AZERBAÏDJAN : Affaires liées aux élections parlementaires de 2005 : l’équité des procès suscite des inquiétudes

Index AI : EUR 55/002/2006

DÉCLARATION PUBLIQUE

Le 9 mai 2006, l’Azerbaïdjan a été élu au nouveau Conseil des droits humains des Nations unies. En tant que membre de ce Conseil, l’Azerbaïdjan est obligé de respecter les normes les plus strictes en matière de promotion et de protection des droits humains, comme le stipule la résolution de l’Assemblée générale établissant le Conseil. Dans le cadre de sa proposition pour l’élection au Conseil, l’Azerbaïdjan a exprimé un certain nombre d’engagements volontaires sur les normes relatives aux droits humains, notamment des actions de promotion et de protection des droits humains sur le plan national et international.

Amnesty International se félicite de ces déclarations, mais s’inquiète également du contexte politique éventuel de l’arrestation et l’inculpation de nombreuses personnes détenues avant et après les élections parlementaires de 2005 en Azerbaïdjan.

Ces élections, qui ont eu lieu le 6 novembre 2005, ont été décrites par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) comme ne respectant pas un certain nombre d’engagements de l’OSCE et autres normes internationales pour des élections démocratiques ; elles ont été précédées et suivies de dizaines d’arrestations de personnes associées à divers partis d’opposition.

Amnesty International est préoccupée par plusieurs affaires liées à de nombreuses allégations de torture ou autre mauvais traitements, par des violations des normes internationales pour un procès équitable, et par la santé de certains inculpés. Amnesty International note que selon des avocats de la défense, des organisations azéries de défense des droits humains et d’autres analystes, les circonstances de l’arrestation de certaines personnes et les poursuites à leur encontre, dans le contexte des élections parlementaires de 2005, indiquent que le gouvernement azéri pourrait chercher à discréditer et supprimer l’opposition politique - plutôt qu’à administrer la justice pénale.

Amnesty International a écrit au président, aux ministres de la Justice et de la Sécurité nationale, au procureur général et au médiateur d’Azerbaïdjan, pour exprimer son inquiétude concernant l’arrestation, l’inculpation et la détention de l’ancien ministre du Développement économique Farhad Aliev ; de Rousslan Bachirli, Saïd Nouri et Ramine Tagiev du mouvement de jeunesse « Yeni Fikir » (« Nouvelle pensée ») affilié au Front populaire d’Azerbaïdjan, un parti d’opposition ; du vice-président du Parti démocratique d’Azerbaïdjan, d’opposition, Natiq Efendiev ; et du directeur local du Parti national démocratique d’Azerbaïdjan et membre de la commission électorale Gadir Moussaïev. Parmi les préoccupations exprimées par Amnesty International figuraient les insuffisances présumées des soins dans le cas de Farhad Aliev, les allégations de torture ou autres mauvais traitements dans le cas de Rousslan Bachirli et Natiq Efendiev, la procédure judiciaire fermée du procès des « Yeni Fikir » et les allégations de fabrication d’éléments à charge dans l’affaire de Gadir Moussaev. Amnesty International a également reçu des informations sur l’existence d’autres affaires moins connues, comme celle des militants Younous Farajov et Sabir Bakhchaliev, arrêtés en novembre 2005 sous l’inculpation d’avoir organisé des troubles à grande échelle et conspiré pour renverser le gouvernement ; peu de renseignements ont été fournis sur leur lieu et conditions de détention.

Le droit à un procès équitable et à ne pas être soumis à la torture et autres traitements cruels, inhumains et dégradants constitue un droit humain fondamental, et Amnesty International demande à tous les États de respecter ces droits dans tous les cas et sans discrimination. Amnesty International estime que les inquiétudes exprimées dans ces affaires témoignent de problèmes plus généraux au sein du système judiciaire pénal azéri, liés à l’indépendance de ce système, à l’accès à une défense efficace et à l’usage de la torture ou d’autres mauvais traitements pour extorquer des aveux. En exprimant nos inquiétudes aux autorités azéries dans le cadre des affaires liées aux élections parlementaires de 2005, nous espérons promouvoir le respect et la mise en œuvre des droits humains et des normes internationales pour un procès équitable dans l’ensemble du système de justice pénale en Azerbaïdjan.
Dans l’affaire de Farhad Aliev, des organisations azéries de défense des droits humains ont demandé qu’il soit transféré à l’hôpital, pour y recevoir des soins médicaux appropriés. Le directeur du service de cardiologie au ministère de la Santé a confirmé que Farhad Aliev souffre de sténocardie (une forme d’angine de poitrine) et d’une insuffisance de la circulation sanguine (ischémie) ; Farhad Aliev aurait souffert d’un certain nombre d’attaques d’hypertension depuis son arrestation et sa mise en détention dans l’unité d’enquête et d’isolement du ministère de la Sécurité nationale. Amnesty International craint qu’il n’y ait guère eu d’enquête depuis l’arrestation de Farhad Aliev, ce qui impliquerait une détention prolongée pouvant avoir de graves répercussions sur sa santé, s’il ne reçoit pas des soins médicaux appropriés, dans un hôpital civil si nécessaire.

Amnesty International partage les inquiétudes exprimées par les organisations de défense des droits humains en Azerbaïdjan concernant les allégations de torture dans les affaires de Rousslan Bachirli et Natiq Efendiev, tous deux détenus à l’unité de lutte contre le crime organisé au ministère des Affaires intérieures, où les organisations azéries de défense des droits humains ont déjà signalé des cas de torture. Dans les deux cas, les inculpés ont été transférés à l’hôpital ; ils auraient subi des blessures des suites de torture et autres mauvais traitements. Amnesty International constate aussi avec inquiétude qu’aucun jury n’a été nommé dans leurs affaires, malgré l’obligation qu’en fait l’article 278 du Code pénal azéri (« actions visant à s’emparer du pouvoir ou à le conserver par la force »).

Dans l’affaire de Gadir Moussaïev, des organisations azéries de défense des droits humains estiment que des éléments à charge, sous la forme de stupéfiants, ont été placés sur la personne de l’accusé, afin d’obtenir sa condamnation. Dans l’affaire de Gadir Moussaïev, il s’agit de la deuxième fois en cinq mois où la condamnation est prononcée pour possession de drogues. Gadir Moussaïev a été condamné à sept ans d’emprisonnement par la Cour jugeant les crimes et délits sérieux, pour trafic de stupéfiants ; des organisations azéries de défense des droits humains estiment que son seul « crime » a été de refuser de signer des protocoles de résultat des élections qu’il estimait frauduleux.

Des organisations azéries de défense des droits humains, ainsi que des observateurs extérieurs, ont noté l’effet de « gel » des libertés d’expression, d’association et d’assemblée en Azerbaïdjan, dû aux arrestations et détentions après l’élection présidentielle d’octobre 2003 et l’élection parlementaire de 2005. Cet effet rend plausible l’assertion selon laquelle le gouvernement azéri, dans ces affaires, cherche à marginaliser l’opposition plutôt qu’à rendre la justice pénale. Indépendamment de l’éventuelle motivation politique des diverses inculpations mentionnées ci-dessus, Amnesty International demande instamment aux autorités azéries de faire en sorte que les personnes détenues dans le cadre des élections de 2005 aient un procès équitable, de donner un libre accès aux soins médicaux appropriés aux personnes qui en ont besoin, d’enquêter de manière approfondie sur toutes les allégations de torture ou autres mauvais traitements et d’octroyer des réparations aux victimes, d’enquêter sur les allégations de fabrication d’éléments à charge, et de libérer les personnes concernées si ces allégations se vérifient, et de créer un environnement approprié au fonctionnement d’un système judiciaire indépendant. Ce n’est qu’en démontrant sa volonté politique de prendre des mesures importantes pour s’acquitter de ses obligations internationales en matière de droits humains, que l’Azerbaïdjan obtiendra une certaine crédibilité en tant que membre du Conseil des droits humains des Nations unies nouvellement élu.

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