Bangladesh. Il faut des procès équitables pour que justice soit rendue aux victimes de la mutinerie

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

ÉFAI
 12 novembre 2009

Le gouvernement bangladais doit veiller à ce que justice soit rendue aux victimes de la mutinerie des Bangladesh Rifles de février 2009, en jugeant tous les responsables présumés dans le cadre de procès équitables, a déclaré Amnesty International dans un rapport publié ce jeudi 12 novembre 2009.

Looking for Justice : Mutineers on trial in Bangladesh présente des témoignages de proches des membres des Bangladesh Rifles accusés d’avoir pris part à la mutinerie. Selon ces déclarations, de très nombreux membres de ce groupe paramilitaire, probablement des centaines, ont été torturés en raison de leur implication présumée dans la mutinerie. Tous ou presque se sont vus refuser le droit de se faire assister par un avocat pendant des semaines, voire des mois.

Amnesty International condamne les exécutions illégales, les prises d’otages et les autres atteintes aux droits humains commises durant la mutinerie et demande que les responsables présumés soient jugés. Le gouvernement du Bangladesh a aujourd’hui l’occasion de rétablir la confiance dans l’état de droit, en veillant à ce que les tribunaux civils, qui jugeront les accusés, rendent justice.

« La mutinerie, très violente, a causé la mort de civils et de militaires tués dans des circonstances atroces. Il est essentiel que le gouvernement du Bangladesh traduise en justice les auteurs présumés de ces crimes, dans le respect du droit international », a estimé Abbas Faiz, chercheur pour le Bangladesh à Amnesty International.

Au lendemain de la mutinerie, des milliers de membres des Bangladesh Rifles ont été mis aux arrêts et privés de tout contact avec le monde extérieur. Bientôt des informations ont filtré, lorsque les familles ont commencé à rendre visite aux détenus, selon lesquelles nombre d’entre eux, sans doute des centaines, avaient subi des actes de torture et d’autres violences en raison de leur implication présumée dans la mutinerie.

Le rapport d’Amnesty International, Looking for justice : Mutineers on trial in Bangladesh, rend compte des méthodes de torture employées, notamment la privation de sommeil pendant plusieurs jours, les passages à tabac, l’utilisation de tenailles pour broyer les testicules, l’insertion d’aiguilles sous les ongles et les décharges électriques.

« Les allégations de torture qu’a reçues Amnesty International font écho aux informations déjà recueillies sur les tortures et mauvais traitements infligés aux prisonniers au Bangladesh. Les autorités ne peuvent se contenter de nier l’existence de la torture. Elles doivent se soumettre à une plus grande obligation de rendre des comptes sur cette question », a déclaré Abbas Faiz.

Au moins 20 membres des Bangladesh Rifles sont morts en détention sur la seule période du 9 mars au 6 mai 2009. Selon les Bangladesh Rifles, quatre se sont suicidés, sept ont succombé à une crise cardiaque et neuf sont morts des suites de maladies. Au 10 octobre 2009, le nombre total de membres des Bangladesh Rifles morts en détention s’élevait à 48.

Amnesty International salue la clarification apportée par la Cour suprême, qui a estimé que les cours martiales militaires n’avaient pas compétence pour juger les membres des Bangladesh Rifles accusés de tueries et d’autres infractions pénales commis en lien avec la mutinerie de février 2009.

Le gouvernement doit également repenser sa décision de recourir à des tribunaux menant des procès rapides, le délai imparti par ces instances pour faire aboutir les procédures risquant d’engendrer des erreurs judiciaires.

Amnesty International exhorte le gouvernement du Bangladesh à mettre en œuvre les recommandations suivantes :

– traduire en justice les auteurs présumés de crimes dans le cadre de procès conformes aux normes internationalement reconnues d’équité, qui garantissent notamment le droit de recevoir la visite de ses proches et de consulter un avocat ;
– enquêter sur toutes les allégations de torture et juger les responsables présumés dans le cadre de procès équitables. Amnesty International est opposée à la peine de mort en toutes circonstances, quelle que soit la nature du crime, et engage les autorités du Bangladesh à ne pas requérir ce châtiment ;
– évaluer les moyens dont dispose le système judiciaire et, si nécessaire, solliciter l’assistance des organismes internationaux concernés, afin de veiller à ce que le système de justice pénale dispose des compétences et ressources nécessaires et que les juges soient dûment formés pour mener à bien les procès d’un si grand nombre de membres des Bangladesh Rifles, dans le respect des normes internationales d’équité ;
– ratifier le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, et désigner ou mettre sur pied des mécanismes nationaux de prévention, dans le droit fil de ce Protocole.

Complément d’information

La mutinerie de grande ampleur qui a éclaté au siège des Bangladesh Rifles, à Dhaka, le 25 février 2009, a fait craindre l’imminence d’un coup d’État de ce groupe paramilitaire et une possible contre-offensive violente de l’armée. Les mutins ont tué au moins 74 personnes, dont six civils (trois femmes et trois hommes), et 57 officiers appelés en renfort pour servir en tant que commandants au sein des Bangladesh Rifles, un soldat et neuf jawans (jeunes recrues du groupe). Des milliers de membres des Bangladesh Rifles accusés d’avoir commis ces homicides sont placés en détention en instance de jugement.

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