BOSNIE-HERZÉGOVINE:La dissolution de la Chambre des droits de l’homme prive les citoyens de protection

Index AI : EUR 63/015/2003

Mercredi 11 juin 2003

La proposition visant à dissoudre la Chambre des droits de l’homme (ci-après
dénommée la Chambre) de Bosnie-Herzégovine et à transférer ses affaires en
instance à la Cour constitutionnelle remettrait gravement en cause la
protection des droits humains dans le pays, a déclaré Amnesty International
ce mercredi 11 juin.

« Cette décision est prématurée, étant donné l’état précaire du système
judiciaire, qui subit encore de profondes réformes. »

Le 12 juin, Paddy Ashdown (le haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine)
présentera une proposition pour dissoudre la Chambre le 31 décembre 2003.

« Il est peu probable que la Cour constitutionnelle, qui ne fonctionne plus
depuis un an en raison de problèmes de nomination des juges, offrira le même
niveau de protection à la population. »

« La Chambre joue un rôle crucial dans la réparation des atteintes aux
droits humains en Bosnie-Herzégovine, et à ce titre constitue un modèle à
l’échelle internationale », a déclaré l’organisation.

La Chambre, composée d’un groupe de juristes bosniaques et internationaux,
est compétente pour traiter les affaires d’atteintes aux droits humains. Ses
décisions ont une valeur contraignante. Quelque 10 000 affaires s’y trouvent
actuellement en instance, et en moyenne, 200 nouvelles affaires lui sont
soumises chaque mois.

« Étant donné le lourd héritage d’affaires non résolues d’atteintes aux
droits humains en Bosnie-Herzégovine huit ans après la fin des hostilités,
de nombreuses requêtes individuelles concernent des violations ou des
exactions remontant à la période de guerre, sur lesquelles les tribunaux
locaux ou les organes administratifs n’ont pas pu ou pas voulu se pencher »,
a précisé Amnesty International.

L’essentiel des affaires soumises à la Chambre se rapportait à des atteintes
aux droits humains liées au droit de propriété, mais la Chambre a également
rendu des arrêts faisant date sur des affaires non résolues de « 
disparitions », dans lesquelles des proches de « disparus » se voyaient
refuser toute information sur leur sort ou sur l’endroit où ces « disparus »
se trouvaient ; la Chambre s’est aussi prononcée sur des cas de procédure
inéquitable lors de procès d’infractions commises dans le cadre du conflit
armé. Le Tribunal juge aussi un nombre croissant d’affaires de
discrimination au travail.

« Le mandat unique de la Chambre lui a permis de se pencher sur des
atteintes aux droits humains propres à la Bosnie-Herzégovine, où de nombreux
droits humains n’ont pu être exercés en raison d’une discrimination
généralisée, et où l’accès à la justice est très limité », a déclaré
l’organisation. « Le nombre croissant de requêtes soumises en permanence à
la Chambre indique que pour les gens de Bosnie-Herzégovine, la Chambre
constitue le dernier et peut-être le seul recours en justice. »

Si la Chambre est dissoute, des milliers de Bosniaques pourraient alors
essayer d’obtenir réparation auprès de la Cour européenne des droits de
l’homme, qui ne pourra pas étudier leurs requêtes avant de nombreuses
années, quand bien même elle y parviendrait. La Cour européenne se trouve
déjà dans l’incapacité de traiter ses affaires en instance dans un délai
raisonnable, et le Conseil de l’Europe met en œuvre des propositions
récemment adoptées par le Comité des ministres, qui aboutiraient à supprimer
les fonds de réparations actuellement disponibles.

Amnesty International demande aux responsables de la communauté
internationale de respecter l’Accord de paix de Dayton ainsi que la
Constitution, qui stipule que les membres internationaux de la Chambre
seront remplacés par des personnes nommées par le président de
Bosnie-Herzégovine.

Contexte

Le 12 juin, Paddy Ashdown, le haut représentant pour la Bosnie-Herzégovine,
présentera une proposition étendant au Conseil de mise en œuvre de la paix
les dispositions de l’Accord de paix de Dayton concernant la Chambre. Ce
Conseil est un organe intergouvernemental regroupant 55 pays et organismes,
chargé de surveiller la mise en œuvre du Cadre général de l’Accord de paix
en Bosnie-Herzégovine (l’Accord de paix de Dayton). Le Conseil devrait
accepter cette proposition, selon laquelle la Chambre cesserait de recevoir
de nouvelles requêtes à la fin du mois de juillet, cesserait de fonctionner
à la fin de l’année 2003 et transfèrerait ses affaires en instance à la Cour
constitutionnelle.

La Chambre des droits de l’homme a été créée par l’Accord de paix de Dayton
dans le cadre de la Commission des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine.
La Chambre est compétente pour les violations de la Convention européenne
des droits de l’homme, ainsi que pour les violations d’un certain nombre
d’autres traités relatifs aux droits humains. L’Accord de paix de Dayton
stipulait que cinq années après sa signature, les parties à l’Accord
transféreraient la responsabilité du fonctionnement de la Commission, y
compris la Chambre, aux institutions bosniaques (Annexe 6, article 15). Le 5
juin, la Chambre a fait savoir officiellement qu’elle désapprouvait la
proposition du Bureau du haut représentant, en rappelant que la dissolution
envisagée de la Chambre et le transfert de ses affaires à la Cour
constitutionnelle violeraient l’Accord de paix de Dayton et la Constitution
bosniaque

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