tout au long de la procédure.

Lors d’une conférence de presse à l’aéroport international de Vienne le 23 juillet 2003, le ministre de l’Intérieur Ernst Strasser avait indiqué que le président de la police de Vienne ne pensait pas qu’il fallait engager de procédure disciplinaire. Le ministre avait fait comprendre qu’à son avis il n’était pas nécessaire que les policiers fassent l’objet d’une enquête plus poussée.

La procédure pénale autrichienne se déroule en trois étapes : une première comparution, l’instruction et le procès. Un juge est responsable de l’instruction et le procureur conduit le procès. Dans cette affaire, le juge d’instruction a délégué l’interrogatoire au bureau des enquêtes internes, qui fait partie du ministère de l’Intérieur. Les interrogatoires ont débuté aux environs du 18 juillet 2003, mais les audiences du procès n’ont pas commencé avant le 19 juillet 2005. Amnesty International est préoccupée par la longue période qui s’est écoulée entre l’instruction et le début du procès et demande au gouvernement autrichien de mener une enquête sur les raisons éventuelles de ce retard. Pour tout procès, les longs délais ont un impact négatif sur l’examen des éléments de preuve et l’établissement de la vérité.

Des déficiences flagrantes dans la formation des policiers sont apparues lors du procès. Les policiers impliqués dans cette affaire ont déclaré pendant le procès qu’ils ne savaient pas que le fait d’immobiliser quelqu’un face contre terre avec des entraves aux mains et aux pieds en pressant son visage et sa poitrine contre le sol, en s’appuyant d’une jambe ou de tout son poids sur son corps à neuf personnes, et en le maintenant dans cette position pendant plusieurs minutes, pouvait empêcher cette personne de respirer et mettre de ce fait sa vie en péril.

Même après cet épisode fatal, les autorités autrichiennes n’ont pas pris immédiatement de mesures pour informer tous les agents de la force publique des dangers de cette méthode de contrainte. Selon certaines informations, ce n’est que deux ans après la mort de Cheibani Wague que des mesures ont été prises pour remédier à cette lacune en matière de formation.

Amnesty International appelle les autorités autrichiennes à veiller à ce qu’une enquête indépendante et impartiale soit menée sans délai sur toutes les allégations de mauvais traitements imputables à la police et sur tous les cas de mort en garde à vue.

L’organisation prie également les autorités de faire en sorte que tout agent de la force publique soupçonné d’implication dans de telles affaires soit suspendu de ses fonctions en attendant l’issue des investigations ; les autorités devraient faire le nécessaire pour que toute personne responsable d’une faute commise dans l’exercice de ses fonctions soit déférée à la justice dans un délai raisonnable, dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité ; enfin, elles devraient veiller à ce que les responsables gouvernementaux s’abstiennent de faire des déclarations publiques présumant de l’issue d’une enquête ou d’une éventuelle procédure. Amnesty International demande aussi que les autorités autrichiennes mènent une enquête sur les raisons pour lesquelles, dans cette affaire, un délai aussi long s’est écoulé entre l’instruction et l’ouverture du procès.

Il faudait enfin que les autorités autrichiennes veillent à ce que tous les responsables de l’application des lois et autres agents de l’État reçoivent une formation sur les méthodes de contraintes sûres et efficaces ainsi que sur les dangers inhérents au maintien d’une personne face contre terre.

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