Sur cette vidéo postée sur les réseaux sociaux le 4 octobre, on peut voir une femme en train d’être entièrement déshabillée, puis giflée et rouée de coups de pied et de poing par un groupe de cinq hommes pendant près d’une demi-heure. L’agression, qui a été filmée du début à la fin et se serait déroulée le 2 septembre, est le dernier épisode de la vague de violence qui touche les femmes dans le pays.
« Ces images choquantes témoignent de la violence que les femmes endurent de manière courante au Bangladesh. Dans l’immense majorité des cas, le système judiciaire n’amène pas les responsables à rendre des comptes, a déclaré Sultan Mohammed Zakaria, chercheur sur l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Il n’y a aucune excuse. Une enquête impartiale et approfondie doit être ouverte immédiatement et tous les auteurs présumés de cette agression brutale doivent être traduits en justice dans le cadre de procès équitables, sans recourir à la peine de mort. »
D’après les chiffres du centre One Stop Crisis du gouvernement, entre 2001 et juillet 2020, seuls 3,56 % des cas enregistrés au titre de la Loi du Bangladesh sur la prévention de l’oppression contre les femmes et les enfants (2000) ont débouché sur un jugement du tribunal et seuls 0,37 % des cas sur une condamnation. L’organisation locale de défense des droits des femmes Naripokkho a examiné les cas de viols signalés dans six districts entre 2011 et 2018 et a conclu que sur 4 732 cas, seules cinq personnes ont été condamnées. Selon l’organisation locale de défense des droits humains Ain-o-Salish Kendra (ASK), entre janvier et septembre 2020, au moins 975 cas de viols ont été signalés au Bangladesh, dont 208 viols collectifs.
« Ces images choquantes témoignent de la violence que les femmes endurent de manière courante au Bangladesh. Dans l’immense majorité des cas, le système judiciaire n’amène pas les responsables à rendre des comptes »
Pour les organisations de défense des droits humains et la société civile locale, c’est le système pénal défaillant, sapé par les procédures d’enquête médiocres et la gestion des preuves lacunaire, qui explique ce taux de condamnations terriblement bas. L’incapacité persistante à protéger les victimes et les témoins est aussi une source majeure d’inquiétude, les femmes craignant d’être stigmatisées et ne se sentant pas en sécurité lorsqu’elles dénoncent les crimes qu’elles ont subis.
D’après les medias locaux, le 25 septembre, une autre femme aurait été victime d’un viol collectif par un groupe de sept hommes affiliés à la branche étudiante de la Ligue Awami, le parti au pouvoir, dans le quartier du MC College, à Sylhet, dans le nord-est du pays. Cette femme visitait le secteur avec son époux, lorsque les sept hommes les ont semble-t-il attaqués, ont traîné la femme dans un dortoir avant de l’attacher et de la violer collectivement ; son mari a été roué de coups. Les accusés ont tous été interpellés par la police locale et font l’objet d’investigations.
En raison du tollé suscité par la publication en ligne de la vidéo de l’agression à Noakhali, des militant·e·s politiques et de la société civile, et des défenseur·e·s des droits humains ont organisé une manifestation dans la capitale Dacca, le 5 octobre 2020.
« Les femmes au Bangladesh sont trahies par une justice pénale qui les expose à des risques accrus. Une réforme doit être mise en œuvre sans attendre afin d’améliorer la manière dont les enquêtes sont menées sur ces affaires, de soutenir et protéger les victimes et les témoins, et d’accélérer les procédures judiciaires d’une lenteur affligeante », a déclaré Sultan Mohammed Zakaria.