BOSNIE-HERZÉGOVINE : Les « disparus » ne doivent pas sombrer dans l’oubli

Index AI : EUR 63/017/2003
ÉFAI

DÉCLARATION PUBLIQUE

À l’occasion de la Journée internationale des disparus, Amnesty
International a appelé à la coopération entre les entités et les États de
l’ex-Yougoslavie, afin d’appréhender et de traduire en justice les
responsables présumés de « disparitions » qui se trouvent hors des
frontières de la Bosnie-Herzégovine. Cette coopération permettrait également
de mettre à disposition des documents officiels susceptibles de livrer des
informations sur le sort des « disparus » et leurs derniers déplacements.
L’organisation de défense des droits humains a souligné que « les enquêtes
ne peuvent pas s’arrêter aux frontières de la Bosnie-Herzégovine ».

L’année passée, de grands progrès ont été réalisés, notamment dans l’affaire
de Srebrenica. Selon des estimations officielles, quelque 7 500 hommes et
garçons bosniaques ont « disparu » après que l’Armée serbe de Bosnie ait
pris le contrôle de la « zone de sécurité » de l’ONU autour de Srebrenica,
le 11 juillet 1995. Le 7 mars 2003, la Chambre des droits de l’homme de la
Commission des droits de l’homme de Bosnie-Herzégovine a rendu sa décision
dans une affaire soumise par 49 proches de ces hommes et garçons portés
disparus à Srebrenica. La Chambre a ordonné à la Republika Srpska (RS,
République serbe) de livrer immédiatement toutes les informations pouvant
permettre d’établir ce qu’il était advenu des victimes et de déterminer
l’emplacement des charniers où les cadavres avaient été enterrés. En outre,
la RS s’est vu enjoindre de diligenter une enquête sur les événements de
Srebrenica et de publier ses conclusions d’ici le début du mois de septembre
2003.

Par ailleurs, la Chambre a ordonné aux autorités de la République serbe
d’indemniser l’ensemble des demandeurs et des familles des victimes de
Srebrenica, sous forme d’un montant forfaitaire de près d’un million d’euros
versé à la Fondation pour la construction du mémorial et du cimetière de
Srebrenica-Potocari. Elles devront ensuite effectuer quatre versements
supplémentaires d’environ 250 000 euros chacun à cette même Fondation, au
cours des quatre années à venir. À ce jour, aucun versement n’a encore été
effectué ; toutefois, Amnesty International croit savoir que le gouvernement
de la RS a décidé de dédier des fonds budgétaires à la mise en œuvre de ce
volet de la décision rendue par la Chambre.

Dans l’intervalle, le gouvernement a adressé une réponse provisoire à la
Chambre des droits de l’homme, indiquant très clairement qu’il n’a jusqu’à
présent pris aucune mesure visant à conduire une enquête approfondie et
efficace, à même de jeter les bases nécessaires pour poursuivre les
responsables.

Dans cette réponse livrée au début du mois de juin, le gouvernement de la
République serbe déclarait qu’aucune enquête n’avait été ouverte sur les
événements de Srebrenica, en raison de divers « facteurs contraignants ». Il
invoquait les enquêtes et procédures menées par le Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie, qui, selon lui, faisaient obstacle à
ses propres investigations. Il alléguait aussi que les documents relatifs
aux unités concernées de l’Armée serbe de Bosnie avaient été saisis par le
Tribunal ou détruits, et que le commandant de la Force de stabilisation
(SFOR) dirigée par l’OTAN avait interdit à l’Armée serbe de Bosnie de mener
des enquêtes. En outre, il contestait indirectement le nombre de personnes
tuées au lendemain de la chute de Srebrenica, laissant supposer que
certaines s’étaient suicidées ou étaient mortes de mort naturelle. En annexe
de cette réponse, le procureur général indiquait qu’aucun acte d’inculpation
n’était actuellement en instance devant les tribunaux de la République
serbe, concernant les crimes commis à Srebrenica.

Selon Amnesty International, la réponse provisoire du gouvernement montre
qu’il ne s’efforce guère de remédier aux violations des droits humains
graves et systématiques que la Chambre des droits de l’homme a mises en
évidence. La République serbe doit prendre de toute urgence des mesures afin
de satisfaire aux injonctions de la Chambre et de s’acquitter plus
sérieusement de ses obligations mettant en jeu les droits humains de
plusieurs milliers de ses citoyens.

Huit ans après la fin de la guerre en Bosnie-Herzégovine, Amnesty
International renouvelle sa requête auprès des autorités de ce pays, afin
qu’elles s’engagent à adopter une loi érigeant en infraction pénale tout
acte de « disparition », ce qui constituerait une reconnaissance de la
gravité de cette atteinte aux droits humains. Plus précisément,
l’organisation recommande que le nouveau Code pénal soit complété par des
dispositions conférant à une chambre spéciale du nouveau tribunal d’État
l’aptitude à connaître des violations du droit international humanitaire.

Alors que l’exhumation et l’identification de victimes de « disparitions »
et d’enlèvements dans toute la Bosnie-Herzégovine ont connu des progrès
réels, presque rien n’a été fait pour traduire en justice les responsables
présumés de ces violations et de ces atteintes aux droits humains. Les
autorités, et surtout (mais pas uniquement) celles de la RS, ont semblé
refuser délibérément de mettre fin à l’impunité dont jouissent les auteurs
présumés de « disparitions », d’enlèvements et d’autres violations des
droits humains ayant eu lieu au cours de la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Selon des estimations prudentes, près de 17 000 personnes sont toujours
portées disparues en Bosnie-Herzégovine. Avant de « disparaître », nombre
d’entre elles ont été aperçues pour la dernière fois aux mains des forces
armées, de la police ou de groupes paramilitaires. Depuis l’éclatement de la
guerre dans l’ex-Yougoslavie, Amnesty International fait campagne pour que
la lumière soit faite sur tous les cas de « disparitions » et que tous les
responsables soient traduits en justice dans le respect des normes
internationales

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