Pour « fêter » ce triste anniversaire, les militant·es de l’organisation de défense des droits humains et Jewher Ilham se sont présenté·es devant l’ambassade avec 55 ballons de baudruche noirs. Ils et elles ont appuyé leur demande en déployant une bannière sur laquelle était inscrit : Free Ilham Tohti – China must end the decade of injustice. Enfin, les militant·es et Jewher Ilham ont déposé à l’ambassade les 7 955 signatures récoltées en Belgique francophone par une pétition en faveur d’Ilham Tohti.
« Voilà maintenant dix années qu’Ilham Tohti croupit en prison pour le simple fait d’avoir voulu pacifiquement mettre en lumière la discrimination systémique à laquelle est confrontée la population ouïghoure dans le Xinjiang. Dix années de séparation cruelle infligée à un père et sa famille, illustrant la répression féroce à laquelle se livrent les autorités chinoises envers toute voix qui s’écarte du seul récit qu’elles jugent valide à propos des personnes issues des populations ouïghoure, kazakhe ou d’autres groupes ethniques minoritaires discriminés », explique Philippe Givron, coordinateur Chine de la section belge francophone d’Amnesty International.
Ilham Tohti a été condamné à la réclusion à perpétuité le 23 septembre 2014 à l’issue d’un procès inique. Le gouvernement chinois l’a pris pour cible parce qu’il a pacifiquement plaidé en faveur du dialogue et de la conciliation entre le groupe ethnique ouïghour et les Hans, groupe ethnique majoritaire en Chine.
Pendant son incarcération, Ilham Tohti aurait été victime de torture et d’autres formes de mauvais traitements, notamment entravé au niveau des poignets et des chevilles, soumis à un isolement prolongé et privé de soins médicaux et de nourriture adéquats, en plus d’être soumis à un endoctrinement politique.
« En ce jour d’anniversaire d’Ilham Tohti, nous appelons avec force les autorités chinoises à le libérer immédiatement »
Sa fille Jewher Ilham fait campagne sans relâche en faveur de sa libération. Elle a déclaré à Amnesty International que les autorités chinoises avaient tenté de la réduire au silence en lui proposant de pouvoir communiquer avec son père, à condition qu’elle cesse tout plaidoyer public en sa faveur.
Sa dernière conversation avec son père, via Skype, alors qu’elle étudiait aux États-Unis, remonte au 14 janvier 2014, quelques heures à peine avant son arrestation à Pékin. La famille d’Ilham Tohti qui vit en Chine ne l’a pas revu depuis le printemps 2017, lorsque leurs visites trimestrielles à la prison se sont brutalement interrompues.
« En ce jour d’anniversaire d’Ilham Tohti, nous appelons avec force les autorités chinoises à le libérer immédiatement. Son cas est emblématique de la répression envers les minorités musulmanes ; en ligne avec les recommandations du rapport du Haut Commissairiat aux droits de l’homme sur la situation au Xinjiang paru en août 2022, nous demandons à la communauté internationale de prendre des mesures concrètes et d’intensifier la pression sur Pékin en vue de mettre un terme à toute discrimination et aux internements arbitraires pratiqués au Xinjiang », conclut Philippe Givron.
Complément d’information
Depuis 2017, de nombreuses informations ont été recueillies sur la répression qu’exerce la Chine contre les Ouïghour·e·s, les Kazakh·e·s et les autres populations ethniques à majorité musulmane dans le Xinjiang, sous couvert de lutte contre le terrorisme.
En 2021, Amnesty International a publié un rapport montrant que l’emprisonnement, la torture et la persécution – systématiques, de masse et organisés par l’État chinois – s’apparentaient à des crimes contre l’humanité.
En août 2022, un rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies sur la situation au Xinjiang a conclu que l’« ampleur de la détention arbitraire et discriminatoire de membres des Ouïghours et d’autres groupes à prédominance musulmane [...] peut constituer des crimes de droit international, en particulier des crimes contre l’humanité ».
En mars 2024, le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, a exhorté le gouvernement chinois à mettre en œuvre les recommandations de son bureau et d’autres organes de l’ONU, y compris celles du rapport de 2022. En août 2024, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a publié un communiqué de presse soulignant les lacunes flagrantes dans la mise en œuvre par la Chine des recommandations de l’ONU, déclarant que la plupart des lois et politiques qui posent problème sont toujours en vigueur.