Une commission de ce type permettrait l’émergence d’informations exhaustives et fiables sur les graves atteintes aux droits humains commises en Bolivie durant les 18 années au pouvoir de gouvernements militaires et autoritaires (1964-1982). Cette commission aurait également pour tâche d’apporter son assistance dans le cadre de procédures judiciaires en relation avec des violations graves, afin de faire progresser et de contribuer à garantir l’octroi de réparations complètes aux victimes et familles de victimes.
Une proposition de loi pour la création d’une commission vérité, justice et réparations a été rédigée ces derniers mois par plusieurs organisations de victimes ; ce texte a été soumis à l’Assemblée législative plurinationale.
Si elle examinait cette proposition de loi dans les meilleurs délais, l’Assemblée législative ferait un premier pas pour répondre aux préoccupations légitimes des victimes et des familles de victimes. Au fil des années, celles-ci se sont efforcées de garder vivant le souvenir de tous ceux qui ont été soumis à la torture, à une disparition forcée ou à une arrestation arbitraire en Bolivie durant cette période sombre de l’histoire du pays.
À ce jour, les responsables de ces crimes continuent à bénéficier d’une impunité totale. On estime qu’au moins 150 personnes ont été victimes d’une disparition forcée, et des milliers d’autres de violations des droits à la vie et à la dignité, ou d’atteintes à leurs libertés.
L’établissement d’une commissions vérité est extrêmement important afin de se rappeler, d’enregistrer et d’éclaircir ces événements historiques. Il s’agit d’un devoir envers non seulement les victimes et les familles de victimes, mais également la société dans son ensemble, qui a elle aussi le droit de savoir ce qui s’est passé à cette époque, afin d’empêcher que des événements similaires ne se reproduisent à l’avenir.
Un grand nombre de victimes et de proches de victimes qui continuent à réclamer le respect de leurs droits sont désormais âgés. Il est donc crucial que la création d’une commission vérité soit traitée comme une priorité, afin qu’ils puissent participer, apporter de précieux témoignages et voir leurs droits reconnus.
La création d’une commission vérité serait par ailleurs conforme à l’engagement pris publiquement par les autorités boliviennes, dans le contexte d’une audience publique deant la Commission interaméricaine des droits de l’homme en mars 2015, concernant la défense des droits des victimes à la vérité, la justice et à des réparations.
L’établissement d’une commission vérité donnerait en outre un nouveau souffle aux efforts tardifs et pour l’instant infructueux déployés pour retrouver les victimes de disparitions forcées en Bolivie. Et si une commission de ce type ne peut se substituer à des procédures judiciaires, elle contribuerait à ce que les responsables des violations graves, dont celles-ci, perpétrées durant cette période de gouvernance anticonstitutionnelle soient poursuivis et sanctionnés.
Amnesty International espère que l’Assemblée législative plurinationale accordera la priorité à l’examen de cette proposition de loi et veillera à l’établissement d’une commission autonome et indépendante ayant accès à l’ensemble des informations et des dossiers. Cela doit inclure l’accès aux archives militaires, ce qui n’a pour l’instant pas été possible, en dépit de plusieurs décisions de justice et d’une déclaration du ministère de la Défense.
La Bolivie a désormais le choix de s’inscrire dans l’histoire comme un État qui se désintéresse de ses victimes ou bien qui les reconnaît en tant que telles, conformément à ses obligations internationales en matière de vérité, de justice et de réparation.
Amnesty International rappelle une nouvelle fois que c’est seulement en optant pour cette seconde solution que le pays pourra tourner la page et envoyer un message clair selon lequel les violations commises durant les 18 années de régime militaire ne se reproduiront plus.
Complément d’information
Ces dernières années, divers organes de défense des droits humains ont diffusé des rapports contenant des recommandations à l’intention de l’État plurinational de Bolivie quant à ses manquement à l’obligation qui lui est faite de garantir vérité, justice et réparations pour ce qui s’est passé sous les régimes militaires et autoritaires.
En 2013, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a attiré l’attention sur le fait que la Bolivie n’en faisait pas assez pour sanctionner les responsables et garantir des réparations pour les victimes. Ces dernières années, le bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme en Bolivie a fait des déclarations similaires dans ses rapports annuels.
En mars 2015, des organisations de victimes ont assisté à une audience thématique sur la Bolivie devant la Commission interaméricaine des droits de l’homme. Figuraient parmi leurs revendications la création d’une commission vérité qui puisse lever le voile sur les atteintes aux droits humains survenues alors que l’armée était au pouvoir. La ministre de la Justice, qui était à la tête de la délégation bolivienne à cette audience, a pris note de leurs requêtes et s’est publiquement engagée à travailler en collaboration avec les victimes.
Amnesty International et l’organisation non gouvernementale Center for Justice and International Law étaient également présentes, et se sont délicitées de l’annonce de la ministre et de l’engagement, pris plus tard par des représentants du ministère public, d’œuvrer spécifiquement à la création d’une commission vérité. L’État plurinational s’est en outre exprimé en faveur de l’établissement d’une commission vérité lorsqu’il a accepté une recommandation en ce sens dans le cadre de l’Examen périodique universel de la Bolivie aux Nations unies, en 2015.