Beaucoup reste à faire pour les femmes réfugiées

Les gouvernements doivent de toute urgence fournir une meilleure protection aux femmes et filles réfugiées, ainsi qu’aux personnes LGBTI réfugiées, qui sont en butte à de nombreuses violences sexuelles et liées au genre à chaque étape de leur périple.

« Imaginez : vous vivez dans un camp de réfugiés, où vous avez trop peur pour aller aux toilettes et où vous êtes victime de harcèlement sexuel chaque jour dans le pays d’accueil en raison de votre genre ou de votre identité. Cette réalité terrifiante, c’est celle que vivent à travers le monde des centaines de milliers de réfugiées, femmes, filles et personnes LGBTI, et l’inaction des gouvernements des pays riches la fait perdurer, a déclaré Catherine Murphy, directrice par intérim du programme Genre, sexualité et identité à Amnesty International.

« Nous exhortons les gouvernements du monde entier à mettre en œuvre leurs obligations légales afin d’éliminer les violences fondées sur le genre. Pour cela, ils doivent prendre des mesures ciblées, notamment garantir que la police assure un environnement sûr et confidentiel aux réfugiées, pour qu’elles puissent signaler de tels actes de violence.

« Il est vital également que la communauté internationale se mobilise afin de partager la responsabilité en matière de protection des réfugiés, en augmentant de manière significative le nombre de places de réinstallation offertes à ceux qui ont un besoin criant de protection. La pauvreté et l’insécurité dans lesquelles de nombreuses personnes réfugiées se retrouvent dans des pays comme le Liban et la Libye accroissent le risque d’exploitation sexuelle et de violence fondée sur le genre. »

De dangereux périples

Les réfugiés et les migrants en transit sont particulièrement exposés aux violations de leurs droits, notamment aux violences et à la traite des êtres humains. Les femmes, les filles et les personnes LGBTI sont en butte à des menaces spécifiques comme le harcèlement sexuel, le viol et d’autres formes de violence liée au genre, ce qui renforce la nécessité d’établir des itinéraires sûrs et légaux.

En 2016, des réfugiées et des migrantes d’Afrique subsaharienne qui étaient passées par la Libye ont raconté à Amnesty International que le viol était tellement courant lors des voyages aux mains des passeurs qu’elles avaient pris des pilules contraceptives avant de partir pour ne pas risquer de tomber enceintes si elles se faisaient violer.

En outre, on constate que la violence liée au genre est de plus en plus l’une des causes qui contraignent les femmes et les personnes LGTBI à fuir leurs pays d’origine en quête de protection dans d’autres États. Patricia* [son nom a été modifié], femme transgenre de 32 ans, a raconté à Amnesty International le harcèlement et la persécution qu’elle a subis au Salvador :

« Des policiers m’ont suivie, m’ont extorqué de l’argent, et m’ont harcelée et frappée. Ils disaient qu’ils ne m’aimaient pas à cause de " ce que je suis ". J’ai aussi été menacée par des bandes criminelles – chaque mois ils me demandaient un " loyer ", mais je n’avais pas les moyens d’en régler la totalité. Je pense que j’ai été menacée par discrimination ou homophobie, à cause de mon identité. J’ai bien songé à aller voir les autorités, mais j’ai réalisé que c’était les mêmes personnes que celles qui me harcelaient. »

Craignant pour sa sécurité, Patricia a décidé de partir au Mexique, mais a été expulsée au bout de quelques mois, durant lesquels elle a été frappée et dévalisée à deux reprises.

Amnesty International dénonce le fait que les femmes, les filles et les personnes LGBTI réfugiées qui fuient des violences extrêmes dans les pays du « Triangle nord » de l’Amérique centrale (Guatemala, Salvador et Honduras) sont exposées aux violences fondées sur le genre à la fois dans leurs pays d’origine et dans les pays de transit. Des pays d’accueil comme le Mexique ne leur offrent pas une protection adéquate : en 2015, 98 % des migrants originaires d’Amérique centrale arrêtés par les autorités mexicaines en tant que clandestins ont été renvoyés dans leurs pays d’origine.

Absence de protections juridiques

Partout dans le monde, des femmes et des filles réfugiées sans papiers en règle se retrouvent confrontées au même dilemme : ne pas signaler les crimes dont elles sont victimes, ou dénoncer ces crimes et risquer d’être détenues, expulsées ou sanctionnées parce qu’elles n’ont pas de permis de séjour valides.

Maryam* [son nom a été modifié], une Syrienne originaire de Homs arrivée au Liban en 2013, a déclaré à Amnesty International que des policiers passaient souvent à la maison qu’elle louait avec des femmes de sa famille et menaçaient de les jeter en prison si elles refusaient de « sortir » avec eux. Elle a déclaré :

« Le harcèlement [des réfugiées] est un gros problème au Liban. Peu importe que je sois célibataire ou mariée, je suis sans cesse harcelée. C’est pourquoi nous avons peur pour nos enfants. J’ai une fille de 16 ans et je n’ose même pas l’envoyer à la boutique toute proche.  »

Solidarité avec les femmes yézidies

Dans la province de Sinjar, en Irak, la minorité yézidie subit une vague de nettoyage ethnique initié par le groupe armé qui se fait appeler État islamique (EI). Des milliers de femmes et filles yézidies ont été réduites en esclavage, violées, frappées, mariées de force et soumises à d’autres actes de torture. Certaines d’entre elles ont été libérées après le paiement d’une rançon par leur famille ou ont réussi à s’enfuir.

À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la violence liée au genre, la section belge francophone d’Amnesty International s’est associée avec la photojournaliste Johanna de Tessières pour réaliser une vidéo présentant des portraits de femmes yézidies rencontrées lors de son voyage en Irak en 2015.

Pour une partie des femmes et les filles yézidies, le cauchemar ne s’arrête pas avec la fin de leur captivité. C’est le cas de Bassema Darwish, mère yézidie de trois enfants, enlevée par l’EI en 2014. Quelques mois plus tard, au lieu d’être libérée, elle été arrêtée par le Gouvernement régional du Kurdistan (GRK) lors d’une intervention dans la maison où elle était retenue captive. En plus des violences sexuelles qu’elle a subies, Bassema est aujourd’hui accusée par le GRK de complicité avec l’EI.

Par ailleurs, en août 2014, lorsque l’EI a lancé une offensive sur la province de Sinjar, un certain nombre de femmes et de filles sont parvenues à fuir. Après un long périple, elles sont arrivées en Grèce, où elles sont restées bloquées.

Pendant plus de cinq mois, elles ont séjourné au camp de Nea Kavala, où les conditions sont déplorables : peu d’éclairage, pas de toilettes ni de douches sûres et séparées, et aucun mécanisme permettant de signaler des actes d’harcèlement sexuel. Dans un contexte d’insécurité constante et en l’absence de protection de la part des autorités, ces femmes ont constitué un « cercle de protection » pour veiller les unes sur les autres. Ce groupe a depuis déménagé dans un autre camp.

« La Grèce et les pays qui accueillent des réfugiés doivent agir sans délai pour améliorer les conditions d’accueil de ceux qui restent bloqués dans le pays, notamment en prenant des mesures adaptées pour assurer la sécurité des femmes et des filles réfugiées, a déclaré Catherine Murphy.

« Minimum absolu, les femmes, les jeunes filles et les personnes LGBTI doivent avoir accès en toute sécurité à des toilettes et à des lieux pour dormir, ainsi qu’à des services et des soins de santé pour celles qui ont subi des violences liées au genre. »

Complément d’information

Les violences liées au genre sont des violences commises contre une personne en raison de son genre. Elles peuvent viser des femmes et des filles, mais aussi d’autres personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité ou expression de genre réelle ou supposée, ainsi que des hommes du fait d’attitudes discriminatoires vis-à-vis de ce qui constitue la « masculinité ».

Les déplacements forcés ont atteint un niveau record en 2015. Environ 10,5 millions de femmes et de filles réfugiées étaient enregistrées à la fin de l’année.

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