Bahreïn. Le projet de loi anti-terrorisme menace les droits humains

Déclaration publique

MDE 11/003/2006

Amnesty International lance un appel au gouvernement du Bahreïn pour qu’il revoit son nouveau projet de loi anti-terrorisme. En l’état actuel, ce nouveau projet de loi affaiblit la protection des droits humains dans le pays.

La projet de loi, intitulé Protéger la société d’actes terroristes, a été approuvé par la Chambre des représentants (le parlement) et le Conseil (consultatif)de la Shura, dont les membres sont nommés, les 16 et 22 juillet 2006. Il doit maintenant être présenté à Sa Majesté le Sheikh Hamad bin Issa al Khalifa, roi du Bahreïn, pour ratification.

Le Comité des Nations unies contre la torture et le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ont exprimé la crainte que le projet de loi ne mette en danger l’exercice pacifique de droits fondamentaux. Amnesty International demande avec insistance au roi de faire procéder à un réexamen global du nouveau projet de loi , en tenant compte des observations suivantes :

La définition des actes de terrorisme donnée par le projet de loi est trop vaste

Amnesty International craint que certains des articles du projet de loi ne soient pas suffisamment précis quant à la définition du mot terrorisme. Cela affaiblit le principe de légalité des délits et des peines (qui exige que le droit pénal soit formulé de façon suffisamment claire et précise pour permettre à chacun de savoir ce qui constitue une infraction) et risque de faire de l’exercice pacifique des libertés d’expression, de réunion et d’association des infractions pénales. L’article 1, par exemple, inclut la « menace à l’unité nationale » dans les actes terroristes.
Comme l’a noté le 25 juillet 2006 le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, le projet de loi définit le terrorisme sans faire référence à une intention spécifique de causer la mort ou des blessures graves. Par exemple, l’article 6 du projet de loi rend passible de sanctions le fait de fournir hébergement ou nourriture à des personnes ayant elles-mêmes l’intention de provoquer des morts ou de faire des blessés graves ou d’agir à des fins terroristes.

Le projet de loi restreint la liberté d’association et de réunion

L’article 6 ne définit pas clairement ce qu’est une association ou une organisation terroriste, impliquant en quelque sorte que toute organisation politique opposée à la constitution bahreïnie est un organisme terroriste. Il définit également de façon très vague l’organisation terroriste comme une organisation visant à « empêcher des entreprises d’État ou autorités publiques d’exercer leur devoir » et cherchant à « nuire à l’unité nationale ». Cela pourrait placer des restrictions sur les activités de l’opposition politique et même des défenseurs des droits humains. Si l’article 6 prévoit que les personnes apportant une aide aux groupes terroristes ou les rejoignant ne seront sanctionnées que si elles « étaient au courant » des objectifs terroristes de l’organisation, cette disposition n’offrira qu’une protection insuffisante contre des procès à caractère politique et des condamnations douteuses, si ce qu’est un objectif terroriste n’a pas été défini.


Le projet de loi restreint la liberté d’expression

L’article 11 fait de la « promotion » d’actes terroristes et de la possession de documents faisant la promotion de tels actes une infraction pénale. Au vu de la définition très large correspondant aux actes terroristes dans le projet de loi, cette disposition restreint le droit à la liberté d’expression garanti en droit international, qui inclut la liberté de chercher, de recevoir et de répandre des informations par quelque moyen d’expression que ce soit.

Le projet de loi accorde au procureur général un pouvoir discrétionnaire excessif et augmente les risques de torture, mauvais traitements et détention arbitraire

L’article 27 permet de prolonger une détention avant inculpation sans le contrôle d’une autorité judiciaire. Il suffit d’un examen du dossier par le procureur général pour que les autorités ayant procédé à l’arrestation d’une personne obtiennent une prolongation du maintien en détention de cette personne au delà de cinq jours. Cette période peut être prolongée de dix autres jours. Le procureur général n’est pas une autorité judiciaire et ne dispose pas de l’indépendance requise pour être un frein à la détention arbitraire. En outre, l’article 28 du projet de loi autorise les services de sécurité à demander la prolongation de la détention avant inculpation (comme spécifié à l’article 27) sur la base d’éléments de preuve tenus secrets, auxquels le détenu n’a pas accès et qu’il ne peut contester.

Une période de quinze jours de détention sans qu’il y ait contrôle par une autorité judiciaire constitue une violation du droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Elle fait également courir un risque accrû de mauvais traitements ou d’actes de torture au détenu.

La question de la peine de mort et autres châtiments figurant dans le projet de loi

Amnesty International craint que le projet de loi ne donne aux tribunaux le pouvoir de prononcer des condamnations à mort, sans assurer aux personnes encourant la peine de mort le respect de garanties de procédure de base. L’organisation considère que la peine de mort viole le droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

En outre, Amnesty International considère que l’aggravation des sanctions, prévue à l’article 3, pose problème, compte tenu de la définition très vagues des infractions dans le projet de loi.

Il est particulièrement important que le Royaume du Bahreïn, membre du nouveau Conseil des droits de l’homme, respecte les normes les plus strictes en matière de promotion et de protection des droits humains et que cela se traduise dans sa législation nationale. Amnesty International demande donc instamment aux autorités du Bahreïn de procéder à un réexamen complet du projet de loi anti-terrorisme et de le mettre en conformité avec les normes internationales en matière de respect des droits humains.

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