Les autorités du Bangladesh doivent diligenter sans délai une enquête indépendante et impartiale sur le recours à la force de la police, après que 44 personnes au moins ont trouvé la mort dans de violents affrontements entre manifestants et forces de l’ordre, a déclaré Amnesty International.
Des dizaines de milliers de partisans du groupe islamiste Hefazat-e-Islam (les gardiens de l’Islam) sont descendus dans les rues de la capitale Dacca et d’autres villes du Bangladesh, le 5 mai et le 6 mai à l’aube.
Ils réclamaient l’adoption de lois religieuses plus strictes, particulièrement d’une loi sur le blasphème et de restrictions sur les droits des femmes, notamment sur leur droit de circuler librement.
Ces rassemblements ont dégénéré et les manifestants ont affronté les forces de police à Dacca.
« La confusion est totale quant à ce qui s’est réellement passé et ce qui a conduit à ce bilan meurtrier. Les autorités doivent sans délai ouvrir une enquête indépendante et impartiale sur ces événements, y compris sur le recours à la force par la police. Les responsables présumés doivent être traduits en justice », a estimé Polly Truscott, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International.
Sur les chaînes de télévision bangladaises, on a pu voir des manifestants en train d’attaquer la police, et d’incendier des bus, des voitures, des échoppes et des étals de livres.
Les policiers ont quant à eux utilisé des gaz lacrymogènes, des balles en caoutchouc et des balles réelles contre les manifestants.
Parmi les victimes, figurent au moins deux policiers et un membre des gardes-frontières bangladais (BGB).
Les circonstances dans lesquelles se sont déroulées les manifestations sont controversées : la police affirme que les violences ont éclaté le 5 mai lorsque des manifestants ont tenté de prendre d’assaut une barricade et se sont mis à lancer des pierres et des briques sur les policiers. L’opération menée par les forces de police aux premières heures du 6 mai a déclenché de nouveaux affrontements.
La police a confirmé la mort de quatre personnes le 5 mai, mais garde le silence quant au nombre de victimes du 6 mai. Selon les médias, 22 personnes au total sont mortes à Dacca durant ces deux journées. Les chiffres non officiels émanant des hôpitaux qu’Amnesty International a pu obtenir font également état de 22 morts.
En dehors de Dacca, les manifestations qui ont eu lieu dans les districts de Narayanganj, Bagerhat et Chittagong (Hathazari) le 6 mai ont fait au moins 22 morts.
Au total, Amnesty International a pu confirmer qu’au moins 41 civils et trois membres des forces de l’ordre sont morts dans le cadre des manifestations dans le pays les 5 et 6 mai.
Le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), parti d’opposition, affirme que plus de 1 000 personnes ont été tuées, allégation que dément le gouvernement.
« La situation est extrêmement explosive et de nouvelles violences risquent d’éclater. Tous les membres des forces de l’ordre doivent respecter les normes internationales relatives à l’application des lois et veiller à ne pas recourir à une force excessive dans le cadre des manifestations, a indiqué Polly Truscott.
« Ils ne doivent pas faire usage d’armes à feu contre des personnes, sauf en cas de légitime défense ou pour défendre des tiers contre une menace imminente de mort ou de blessure grave. Les armes à feu doivent être utilisées en dernier recours, et seulement lorsque des mesures moins extrêmes sont insuffisantes pour atteindre ces objectifs. »
Hefazat-e-Islam a appelé à une grève générale dans tout le pays le 12 mai ; la police a interdit tout rassemblement de plus de cinq personnes dans la capitale Dacca.
Hefazat-e-Islam est un mouvement religieux relativement récent, composé principalement d’étudiants et d’enseignants des madrasas (écoles coraniques).
La manifestation organisée le 5 mai était la deuxième d’une série de rassemblements destinés à faire valoir leurs revendications. La première manifestation, le 6 avril, était majoritairement pacifique. Hefazat-e-Islam a lancé sa deuxième protestation massive, baptisée « siège de Dacca », pour inciter le gouvernement à mettre en œuvre sa proposition en 13 requêtes, qui porte notamment sur l’adoption de lois sur le blasphème, sur la restriction du droit de circuler des femmes et sur l’application de la peine de mort pour les personnes déclarées coupables d’avoir insulté l’islam.