Bahreïn : une attaque contre la liberté d’expression

La condamnation de l’éminent défenseur des droits humains Nabeel Rajab à cinq ans d’emprisonnement mercredi 21 février 2018 pour avoir exprimé pacifiquement ses opinions en ligne est une illustration du mépris absolu dont font preuve les autorités bahreïnites à l’égard de la liberté d’expression, a déclaré Amnesty International.

Cet homme a été condamné pour des tweets qu’il avait mis en ligne en 2015 et pour avoir retweeté des allégations faisant état de torture dans la prison bahreïnite de Jaww, ainsi que d’homicides de civils commis par la coalition dirigée par l’Arabie saoudite dans le cadre du conflit au Yémen.

« La condamnation de Nabeel Rajab est un véritable camouflet pour la justice. Elle montre la détermination impitoyable des autorités à réprimer toutes les formes de dissidence et ne laisse aucun doute quant aux extrémités jusqu’auxquelles elles sont prêtes à aller pour réduire au silence les personnes qui les critiquent pacifiquement », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.


« Ce verdict honteux doit être annulé ; les autorités doivent par ailleurs abandonner toutes les charges qui pèsent encore sur Nabeel Rajab et le remettre en liberté. Il est absolument scandaleux qu’il doive passer cinq années supplémentaires en prison pour avoir simplement osé exprimer ses opinions en ligne. »

Nabeel Rajab, président du Centre bahreïnite des droits humains, est harcelé sans relâche pour son travail pacifique en faveur des droits humains et a été incarcéré à plusieurs reprises depuis 2012 pour diverses accusations liées à son action militante non violente. Il est sous le coup d’une interdiction de quitter le territoire depuis novembre 2014.

Nabeel Rajab est en détention depuis juin 2016 et purge actuellement une peine de deux ans de prison pour des interviews télévisées qu’il avait données en 2015 et en 2016. Le 15 janvier 2018, la Cour de cassation de Manama, la capitale de Bahreïn, a confirmé sa condamnation à deux ans d’emprisonnement pour avoir « diffusé des rumeurs et de fausses informations au sujet de la situation interne du royaume risquant de porter atteinte à son prestige et à son statut ».

Accusations en instance

Le 4 septembre 2016, une lettre ouverte a été publiée sous le nom de Nabeel Rajab dans la rubrique Opinions du New York Times. Ce texte décrivait la situation à Bahreïn et le procès de Nabeel Rajab, et demandait au gouvernement Obama d’user de son influence pour qu’une solution soit trouvée au conflit au Yémen.

Le lendemain, le parquet a interrogé Nabeel Rajab et l’a inculpé de « diffusion de fausses nouvelles et déclarations et de rumeurs malveillantes portant atteinte au prestige de l’État » en raison de cette publication. La date de son procès dans cette affaire n’a pas encore été arrêtée.

Le 19 décembre 2016, un article a été publié sous le nom de Nabeel Rajab dans Le Monde. Le surlendemain, Nabeel Rajab a été interrogé à la Direction des enquêtes criminelles et s’est vu reprocher d’avoir « diffusé de fausses nouvelles et déclarations et des rumeurs malveillantes portant atteinte au prestige de Bahreïn et des pays frères du Conseil de coopération du Golfe, et tenté de mettre en danger leurs relations ». Le parquet a été saisi de l’affaire mais on ignore si une inculpation officielle sera prononcée.

Le 12 septembre 2017, le parquet antiterroriste a interrogé Nabeel Rajab sur des commentaires et une image publiés en janvier 2017 sur des comptes de réseaux sociaux à son nom. Une image du roi de Bahreïn accompagnée d’un verset coranique demandant s’il croyait que « personne n’avait de pouvoir sur lui » a en effet été postée sur un compte Instagram au nom de Nabeel Rajab, et des tweets portant sur la non-coopération avec les institutions nationales, ainsi qu’un appel à manifester contre l’exécution de trois hommes en janvier 2017, ont été publiés sur son compte Twitter. Nabeel Rajab a rejeté les accusations d’« incitation à la haine contre le régime », d’« appel à la désobéissance aux lois » et de « diffusion de fausses informations » portées contre lui. L’affaire n’a pas encore été déférée à un tribunal mais pourrait l’être à tout moment.

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