Bangladesh : Attaques collectives et répression des manifestants

Les autorités bangladaises doivent traduire en justice les responsables d’une attaque collective contre des populations autochtones dans les Chittagong Hill Tracts (CHT), au cours de laquelle des centaines d’habitations ont été incendiées et au moins une personne a été tuée, a déclaré Amnesty International. L’organisation est également très préoccupée par des informations faisant état d’un recours à une force excessive par des soldats contre des manifestants pacifiques qui réclamaient justice après cette attaque, et de la présence de policiers et de soldats lors des premières attaques, qui ne seraient pas intervenus pour protéger les villageois autochtones.

Attaques collectives

Le matin du 2 juin 2017, un groupe de plus de 1 000 colons bengalis se sont rassemblés dans le sous-district de Langadu, dans l’est de la division de Chittagong. La foule, qui aurait été menée par des dirigeants de partis politiques locaux, a participé au cortège funèbre d’un homme bengali qui avait été retrouvé mort la veille. D’après certains colons, des Paharis (un peuple autochtone local) seraient responsables de sa mort.

Après le cortège, la foule a commencé à saccager plusieurs villages de la région et a incendié au moins 300 habitations appartenant à des autochtones, obligeant des centaines de personnes à se réfugier dans les forêts des alentours pour échapper à la violence. D’après des militants, au moins une personne – une femme de 70 ans – s’est retrouvée piégée dans sa maison et est morte brûlée. D’après certaines sources d’Amnesty International, la foule était armée de couteaux et de bâtons, et certaines personnes avaient amené de l’essence. Il s’agirait donc d’une attaque préméditée.

Bien que vers minuit, les autorités locales aient invoqué l’article 144 du Code de procédure pénale, qui interdit les rassemblements de plus de quatre personnes, la violence a continué pendant encore plusieurs heures. D’après certaines sources d’Amnesty International, des policiers et des militaires étaient présents pendant les attaques mais ne sont pas intervenus ou n’ont pas fait ce qu’il fallait pour protéger les habitations des familles autochtones.

Le 5 juin, la police avait arrêté 12 personnes liées à ces violences, et le gouvernement central a promis d’indemniser et d’aider ceux qui ont perdu leur logement. Ces mesures sont les bienvenues, mais le bilan des autorités bangladaises est déplorable lorsqu’il s’agit d’obliger les colons bengalis à rendre des comptes pour les violentes attaques menées contre les populations autochtones. Les responsables de ces attaques sont souvent autorisés à les mener en toute impunité. En février 2011, par exemple, lors d’un affrontement entre des colons bengalis et des Paharis de Langadu, 23 logements paharis ont été brûlés. Des villageois paharis ont déclaré que malgré leurs appels à l’aide, les forces de sécurité n’ont rien fait pour empêcher les attaques contre leurs villages. À la connaissance d’Amnesty International, aucun des responsables de cette attaque n’a eu à rendre des comptes.

Répression des manifestations

Amnesty International a également reçu des informations inquiétantes selon lesquelles des soldats continuent d’avoir recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques depuis les attaques. Le 4 juin, vers 11 h 30, un groupe de 50 à 60 personnes, en majorité des étudiants, s’est rassemblé dans le sous-district de Dighinala pour manifester contre les attaques collectives et pour demander que les responsables soient traduits en justice. La manifestation était pacifique mais elle a quand même été dispersée par des policiers et des militaires peu après avoir commencé.

Des soldats ont frappé et roué de coups certains manifestants à l’aide de bâtons, faisant au moins sept blessés légers d’après des témoins.

Ces actions s’apparentent à un recours excessif à la force par les soldats. Des vidéos des faits circulent sur les réseaux sociaux depuis dimanche.

Nitimoy Chakma et Jibon Chakma, deux des organisateurs de la manifestation, ont été arrêtés. Ils sont toujours détenus au poste de police de Dighinala, où ils sont interrogés à propos de plusieurs infractions, notamment des accusations de chantage et de tentative de meurtre. Cependant, ces accusations sont liées à des plaintes déposées contre eux il y a plusieurs mois par des colons bengalis, et elles n’ont aucun lien avec ces manifestations. Amnesty International pense que les deux hommes ont été arrêtés uniquement pour avoir exercé leur droit de manifester pacifiquement, et l’organisation demande leur libération immédiate.

Le droit à la liberté de réunion pacifique est inscrit dans des traités relatifs aux droits humains auxquels le Bangladesh est partie, notamment le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Ainsi, les représentants de l’État du Bangladesh ne doivent pas imposer de restrictions excessives ou arbitraires à l’exercice de ces droits.

Complément d’information

La région des Chittagong Hill Tracts, située dans le sud-est du Bangladesh, a connu un long conflit armé interne faisant suite aux revendications des Paharis, qui demandaient une autonomie accrue et la protection de leurs terres ancestrales. Les populations autochtones des Chittagong Hill Tracts se sont plaintes à de nombreuses reprises de l’occupation de terres qui leur appartiennent traditionnellement soit par l’armée, soit par des colons bengalis arrivés dans les années 1990 ou avant et qui bénéficient du financement de l’État.

L’accord de paix sur les Chittagong Hill Tracts de 1997 a mis en place une commission foncière destinée à régler ce genre de conflits fonciers, mais cette commission n’a depuis réglé aucun litige.

Dans un rapport de 2013, Amnesty International a démontré que les Paharis souffrent souvent de façon disproportionnée des affrontements violents liés à des conflits fonciers avec les colons bengalis. Des centaines de familles paharis se sont retrouvées sans abri ces dernières années, alors que les responsables des violentes attaques contre les populations autochtones sont rarement amenés à rendre des comptes. De plus, depuis 2015, les autorités bangladaises ont imposé des restrictions injustifiées aux journalistes et aux défenseurs des droits humains souhaitant se rendre dans la région pour enquêter sur les allégations de violations des droits humains.

Recommandations

Amnesty International appelle les autorités bangladaises à :

  diligenter une enquête approfondie, impartiale et indépendante sur ces attaques et en rendre les conclusions publiques ;
  veiller à ce que les auteurs présumés de ces actes soient jugés dans le cadre de procès équitables et transparents, excluant tout recours à la peine de mort ;
  condamner publiquement les attaques visant les membres des populations autochtones des Chittagong Hill Tracts et prendre des mesures efficaces afin d’empêcher de nouvelles attaques et d’assurer la protection des membres des populations autochtones ;
  veiller à ce que le droit à la liberté de réunion pacifique soit respecté et à ce que les forces de sécurité n’aient pas recours à une force excessive contre les manifestants ;
  enquêter sur les allégations de recours à une force excessive des membres des forces de sécurité contre les personnes manifestant contre la violence dans le sous-district de Langadu, et obliger les responsables à rendre des comptes.

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