Bangladesh. Les droits humains menacés tandis que la tension monte à l’approche des élections

Déclaration publique

ASA 13/001/2007

Amnesty International s’inquiète de la menace grandissante que fait peser sur les droits humains au Bangladesh la crise politique dans laquelle le pays est en train de s’enliser. Un appel national à la grève a été lancé par une alliance d’anciens partis de l’opposition dirigée par la Ligue Awami  ; des informations font état d’un recours excessif à la force par la police et par l’armée ; depuis le 7 janvier, plus de 200 personnes auraient été blessées, certaines d’entre elles gravement, dans des heurts entre la police, l’armée et les manifestants.

Le 3 janvier, l’alliance de l’opposition menée par la Ligue Awami a annoncé qu’elle boycotterait les élections législatives prévues le 22 janvier. L’alliance accuse le gouvernement intérimaire actuel, chargé de superviser l’organisation et le déroulement des élections, de privilégier le Bangladesh Nationalist Party (BNP, Parti nationaliste du Bangladesh), principal parti dans l’ancienne coalition au pouvoir. L’alliance de l’opposition demande la démission du chef du gouvernement de transition, une réforme des listes électorales existantes et le report de la date du scrutin. La Ligue Awami envisagerait un mouvement de grève le jour des élections.

Le BNP de son côté a fait part de sa confiance dans le gouvernement de transition et veut que les élections aient lieu à la date prévue, même sans la participation des partis qui auront appelé au boycott des urnes.

La ligne de fracture entre les principaux partis politiques continue de s’élargir, aucune solution n’ayant été trouvée pour aplanir les différences. Beaucoup craignent que les affrontements violents entre partisans des partis rivaux ne dégénèrent et ne se traduisent par de nouvelles pertes en vies humaines, des blessés graves et des dégâts matériels.

Des dizaines de personnes auraient été tuées et des centaines d’autres blessées lors des affrontements violents qui ont opposé militants de l’opposition et partisans de l’ancienne alliance au pouvoir ces deux derniers mois. La plupart des auteurs de ces violences seraient des militants du BNP et de la Ligue Awami. Toutefois, aucun des deux partis n’a condamné les violences perpétrées par ses membres, en rejetant le plus souvent la responsabilité sur ses adversaires.

Le gouvernement de transition a fait savoir que, selon la Constitution, des élections doivent se tenir dans un délai de quatre-vingt-dix jours à compter du 28 octobre 2006, date de dissolution du précédent parlement. Le gouvernement de transition a déployé l’armée et lui a conféré des pouvoirs élargis en matière d’arrestation et de détention afin d’être sûr que les élections pourront avoir lieu le 22 janvier.

Amnesty International craint que les clauses garantissant le respect des droits humains par les membres des forces de l’ordre et de l’armée lors d’actions de répression visant les membres de l’alliance d’opposition ne soient, dans le contexte actuel, particulièrement insuffisantes. À diverses reprises, des policiers et des militaires ont fait un recours excessif et inutile à la force, frappant à coups de bâtons des militants de l’opposition qui, pour la majorité, manifestaient de manière pacifique selon les informations dont nous disposons. Lors de quelques manifestations, des militants de l’opposition ont aussi fait usage de bâtons, certains auraient jeté des briques et des bombes incendiaires sur les policiers. Les forces de l’ordre ont répliqué à coups de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc.

Amnesty International reconnaît qu’il est de la responsabilité du gouvernement d’assurer la loi et l’ordre. L’organisation demande toutefois instamment aux membres des forces de sécurité de respecter les droits humains, de n’avoir recours à la force que de manière proportionnelle et seulement lorsque cela est strictement nécessaire. Amnesty International craint également que les pouvoirs élargis accordés à l’armée en matière d’arrestation et de détention n’amènent les forces armées, comme cela s’est déjà produit dans le passé, à commettre de graves atteintes aux droits humains. L’impunité accordée aux auteurs d’atteintes aux droits humains dans le cadre d’opérations de rétablissement de l’ordre public constitue un sujet de préoccupation important en ce qui concerne le pays.

En dépit de l’implication présumée de membres des forces armées dans le recours excessif à la force, les exécutions extrajudiciaires et des actes de torture au cours de précédents déploiements, aucun militaire n’a eu à rendre compte de ses actes devant la justice à notre connaissance. Amnesty International s’inquiète de constater que les gouvernements successifs semblent avoir fait en sorte d’assurer l’impunité aux membres des forces armées. Fin 2002, par exemple, plus d’une quarantaine d’hommes seraient morts sous la torture après avoir été arrêtés par l’armée. Plutôt que d’enquêter sur ces morts et de traduire en justice les responsables présumés, le gouvernement d’alors a accordé aux militaires une immunité juridique les mettant à l’abri de toutes poursuites.

Dans l’atmosphère actuelle de tension politique qui règne dans le pays, Amnesty International considère qu’il est impératif que tous les partis politiques et le gouvernement de transition veillent ensemble à la protection des droits humains de toutes les personnes – quelles que soient leurs convictions politiques.

Amnesty International demande instamment au gouvernement de transition de déclarer clairement, de toute urgence, que militaires et policiers à tous les niveaux seront tenus personnellement responsables de leurs actions et omissions et qu’ils auront à rendre des comptes. Le gouvernement doit faire en sorte qu’en aucune circonstance des membres des forces armées ou de la police se voient accorder l’impunité pour des atteintes aux droits humains commises lors de l’actuel déploiement de ces forces.

Amnesty International s’inquiète de voir le droit de participer à la vie politique mis en danger par une violence qui engendre de graves atteintes aux droits humains. L’organisation demande instamment aux dirigeants de tous les partis politiques de condamner avec force cette violence, de traiter sérieusement la question de l’implication de certains de leurs membres dans des actes de violence et de veiller à ce que les auteurs présumés de tels actes soient poursuivis en justice et jugés lors de procès répondant aux normes internationales d’équité des procès. 

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