Communiqué de presse

Azerbaïdjan : l’un des organisateurs d’une manifestation a « disparu » dans un contexte de répression accrue contre l’opposition

La « disparition » de l’un des organisateurs d’une manifestation pacifique dénonçant le fait que plusieurs jeunes conscrits seraient morts à la suite d’un bizutage – cérémonie d’initiation violente – organisé par l’armée azerbaïdjanaise s’inscrit dans une vague de répression contre la dissidence, a déclaré Amnesty International lundi 11 mars.

Ilkin Rustamzade a été arrêté le 9 mars et on ne l’a pas revu depuis. Trois des co-organisateurs ont été interpellés avant la manifestation lors d’un coup monté par les policiers le 8 mars. Les policiers affirment avoir trouvé des stupéfiants et des engins incendiaires aux domiciles de Mahammad Azizov, Bakhtiyar Guliyev et Shahin Novruzlu.

Tous trois ont été contraints de lire des « aveux » préparés à l’avance et retransmis à la télévision d’État, ce qui laisse à craindre qu’ils n’aient été torturés. S’ils sont reconnus coupables, ils risquent de lourdes peines d’emprisonnement.

La manifestation pacifique, qui s’est déroulée samedi 9 mars à Bakou, capitale du pays, a été violemment interrompue par la police avec force balles en caoutchouc et canons à eau.

« La dispersion violente de cette manifestation pacifique s’inscrit dans les manœuvres des autorités visant à faire taire les dissidents à l’approche de l’élection présidentielle prévue en octobre », a indiqué David Diaz-Jogeix, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

Selon des organisations locales de défense des droits humains, un millier de personnes ont participé à la manifestation et 90 ont été arrêtées, malmenées et conduites dans des bus de la police ; des dizaines d’entre elles étaient encore en garde à vue le lundi 11 au matin.

Plusieurs manifestants ont été blessés à coups de matraques, durant leur interpellation ou leur garde à vue. L’un d’entre eux a eu la mâchoire déboitée après avoir reçu un coup de casque de police au visage.

« Il est scandaleux que les partenaires commerciaux internationaux de l’Azerbaïdjan, notamment l’Union européenne et les États-Unis, continuent de fermer les yeux tandis que ceux qui défendent leurs droits sont régulièrement victimes de violences", a estimé David Diaz-Jogeix.

«  Il est grand temps que la communauté internationale repense la manière dont elle interagit avec un gouvernement qui fait preuve d’un tel mépris envers ses obligations internationales. »

D’après des organisations locales, en 2012, au moins 70 membres de l’armée azerbaïdjanaise sont morts dans des situations de non-combat. Le service militaire est obligatoire en Azerbaïdjan, qui ne propose aucune forme de service civil.

Amnesty International estime que les charges retenues contre les organisateurs de la manifestation ont été forgées de toutes pièces, en représailles de leur rôle d’organisateur et en raison de leur appartenance au mouvement de jeunes NIDA, qui critique vertement le gouvernement et est farouchement attaché à la non-violence.

Le gouvernement azerbaïdjanais a fréquemment utilisé des charges liées à la possession de stupéfiants ou d’armes afin de réduire au silence les voix qui s’élèvent pour dénoncer sa politique dans le pays.

Deux des organisateurs, Mahammad Azizov et Bakhtiyar Guliyev, ont également fondé une page Facebook pour rendre un hommage parodique au feu président Gueïdar Aliev, père de l’actuel président Ilham Aliev. Ils ont posté de nombreux messages et dessins satiriques sur le président et sa famille.

Ceux qui osent critiquer la famille du président se retrouvent bien souvent dans le collimateur du gouvernement. Le musicien Jamal Ali a été torturé en 2012 après avoir proféré un juron à l’encontre de la mère du président ; la journaliste Khadija Ismayilova a fait l’objet d’un chantage utilisant une vidéo intime, après avoir enquêté sur l’implication de la famille du président dans des projets immobiliers liés à l’Eurovision.

« Les autorités doivent immédiatement informer la famille d’Ilkin Rustamzade de l’endroit où il se trouve et libérer les quatre organisateurs de la manifestation, ainsi que toutes les personnes détenues pour avoir pris part à une manifestation pacifique », a déclaré David Diaz-Jogeix.

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