Selon des informations parues dans les médias locaux, le gouvernement bangladais a achevé les préparatifs pour la réinstallation ce mois-ci de 300 à 400 personnes réfugiées rohingyas sur l’îlot limoneux de Bhashan Char « sur la base du volontariat ». Les réfugié·e·s rohingyas interrogés par Amnesty International en novembre ont déclaré que des fonctionnaires chargés de la gestion des camps de personnes réfugiées à Cox’s Bazar les ont contraints à s’enregistrer pour cette relocalisation.
Amnesty International a obtenu une liste partielle des familles rohingyas enregistrées pour une relocalisation sur l’îlot de Bhashan Char, où plus de 300 réfugié·e·s rohingyas vivent déjà, dans des conditions déplorables.
« Mis à part le fait que l’ONU n’a pas encore déclaré que Bhashan Char est un endroit sûr pour l’habitat humain, cette procédure de relocation est très problématique. Un grand nombre des Rohingyas avec qui nous avons parlé n’ont pas donné leur consentement entier et éclairé pour une installation sur une île dont ils ne savent rien, a déclaré Omar Waraich, directeur pour l’Asie du Sud à Amnesty International.
« Toute décision relative à la relocalisation de réfugié·e·s doit être transparente et impliquer la volonté pleine et entière des Rohingyas. Tant que cette condition n’est pas remplie, tous les projets de relocalisation doivent être abandonnés. Les autorités bangladaises doivent laisser l’ONU évaluer l’habitabilité de Bhashan Char et renvoyer immédiatement auprès de leurs familles à Cox’s Bazar les centaines de réfugié·e·s rohingyas qui se trouve actuellement sur cet îlot. »
Une femme rohingya figurant sur la liste a dit à Amnesty International qu’elle s’est inscrite pour aller sur cet îlot parce que son mari s’y trouve déjà. En raison de sa situation de parent isolé avec un jeune enfant, sans autres membres de sa famille dans le camp, elle est confrontée à de nombreux problèmes. « Cette vie de réfugiée est très difficile. Je n’ai pas le choix. Je pense que le gouvernement ne laissera jamais mon mari quitter cette île », a-t-elle expliqué.
Deux familles rohingyas ont été inscrites sur la liste pour la relocalisation après avoir signalé que leurs abris étaient partiellement endommagés au majhi – personne qui dirige la communauté rohingya, choisie par les autorités bangladaises dans la plupart des camps – et aux fonctionnaires qui gèrent les camps de personnes réfugiées. Au lieu de faire réparer leurs abris, les autorités leur ont dit qu’elles devaient déménager à Bhashan Char.
« Toute décision relative à la relocalisation de réfugié·e·s doit être transparente et impliquer la volonté pleine et entière des Rohingyas. Tant que cette condition n’est pas remplie, tous les projets de relocalisation doivent être abandonnés. »
« J’ai de nombreuses fois demandé aux ONG et au CIC (l’autorité du camp) de m’aider à réparer mon abri. Il est toujours compliqué pour nous de rester dans cet abri. On ne m’aide pas à m’installer ailleurs dans le camp ou dans un autre camp », a déclaré un chef de famille rohingya. Le majhi principal dans son camp lui a dit que les dettes qu’il a accumulées pour nourrir sa famille et payer le traitement médical de sa femme seront effacées s’il accepte la relocalisation. « J’ai décidé de m’inscrire pour la relocalisation parce que je n’ai pas le choix », a-t-il expliqué.
Un membre d’une des familles inscrites a dit s’être enregistré pour la relocalisation sur l’île en 2019, après avoir été privé de l’aide de secours par le majhi de son camp. « Je voulais m’installer sur cette île à l’époque pour échapper à une société où certaines personnes puissantes exercent une discrimination contre les pauvres. Les majhis abusaient de leur pouvoir contre moi. Mais ce problème est maintenant réglé », a déclaré ce chef d’une famille composée de cinq membres âgé de 33 ans qui pense que le gouvernement ne forcera personne à s’installer sur cette île. Il figure sur la liste qui a été préparée ce mois-ci par le fonctionnaire qui gère le camp de réfugié·e·s.
Un majhi principal a dit à Amnesty International que les fonctionnaires qui gèrent le camp font pression sur eux pour qu’ils leur fournissent des listes de réfugié·e·s pour la relocalisation.
« Au vu de ce qui est arrivé aux personnes avec qui Amnesty International a parlé, un grand nombre de Rohingyas qui se sont inscrits pour la relocalisation à Bhashan Char l’ont fait parce qu’ils y ont été contraints et non par choix, a déclaré Omar Waraich.
« Le Bangladesh a fait preuve d’une immense générosité en accueillant près d’un million de réfugié·e·s rohingyas. Plutôt que des relocalisations menées à la hâte qui entraînent des incertitudes aussi bien pour le Bangladesh que pour les Rohingyas, cette situation qui perdure nécessite que les autorités locales, la communauté internationale et la communauté rohingya travaillent main dans la main pour trouver une solution viable et durable. »
Amnesty International demande également un accès sans entrave à Bhashan Char pour les organisations humanitaires et de défense des droits, afin qu’elles puissent réaliser une évaluation indépendante de la situation.
« Le Bangladesh a fait preuve d’une immense générosité en accueillant près d’un million de réfugié·e·s rohingyas. Plutôt que des relocalisations menées à la hâte qui entraînent des incertitudes aussi bien pour le Bangladesh que pour les Rohingyas, cette situation qui perdure nécessite que les autorités locales, la communauté internationale et la communauté rohingya travaillent main dans la main pour trouver une solution viable et durable. »
Contexte
Amnesty International a interviewé cinq personnes qui représentent 23 réfugié·e·s membres de leurs familles inscrits sur la liste pour la relocalisation.
En septembre 2020, Amnesty International a publié le rapport ‘Let Us Speak for our Rights’, qui expose les répercussions de l’exclusion des prises de décision sur les droits humains des réfugié·e·s rohingyas. Ce rapport comprend une partie consacrée aux conditions de vie des Rohingyas à Bhashan Char.
L’évaluation technique et en matière de protection menée par l’ONU, en instance depuis novembre 2019, vise à évaluer « la sécurité et la viabilité » de cette île, « la sûreté et la sécurité » du personnel humanitaire, « la protection » des droits humains des réfugié·e·s, les possibilités de « modes de subsistance durables », ainsi que la « logistique et l’accessibilité » en ce qui concerne la nourriture et les fournitures.