« Les arrestations massives et la détention arbitraire de manifestant·e·s étudiants sont une chasse aux sorcières menée par les autorités pour faire taire toute personne osant défier le gouvernement et visent à perpétuer un climat de peur. Des informations laissent penser que ces arrestations sont entièrement motivées par des considérations politiques et constituent des représailles contre l’exercice des droits fondamentaux. Il est primordial que les autorités du Bangladesh respectent le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique, a déclaré Smriti Singh, directrice régionale pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Les autorités doivent veiller à ce que toutes les arrestations soient conformes aux garanties d’une procédure régulière et respectent pleinement le droit international relatif aux droits humains et les normes connexes, notamment, et sans s’y limiter, le droit à un procès libre et équitable, le droit d’être informé des motifs de l’arrestation et du lieu de détention, le droit d’être présenté sans délai devant un juge et celui d’avoir accès à une assistance juridique et d’entrer en contact avec ses proches.
« Les autorités doivent veiller à ce que les militant·e·s pacifiques ne soient pas poursuivis sur la base d’accusations forgées de toutes pièces en vue de les sanctionner pour leur participation aux manifestations. Manifester pacifiquement n’est pas un crime, et cette chasse aux sorcières doit cesser. »
Complément d’information
Vendredi 26 juillet 2024 dans l’après-midi, trois des coordinateurs des manifestations, Nahid Islam, Asif Mahmud et Abu Bakar Majumder, ont été arrêtés [1] par des policiers en civil alors qu’ils étaient soignés à l’hôpital Gonoshasthaya Nagar de Dacca, malgré la recommandation du personnel médical de ne pas emmener des patient·e·s en cours de traitement. Leurs téléphones portables ont été saisis. Trois autres coordinateurs et coordinatrices, Sarjis Alam, Hasnat Abdullah et Nusrat Tabassum, ont été arrêtés dans les deux jours qui ont suivi.
Le ministre de l’Intérieur du Bangladesh, Asaduzzaman Khan, a déclaré par la suite [2] que ces personnes avaient été placées en « détention pour leur sécurité ». Dimanche 28 juillet, dans un court message vidéo, les coordinateurs détenus par la police ont déclaré la fin des manifestations [3], en condamnant les morts, les violences et les incendies qu’elles avaient occasionnés.
Un autre chef de file du mouvement étudiant, Arif Soheil, a été arrêté le 27 juillet et le lieu où il se trouvait est resté indéterminé pendant près de 36 heures, avant que la section d’enquête de la police bangladaise ne confirme sa détention. Un tribunal a ordonné son placement en détention provisoire pendant six jours [4] en lien avec une attaque et un incendie volontaire contre l’immeuble Setu Bhavan, à Dacca, le 18 juillet. Pourtant, des membres d’organisations étudiantes affirment qu’Arif Soheil était avec eux à Jahangirnagar – à une heure de route – ce jour-là.
Selon des informations parues dans les médias [5], plus de 213 000 personnes, dont on ignore le nom pour la plupart, sont mises en cause dans quelque 200 affaires traitées par les postes de police de la capitale à la suite des violences liées aux récentes manifestations. Certaines sources indiquent que de nombreux responsables et militant·e·s de partis d’opposition ont également été arrêtés. La tactique consistant à accuser des personnes sans les nommer dans des procédures en cours permet aux forces de l’ordre d’arrêter qui elles veulent, comme l’a relevé précédemment Amnesty International.