Des policiers ont déclaré avoir arrêté 60 manifestant·e·s le 19 octobre, et en avoir relâché 42 après leur avoir adressé une mise en garde officielle. Le 18 autres manifestant·e·s ont été maintenus en garde à vue dans des postes de police, avant de comparaître devant les tribunaux. Le Parti du front populaire d’Azerbaïdjan - un parti politique d’opposition qui était l’un des organisateurs de la manifestation - a déclaré qu’outre les personnes arrêtées lors de l’action de protestation, au moins 93 de ses membres avaient été appréhendés ou convoqués par la police avant le début du rassemblement, le 19 octobre.
Plusieurs vidéos diffusées sur les réseaux sociaux montrent des policiers recourant à la force contre des manifestant·e·s pacifiques, les traînant jusqu’à des voitures de police et, parfois, leur donnant des coups. Certains détenu·e·s, notamment le dirigeant d’opposition Ali Karimli, ont signalé qu’ils avaient été maltraités par la police en détention, après leur arrestation.
Avant la manifestation, les autorités azerbaïdjanaises ont refusé de proposer un lieu central pour le rassemblement d’opposition organisé par le Conseil national des forces démocratiques, une coalition des partis d’opposition en Azerbaïdjan. La police leur a indiqué que les manifestations seraient dispersées, et déclaré que l’interdiction du rassemblement dans le centre de Bakou avait pour but de « prévenir les atteintes à l’ordre public, les émeutes et la délinquance, et de protéger les droits et libertés d’autrui ». Le Conseil national a malgré tout décidé de manifester sur une place du centre de Bakou. Plus de 200 personnes ont participé.
Les manifestant·e·s ont demandé la libération de personnes détenues pour des motifs politiques, et réclamé la baisse du prix du gaz naturel et de l’électricité, entre autres choses. De nombreux manifestant·e·s ont scandé des slogans en faveur de la démission du gouvernement.
Le 20 octobre, la police a dispersé un rassemblement interdit de faible ampleur dans le centre de Bakou, organisé par des défenseur·e·s des droits des femmes, qui manifestaient contre la violence à l’égard des femmes en Azerbaïdjan. Selon les informations dont dispose Amnesty International, la police a arrêté quelques participant·e·s, qui ont tous été relâchés peu après. Certaines femmes appréhendées ont plus tard mis en ligne sur les réseaux sociaux des photos personnelles montrant les hématomes et autres blessures légères qui leur ont été occasionnés lors de l’opération de dispersion.
La manifestation a fait suite à une affaire retentissante de féminicide à Bakou en octobre, dans laquelle un homme a poignardé sa femme à de multiples reprises dans la rue, sous les yeux de leurs enfants. Les militant·e·s ont demandé la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). Avant l’événement, les autorités avaient refusé la permission sollicitée pour l’organisation de ce rassemblement, affirmant qu’il « ferait obstacle aux loisirs des habitants ».
La Constitution de l’Azerbaïdjan garantit le droit à la liberté de réunion pacifique ; cependant, les municipalités refusent souvent arbitrairement d’autoriser les manifestations pacifiques organisées par l’opposition, en particulier à Bakou. La police utilise fréquemment une force excessive et injustifiée pour disperser les manifestations pacifiques.
Les autorités de l’Azerbaïdjan doivent garantir le droit à la liberté de réunion pacifique, reconnu par la Constitution azerbaïdjanaise et les traités internationaux relatifs aux droits humains qu’a ratifiés ce pays. Les autorités doivent libérer immédiatement et sans condition tous les manifestant·e·s se trouvant toujours en détention après avoir été arrêtés pour avoir exercé leur droit à la liberté de réunion pacifique, et diligenter dans les meilleurs délais une enquête approfondie, indépendante et impartiale sur les allégations de violences policières.
Complément d’information
Amnesty International recense depuis longtemps des violations des droits humains en Azerbaïdjan. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique sont restreints de manière injustifiée, et un grand nombre de journalistes, de défenseur·e·s des droits humains et d’autres militant·e·s se retrouvent en butte à des manœuvres de harcèlement, à des poursuites iniques reposant sur de fausses accusations et à des détentions arbitraires à l’issue de procès inéquitables.
Ilham Aliev, le président azerbaïdjanais, a signé un décret le 16 mars 2019 afin de commémorer la fête du Nouvel an, Norouz, en graciant plus de 400 personnes, parmi lesquelles des jeunes militant·e·s et des figures politiques de l’opposition injustement incarcérés sur la base de charges forgées de toutes pièces. Des groupes locaux de défense des droits humains affirment cependant qu’au moins 74 autres militant·e·s, journalistes et politiciens de l’opposition se trouvent toujours derrière les barreaux. L’Azerbaïdjan conserve des lois répressives restreignant la capacité de la société civile à exister, notamment en fixant des frais d’enregistrement et des exigences en matière de financement qui sont prohibitifs pour les organisations non gouvernementales.
L’Azerbaïdjan reste fermé à toute évaluation sur le terrain des droits humains. Les observateurs internationaux spécialisés dans ce domaine, dont Amnesty International, ne sont toujours pas autorisés à se rendre dans le pays.