BANGLADESH : L’impunité pour l’armée est inacceptable

Index AI : ASA 13/005/2003

Amnesty International craint vivement que la récente décision du gouvernement bangladais de promulguer une « ordonnance d’amnistie » ne conduise à un climat d’impunité dans le pays. Cette ordonnance confère l’immunité des poursuites aux membres des forces armées impliqués dans « tout accident, toute atteinte à la vie ou à la propriété, toute violation des droits, tout dommage physique ou mental » intervenus entre le 16 octobre 2002 et le 9 janvier 2003.
« Il s’agit de violations graves des droits humains qu’il ne faut en aucun cas avaliser, a déclaré Amnesty international ce vendredi 17 janvier 2003.
« Entre octobre et janvier, au moins quarante personnes sont mortes à la suite de leur arrestation et des tortures qu’elles auraient subies alors qu’elles étaient détenues par les militaires. Cette ordonnance signifie qu’aucun membre des forces armées ne pourra faire l’objet d’une enquête ou être traduit en justice pour ces morts. Cela est inacceptable, a déclaré l’organisation de défense des droits humains.
« La torture va à l’encontre des meilleurs aspects de la culture de ce pays. Elle en ternit l’image », a ajouté Amnesty International.
Par cette ordonnance, le gouvernement du Bangladesh signifie sa volonté de ne pas respecter ses obligations, au titre de la Convention contre la Torture et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de respecter les droits du peuple bangladais et de les faire appliquer. Cette ordonnance prive les victimes de tortures et d’homicides illégaux, et leurs familles, du droit à réparation et du droit à la vérité et à la justice qui leur est dû.
Amnesty International appelle tous les gouvernements à abroger toute disposition qui accorderait l’impunité à ceux qui violent les droits humains. La torture est universellement condamnée et interdite en toutes circonstances en droit international.
Le gouvernement du Bangladesh est appelé à retirer cette ordonnance et à ne pas la soumettre pour débat au Parlement. Si cette ordonnance est soumise au Parlement le 26 janvier, Amnesty International espère que les parlementaires répondront à cette attaque envers les droits humains en s’abstenant de lui donner force de loi.
Amnesty International continue d’appeler le gouvernement bangladais à mettre en place une autorité indépendante, impartiale et compétente pour enquêter sur toutes les morts qui seraient imputables à la torture, ainsi que sur les allégations de torture de personnes en détention, et à traduire en justice les personnes soupçonnées d’être responsables de ces actes, quels que soient leur rang et leurs fonctions.
Complément d’information
L’opération « Cœur Pur », qui a commencé le 17 octobre, est une campagne de lutte contre la criminalité menée par l’armée. C’est la réponse du gouvernement aux préoccupations croissantes du pays et de la communauté internationale face à la détérioration constante de l’ordre public (augmentation des infractions, meurtres, viols et agressions à l’acide).
Toutefois, les allégations de torture de personnes détenues par l’armée au cours de cette opération se sont multipliées. Au moins quarante hommes sont morts après avoir été arrêtés par des militaires. Le gouvernement a déclaré que ces morts étaient dues à des défaillances cardiaques, mais, selon les familles, les victimes ont été torturées à mort. Le 9 janvier, le président a promulgué The Joint Drive Indemnity Ordinance 2003 (ordonnance d’amnistie pour la campagne conjointe 2003) qui accorde l’impunité aux « membres des forces armées et à toute personne qui aurait été amenée à exercer des responsabilités dans le cadre de l’aide à l’administration civile pendant la période s’étendant du 16 octobre 2002 au 9 janvier 2003 ». Selon cette ordonnance, aucune procédure civile ou pénale ne peut être engagée à l’encontre des « forces disciplinaires » ou agents de l’État pour « arrestation, opération de commando, interrogatoire et [autres] mesures prises » durant cette période.
Selon la presse du 9 janvier, le ministre des Lois, de la Justice et des Affaires parlementaires a déclaré à des journalistes que « le gouvernement regrette ces décès, mais qu’il n’avait pas d’autre solution pour récompenser les soldats qui avaient aidé les autorités à restaurer la loi et l’ordre. »
Le gouvernement cherche, semble-t-il, à présenter l’ordonnance au Parlement le 26 janvier sous forme de proposition de loi.

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