Bahreïn. Un rapport critique venant d’être rendu public doit impulser un « tournant » sur le terrain des droits humains

Mercredi 23 novembre, Amnesty International a exhorté le gouvernement bahreïnite à engager des réformes essentielles, après qu’un rapport indépendant très complet rédigé par des experts internationaux eut condamné le recours à la torture et à une « force excessive » lors des actions de protestation de cette année.

Le rapport de la commission d’enquête indépendante de Bahreïn, rendu public le 23 novembre alors que Manama vient de nouveau d’être le théâtre de manifestations, se montre très critique quant à la réaction des autorités face aux manifestations en février et mars, et condamne également les autres violations commises dans les mois qui ont suivi.

Il couvre des centaines de cas d’abus et contient des recommandations sérieuses en faveur de la protection des droits humains et de la réalisation du droit des victimes à recevoir justice et réparations.

« Nous espérons que le gouvernement bahreïnite verra ce rapport historique comme un tournant dans sa manière de réagir aux violations des droits humains, et qu’il utilisera les recommandations émises pour jeter les bases d’une réforme ambitieuse », a déclaré Philip Luther, directeur adjoint du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International.

« Les violations systématiques dénoncées par la commission d’enquête – dont les arrestations de masse de manifestants pacifiques, le recours généralisé à la torture en détention et les dizaines de procès non conformes aux normes de militants et d’employés devant des tribunaux militaires – doivent être reléguées au passé et les autorités bahreïnites doivent pleinement instaurer l’état de droit et rendre justice aux victimes. »

Établie par un décret royal le 29 juin, la commission d’enquête indépendante de Bahreïn a recueilli environ 9 000 témoignages et interviewé quelque 5 000 personnes au sujet des violations perpétrées avant et après les actions de protestation de février et mars.

Des centaines de cas ont été examinés ; ils sont notamment en relation avec les coups infligés aux manifestants par les forces de sécurité, les arrestations arbitraires de masse de militants de l’opposition, en majorité chiites, et la torture généralisée, qui est à l’origine de cinq décès en détention. En tout, au moins 35 personnes sont mortes dans le contexte du mouvement de protestation, dont cinq membres des forces de sécurité.

Le rapport exhorte le gouvernement bahreïnite à : établir immédiatement un organe indépendant composé de représentants de la société civile, de l’opposition et du gouvernement ; surveiller la mise en œuvre des recommandations émises par la commission d’enquête ; initier des réformes législatives afin que les lois soient conformes aux normes internationales en matière de droits humains ; et amener les responsables présumés à rendre des comptes.

Le roi Hamad bin Isa Al Khalifa a réagi au rapport en jurant d’empêcher une redite des événements ayant fait suite aux manifestations de février et mars.

Dans une déclaration publiée lundi 21 novembre, le gouvernement bahreïnite a reconnu que les forces de sécurité étaient responsables de « cas de recours à une force excessive et de mauvais traitements sur des détenus ».

Il a annoncé de nouvelles initiatives, comme la criminalisation de la torture – ce qui mettrait le code pénal bahreïnite en conformité avec les normes internationales – et la création d’un organe national indépendant pour les droits humains.

Le gouvernement a également affirmé qu’il avait ouvert des poursuites contre des membres des forces de sécurité dans 20 affaires, sans fournir plus de détails, et qu’il créerait un fonds spécial pour l’indemnisation des victimes des affrontements entre forces de sécurité et manifestants.

« La désignation d’une commission d’enquête indépendante par le roi a été un épisode marquant, comme l’attestent les conclusions et recommandations de cette commission », a ajouté Philip Luther.

« Le véritable test sera la rapidité, l’ampleur et le sérieux de la mise en œuvre par le gouvernement des recommandations de la commission.

« En particulier, le gouvernement doit désormais rendre la justice, veiller à ce que les lois nationales protègent suffisamment les droits et travailler avec la société civile et les dirigeants de l’opposition afin de mettre en place un organe national réellement indépendant et efficace qui soit chargé d’effectuer un suivi de la situation des droits humains, selon un calendrier précis. »

Mardi 22 novembre, une coalition d’organisations de la société civile bahreïnite a publié son propre rapport critique sur les manifestations et ce qui a suivi.

Ce rapport demande par ailleurs aux soutiens internationaux de Bahreïn d’en faire davantage pour favoriser la réalisation des droits humains dans ce pays du Golfe.

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