Bahreïn. Inquiétudes après de récentes arrestations et des allégations de torture

Déclaration publique

Index AI : MDE 11/001/2009 (Public) -
ÉFAI

Amnesty International a adressé un courrier au gouvernement bahreïnite pour lui faire part de sa profonde inquiétude à propos de la détention continue de deux militants actifs du mouvement de l’opposition chiite et d’allégations concernant treize personnes arrêtées en décembre qui auraient subi des actes de torture et autres mauvais traitements avant que leurs « aveux » ne soient diffusés à la télévision.

À l ‘aube du 26 janvier 2009, Hassan Meshaima, soixante et un ans, dirigeant de l’association politique non autorisée al Haq, Abd al Jalil al Singace, porte-parole de la même association et Mohammad Habib al Muqdad, érudit religieux, ont été arrêtés chez eux par des agents de la sécurité et emmenés à la prison de Dry Dock à al Muharraq. Ils ont ensuite été interrogés pendant plusieurs heures en présence de leurs avocats et inculpés d’infractions en lien avec des actes terroristes. Abd al Jalil al Singace a été remis en liberté sous caution le 27 janvier, mais les deux autres hommes sont toujours détenus. Tous auraient réfuté les accusations portées contre eux.

Tous trois sont accusés, entre autres, d’avoir été parties prenantes à la création d’une association illégale en opposition avec la constitution bahreïnite et faisant appel au terrorisme pour atteindre ses objectifs, ce qui les rend passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité, selon l’article 6 de la Loi n°58 de 2006 relative au terrorisme. Les autres chefs d’inculpation, « incitation au renversement du régime et du système politique » et « incitation à la haine du régime » les rendent passibles de cinq et trois années d’emprisonnement respectivement, selon le Code pénal bahreïnite. Le 24 janvier, deux jours avant leur arrestation, tous les trois avaient été cités à comparaître devant le procureur général aux fins d’interrogatoire mais avaient refusé de se présenter, l’ordre de citation à comparaître ne mentionnant pas la raison de leur convocation, contrairement à ce qu’exige le Code de procédure pénale bahreïnite.

Les avocats des trois hommes ainsi que les articles parus dans la presse ont établi un lien entre leur arrestation et celle d’un groupe de jeunes hommes arrêtés le 15 décembre 2008 et aujourd’hui accusés de « terrorisme ». Le 28 décembre, presque deux semaines après leur arrestation, une chaîne de la télévision d’État avait diffusé une vidéo des « aveux » des treize détenus ; selon le commentaire, ils auraient participé à un « complot terroriste » et suivi une formation militaire en 2006 à al Hujaira, un quartier de Damas, la capitale syrienne. Toujours selon le commentaire, ils projetaient des attentats et des actes de sabotage et auraient désigné Hassan Meshaima et les deux autres hommes arrêtés le 26 janvier comme les instigateurs du complot. Les noms et photographies des treize accusés ainsi que leurs « aveux » ont été publiés dans plusieurs journaux bahreïnites après la diffusion de leurs aveux télévisés.

Dans sa lettre adressée au ministre bahreïnite de l’Intérieur, Cheikh Rashid bin Abdullah bin Ahmad al Khalifa, Amnesty International demande l’ouverture de toute urgence d’une enquête indépendante sur les allégations de torture qu’auraient subi les treize hommes arrêtés en décembre ; selon les informations dont nous disposons, les treize détenus auraient été soumis à des décharges électriques, battus, suspendus par les poignets pendant de longues périodes peu après leur arrestation et au cours de leur détention au secret au quartier général du bureau de la sécurité nationale à Manama. L’organisation demande que tout agent présumé responsable d’actes de torture ou autres graves atteintes aux droits humains soit transféré à la justice. Les détenus n’auraient été transférés à la prison de Dry Dock qu’après leurs « aveux ».

Dans sa lettre, Amnesty International s’interroge également sur la diffusion à la télévision des « aveux » filmés et affirme que cela porte atteinte à la présomption d’innocence et au droit des détenus à un procès équitable. Si les accusés comparaissent devant un tribunal, la Cour devra examiner attentivement l’impact de la diffusion et de toute autre publicité faite à l’affaire incriminant les accusés et se poser la question de savoir si cela ne rend pas impossible un procès équitable. De même, le tribunal devra estimer si des « aveux » pouvant constituer des éléments à charge pour les accusés ont été obtenus sous la torture ou la contrainte, auquel cas ils devraient être déclarés irrecevables.

Amnesty International demande que soient précisées très rapidement les raisons exactes de la détention continue de Hassan Meshaima et Mohammad Hamid al Muqdad. S’ils étaient détenus uniquement en raison de leurs activités politiques non violentes, notamment en raison de leurs critiques à l’égard du gouvernement, Amnesty International les considérerait comme des prisonniers d’opinion et demanderait leur remise en liberté immédiate et sans condition. L’organisation demande instamment que tous ces détenus soient traités humainement et puissent consulter régulièrement leurs avocats et leurs familles et avoir accès aux soins médicaux que requiert leur état, en particulier Hassan Meshaima qui serait diabétique et en mauvaise santé.

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