« L’ampleur même de ce procès collectif est grotesque ; il est difficile de croire que la justice puisse avoir été rendue à l’issue d’une procédure équitable quand autant de personnes sont condamnées simultanément, a déclaré Lynn Maalouf, directrice des recherches pour le Moyen-Orient à Amnesty International.
« Ce jugement est l’un des plus sévères jamais prononcés et montre une nouvelle fois que les autorités bahreïnites n’ont aucun respect pour les normes internationales relatives à l’équité des procès.
« Le gouvernement de Bahreïn utilise la déchéance de nationalité – rendant ainsi de nombreux citoyens apatrides – et l’expulsion comme outils pour réprimer toutes les formes d’opposition, de dissidence et de militantisme.
« Priver arbitrairement des citoyens de leur nationalité, les rendre apatrides et les bannir en les forçant à quitter le pays est une violation du droit international.
« Les autorités de Bahreïn doivent immédiatement suspendre toutes les expulsions prévues, autoriser les personnes déjà expulsées à revenir dans le pays et rétablir leur nationalité. »
Ce procès concernant 138 personnes, dont 52 en leur absence, a débuté le 23 août 2016 et s’est appuyé au moins en partie sur des « aveux » arrachés sous la torture. La quatrième Haute Cour criminelle, siégeant à Manama, a condamné 53 prévenus à la réclusion à perpétuité, trois à 15 ans d’emprisonnement, un à 10 ans, 15 à sept ans, 37 à cinq ans, six à trois ans et acquitté les 23 autres. Amnesty International a mis en évidence un cas où des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont abouti à des « aveux ».
Depuis 2012, 718 personnes au total ont été déchues de leur nationalité bahreïnite, dont 231 en 2018 jusqu’à présent. Dans la plupart des cas, ces personnes se sont retrouvées apatrides. Certaines ont été ensuite expulsées de force de Bahreïn.
Tout individu déchu de sa nationalité doit rendre son passeport et ses papiers d’identité et demander une autorisation de séjour en tant qu’étranger, ou bien quitter le pays. Ceux qui n’ont pas obtenu de permis de séjour et sont restés à Bahreïn ont été inculpés de « séjour irrégulier » et ont fait l’objet d’un arrêté d’expulsion.
Complément d’information
L’article 10 de la Loi relative à la citoyenneté et ses amendements disposent que la nationalité peut être révoquée si une personne s’engage dans l’armée d’un pays étranger (paragraphe A), si elle aide un pays ennemi ou se met à son service (paragraphe B), ou si elle porte « atteinte à la sécurité nationale » (paragraphe C).
Ce dernier paragraphe est formulé en des termes trop vagues et ne définit pas clairement ce qui peut constituer une « atteinte à la sécurité nationale », si bien que les autorités peuvent s’en servir pour réprimer l’exercice légitime et pacifique des droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion au moyen de la déchéance de nationalité, même si une telle mesure rend des personnes apatrides.